Pourquoi et comment la France s’enfonce dans la crise du logement ?

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Le 30ᵉ rapport de la Fondation Abbé Pierre (future Fondation pour le Logement des Défavorisés) sur l’état du mal-logement en France vient d’être publié. Les récentes données présentées montrent sans détours les profondes inégalités et les multiples difficultés auxquelles sont confrontées les personnes mal logées ou sans abri. Ce rapport souligne l’urgence de réagir face à une situation qui ne cesse de se dégrader, avec notamment un record de 350.000 personnes sans domicile en 2025. Voici l’essentiel de ce que l’on peut en retenir.

Des pouvoirs publics peu ou pas mobilisés

Notre pays traverse une période marquée par l’indifférence politique face à la crise du logement. Malgré les alertes répétées sur l’aggravation du mal-logement, les politiques publiques semblent s’en tenir à un attentisme coupable. Ce sont les mesures répressives qui ont été privilégiées à l’encontre des locataires qui ne parviennent plus à payer leurs loyers. Il n’est plus question de s’attaquer aux causes profondes du problème. Le rapport dénonce cette posture, soulignant que le mal-logement est non seulement une question de dignité humaine, mais aussi un facteur aggravant les inégalités sociales et économiques.

Les chiffres sont particulièrement révélateurs : en 2024, 735 personnes sont mortes à la rue, soit le chiffre le plus élevé enregistré ces douze dernières années par le Collectif Les Morts de la Rue. Cette situation dramatique est exacerbée par le changement climatique. Les conditions de vie des sans-abri se dégradent d’autant plus qu’ils sont exposés aux températures extrêmes sans protection adéquate. La Fondation demande ainsi la mise en place d’un plan « Grand chaud » pour protéger ces personnes face aux canicules, similaires aux plans existants pour le froid.

Les personnes handicapées seules face au mal-logement

Le rapport met également en avant les difficultés spécifiques rencontrées par les personnes handicapées. Elles sont très souvent confrontées à un véritable parcours du combattant pour accéder à des logements adaptés à leurs handicaps. Le parc social, censé être une solution, ne répond qu’imparfaitement à leurs besoins. C’est pire pour le parc privé qui est quant à lui marqué par des discriminations généralisées. Les politiques publiques, bien que progressant lentement, restent cloisonnées et insuffisantes pour répondre à l’urgence de la situation.

Les personnes handicapées souffrent d’un manque de logements accessibles. La loi Elan, qui devait être un progrès en matière d’accessibilité, a finalement constitué un recul majeur. Les dispositifs d’aide à l’adaptation des logements, comme MaPrimeAdapt’, sont nettement insuffisants pour répondre à l’ampleur des besoins. En outre, les organismes HLM peinent à adapter leur parc existant, et les processus d’attribution sont souvent inefficaces. Sans parler des autres freins tels que les contraintes liées aux handicaps qui effraient les bailleurs sociaux. En clair, il est bien plus simple de louer à une personne valide qu’à une personne handicapée. Les propriétaires ne le disent pas – c’est de la discrimination – mais agissent pour choisir des candidats au logement non seulement solvables, mais aussi sans handicap.

L’augmentation continue du nombre de demandes pour accéder à un logement social

La crise du logement est également marquée par une augmentation constante du nombre de demandeurs de logement social. En mi-2024, ce chiffre atteignait un record de 2,7 millions de personnes, contre 2,1 millions en 2017. Cela reflète une pénurie croissante de logements sociaux disponibles, avec seulement 82.000 logements sociaux financés en 2023, soit bien loin des 124.000 de 2016.

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Cette situation est aggravée par une baisse significative de l’offre locative sociale. Elle est passée de 500.000 logements attribués chaque année entre 2015 et 2017 à 393.000 en 2023. La baisse de l’offre est catastrophique.

Une progression préoccupante des expulsions locatives

Alors que l’offre de logement baisse, les expulsions augmentent :  En 2023, il a été enregistré 19.023 expulsions avec le concours de la force publique, soit une augmentation de 17 % par rapport à l’année précédente.

nbre expulsion 1984 2023Ce chiffre est particulièrement inquiétant, car il ne s’agit pas de squatters délinquants comme on veut nous le faire croire, mais de familles et personnes seules. Cette réalité est le reflet d’une politique qui privilégie la répression plutôt que la prévention et l’accompagnement des ménages en difficulté. Les expulsions ne font qu’aggraver la situation des personnes déjà vulnérables, les poussant souvent vers des conditions de vie encore plus précaires. Car une fois à la rue, que peuvent faire ceux dont personne ne veut reloger ?

Une inquiétante progression des inégalités amplifiée par une solidarité en panne

Cette crise du logement est également révélatrice des inégalités croissantes dans notre pays. En 2024, 30 % des ménages ont souffert du froid dans leur logement, contre 14 % en 2020. Faut-il rappeler que 11 millions 200 mille personnes vivaient en situation de pauvreté monétaire cette même année ? C’est 600.000 de plus qu’entre 2017 et 2022. Ces chiffres montrent que les politiques publiques actuelles non seulement ne parviennent pas à réduire les écarts sociaux et économiques, mais les aggravent. C’est assez affligeant.

Face à cette situation désespérante, il est urgent que la société française se mobilise collectivement. Les pouvoirs publics doivent reconsidérer leurs priorités et placer le logement au cœur de leurs politiques. La Fondation Abbé Pierre, continue de lutter contre le mal-logement et l’exclusion, en soutenant près de 900 projets par an. Elle appelle à une action concertée pour offrir à chacun un toit digne et décent.

Que dire de tout cela ?

La crise du logement est un symptôme d’une société qui est en train de perdre de vue ses valeurs fondamentales. Il est temps de réaffirmer que le logement est un droit humain essentiel et que sa garantie est une responsabilité collective. Les réponses politiques doivent être radicalement repensées pour mettre fin à cette crise qui dure depuis trop longtemps. La France a besoin d’une politique du logement qui donne la priorité à l’humain.

Rappelons enfin, les travailleurs sociaux sont souvent en première ligne pour accompagner les personnes mal logées. Mais de quels moyens disposent-ils ? Certes, ils ont un rôle essentiel dans ce combat. Mais leur travail, est méconnu. Leurs moyens sont dérisoires et ils sont enfermés dans des logiques administratives absurdes qui leur sont imposées. Pire même, il leur est trop habituellement demandé de simplement gérer une liste d’attente.

Il est pourtant vital de maintenir un lien social et humain avec les personnes les plus vulnérables. Il est temps que la société reconnaisse l’importance de leur rôle et soutienne leurs efforts pour lutter contre l’exclusion et le mal-logement.

Sources :

 

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