Le 19 septembre a vu 100e anniversaire de la naissance de Paulo Freire. Les médias n’en n’ont pas parlé. Pourtant, son influence se voit partout sur la planète, alors que des centaines d’organismes du Nord comme du Sud développent des pratiques éducatives dites de conscientisation. Son premier livre, qui l’a fait connaître, lui et sa méthode s’intitule « La pédagogie des opprimés. » Un livre paru en 1974 qui a beaucoup marqué les travailleurs sociaux du monde entier. Au Québec bien évidemment, mais aussi en France et surtout en Amérique Latine. Paolo Freire d’origine brésilienne a été arrêté en 1964 par la junte militaire qui a pris le pouvoir dans le pays. Pendant 70 jours, il est interrogé sans relâche. C’est l’événement déclencheur qui l’incitera à écrire un livre intitulé « l’Éducation comme pratique de la liberté »
De 1970 à 1980, Paolo Freire s’exile en Suisse avec sa famille. Il devient un des théoriciens de la théologie de la libération et des mouvances politiques de gauche et chrétiennes. Après 1980, il retourne au Brésil à l’invitation de son pays et réintègre l’Université. En 1989, il devient secrétaire de l’éducation à la mairie de São Paulo et réforme la formation des élèves. Il revalorise les enseignants et leur demande d’éduquer sur des bases de responsabilité réciproque et de participation démocratique.
Devenir un éducateur progressiste
Paolo Freire insiste pour éliminer la structure hiérarchique de l’éducation, laquelle favorise la domination du professeur sur ses élèves tant par le pouvoir que par le savoir. Dans une perspective démocratique, l’éducation doit se réaliser avec la personne. Pour obtenir un tel fonctionnement, il faut qu’apprenants et enseignants s’engagent, collaborent, participent, prennent des décisions et soient, en ce qui a trait à l’éducation, responsables tant socialement et politiquement. Suite à ses écrits, il est rapidement catalogué comme éducateur progressiste. Ce qui bien évidemment ne plait pas à tout le monde et notamment ceux qui défendent l’ordre établi.
Son œuvre nous rappelle que l’éducation populaire s’oppose aux visions néolibérales basées sur la performance. Certaines de ses affirmations sont puissantes et assez révolutionnaires encore aujourd’hui. Ainsi écrit-il sur la « grande tâche humaniste et historique des opprimés : se libérer eux–mêmes et libérer leurs oppresseurs. Ceux qui oppriment, exploitent et exercent la violence ne peuvent trouver dans l’exercice de leur pouvoir la force de libérer les opprimés et de se libérer eux–mêmes. Seul le pouvoir qui naît de la faiblesse des opprimés sera suffisamment fort pour libérer les deux ».
La théorie des opprimés
Ce concept peut pour certains paraitre étrange en 2021. Mais il faut d’abord bien en comprendre le sens. L’oppression existe parce qu’il y a, dans de multiples domaines, des dominants et des dominés. Parfois aucun d’entre eux ne se perçoit comme tel, tout cela peut se situer dans l’inconscient et avoir des conséquences néfastes pour l’individu qu’il soit dominé ou dominant d’ailleurs.
Pour Paolo Freire les opprimés, sont « immergés » dans la logique spécifique de la structure qui les domine. Ils craignent la liberté tant qu’ils ne se sentent pas capables de courir le risque de l’assumer. Il ajoute que « La vraie générosité consiste à lutter pour que de moins en moins les mains, qu’elles soient d’hommes ou de peuples, ne se tendent pas dans un geste de supplication, de la supplication des humbles devant les puissants ».
Il estimait que « la véritable solidarité consiste à lutter avec les opprimés pour la transformation de leur réalité objective qui fait d’eux des « êtres vivant pour un autre ». L’oppresseur ne devient solidaire des opprimés que lorsque son attitude cesse d’être sentimentale et mièvre », et ne garde plus un caractère individuel.
Aujourd’hui Ronald Cameron dans le journal québécois Le Devoir, nous invite à réfléchir sur la situation actuelle. Le choc des défis climatiques crée des perspectives nouvelles d’action citoyenne, aux antipodes des courants complotistes. Comme c’est le cas pour l’ensemble de la société, l’ampleur des défis environnementaux a secoué les mouvements communautaires et d’éducation populaire, qui sont amenés à se renouveler et à s’unir nous explique-t-il.
Comme le disait Paolo Freire, on peut instruire les gens à la réalité des injustices, mais la seule transmission des connaissances ne transforme pas la société. Ce sont les gens qui la transforment. Pour lui personne ne libère autrui, personne ne se libère seul, les hommes et les femmes se libèrent ensemble.
Pour aller plus loin
- Paulo Freire, un pilier en éducation populaire | Le Devoir
- La page Wikipedia qui présente l’oeuvre de Paolo Freire
- Un condensé de la pédagogie des opprimés | education-authentique.org
photo : Paulo Freire, en 1963. Arquivo Nacional Imagem do Fundo Correio da Manhã. Domaine public