L’IRTS Paca-Corse avait proposé, depuis la rentrée 2018, une formation de moniteur-éducateur/médiateur social numérique, qui ajoutait une compétence à ce diplôme d’État. (ME-MSN). Il s’agissait de pouvoir mieux accompagner les personnes vulnérables dans leurs démarches dématérialisées. Mais leurs missions allaient bien au-delà le simple accès aux droits. D’où son intérêt. Cela ne fut pas sans poser de questions. La fracture numérique a en effet provoqué la création de nouveaux métiers pour répondre aux besoins d’aide et d’accompagnement des « naufragés du numérique ». Qu’en penser ? Les métiers de la médiation numérique et de la médiation sociale sont désormais bien inscrits dans le paysage. Allaient-ils voir un nouveau métier apparaitre ?
Le projet initial comprenait trois initiatives principales :
- La première concernait l’élaboration de cette formation. Elle visait à réaménager le référentiel du Diplôme d’État pour former des moniteurs éducateurs « augmentés ».
- Le second axe de travail s’est traduit par la mise en place d’une expérimentation de Maisons Départementales de la Solidarité (MDS) « Connectées » avec le Conseil Départemental des Bouches-du-Rhône. Les étudiants ME-MSN devaient avoir un rôle central de médiation sociale et numérique, avec la possibilité de déboucher sur un recrutement.
- Il y a eu enfin la conduite d’une recherche-action en lien avec le Laboratoire d’Économie et de Sociologie du Travail (LEST). L’objectif était d’analyser les transformations politiques et sociales liées à la dématérialisation des démarches administratives et les compétences requises pour allier travail social et médiation numérique.
Ce projet ambitieux s’inscrivait en 2020 dans la volonté de l’IRTS de s’adapter aux transformations de la société numérique. Il cherchait à offrir de nouvelles solutions pour lutter contre la fracture numérique et faciliter l’accès aux droits sociaux pour les personnes les plus vulnérables. La Région qui finance les formations était aussi de la partie.
Une formation au métier de moniteur – éducateur complexe à mettre en place
L’IRTS des Bouches-du-Rhône a finalement mis en place cette formation expérimentale. Elle a soulevé de nombreux questionnements concernant les contenus d’enseignement et les attentes des terrains professionnels.
La mise en place de cette formation expérimentale s’est révélée complexe et contraignante, nous explique Nadia Okbani. C’est notamment en raison des référentiels de Diplômes d’État qui ne sont pas aux transformations numériques en cours ni aux exigences d’évaluation du Rectorat. Pour élaborer cette formation, l’équipe pédagogique a dû travailler dans la précipitation et faire face à des difficultés liées à l’articulation entre travail social et numérique.
Sur le plan pédagogique, la formation comprenait des apports théoriques, des travaux collectifs, des stages et des dossiers sur le cadre règlementaire et institutionnel. Au total, 120 heures sur les 950 heures de formation sont consacrées au numérique et à la médiation sociale numérique, dont 110 heures dès la première année. La deuxième année de formation se concentre davantage sur le cyberharcèlement et la protection des données, avec une possibilité d’effectuer un stage dans une structure de médiation numérique ou un organisme médico-social.
Le rapport de Nadia Okbani soulignait les difficultés rencontrées par la formation, notamment en termes de contenu et de cadrage. Les formateurs ont été confrontés à la question de savoir où commence et où s’arrête le numérique. D’une part, il y a eu une insuffisance dans l’enseignement des compétences techniques liées au numérique, en raison du temps limité et de l’hétérogénéité des compétences numériques des étudiants. D’autre part, l’accès aux droits et l’accompagnement pour les démarches administratives en ligne sont abordés, mais sans dispenser de connaissances générales sur les prestations sociales et leurs conditions d’éligibilité. Ce qui soulève effectivement une question.
De plus, les moniteurs-éducateurs ne sont pas formés et soumis aux mêmes obligations de secret professionnel que les assistants sociaux. Cette réalité a soulevé des questions sur les pratiques à adopter en matière de respect de la vie privée, de confidentialité des informations et de protection des données personnelles. Plusieurs exemples de dilemmes éthiques et juridiques sont ainsi apparus et mentionnés, mais précise l’auteure, il n’a pas été possible de trouver des interlocuteurs capables de répondre en détail à ces questions. Ces difficultés concernent non seulement les moniteurs-éducateurs en médiation numérique, mais aussi les travailleurs sociaux et les proches aidants.
Qu’est devenu ce projet ? On ne retrouve pas trace de cette formation spécifique sur le site de l’IRTS Paca-Corse. J’ai bien adressé un message via le contact prévu à cet effet sur le site pour savoir ce qu’était devenu cette formation. Je n’ai pas reçu de réponse. Dommage. Peut-être qu’un commentaire de lecteur concerné par ce sujet pourra compléter mon manque d’information. En tout cas, il semble que ce projet initial ait été abandonnée.
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