L’affaire est entendue : l’affirmation qui consiste à déclarer que deux enfants meurent sous les coups de leurs parents chaque jour est totalement fausse. Cette information faisait référence sur internet jusqu’à ce que Laurent Puech ancien président de l’ANAS et promoteur du site secretpro.fr prenne le sujet à bras le corps pour prouver dans une étude très documentée la construction fallacieuse de ce chiffre qui finalement ne correspond à rien. Son étude publiée sur sur le blog de Laurent Mucchielli, ne laisse aucun doute.
Le problème posé est celui des fausses informations qui continuent de circuler sur Internet notamment. Comment « contrer » une information de la sorte et rétablir la vérité ?
L’étude de Laurent Puech a d’abord circulé sur les réseaux sociaux entre professionnels. Puis la presse professionnelle s’en est emparée. Il y a eu Lien Social qui a titré sur l’info maltraitée mais aussi et surtout TSA qui, dans un article intitulé « Infanticides : l’impact des chiffres » est allé un peu plus loin. Laetitia Darmon a interrogé la pédiatre et épidémiologiste à l’origine d’une étude de l’Insern, Anne Tursz, qui a usé d’extrapolations dans une « éthique de conviction », pour valider le chiffre de 2 enfants tués chaque jour en France. Cela en vue d’alerter les pouvoirs publics sur une thématique qui lui tenait à cœur. Bref elle ne parvient pas à apporter la preuve de l’exactitude des chiffres qu’elle a contribué à médiatiser mais les valide quand même. Que faire face à une telle mauvaise foi ?
Yves Faucoup a quant à lui réalisé une synthèse complète de cette affaire qu’il a publié sur son blog Médiapart. Il rappelle que Anne Tursz se retranche derrière les journalistes qui auraient extrapolé ses chiffres et se seraient accrochés à ce chiffre de deux enfants tués par jour, pour aussitôt estimer qu’il n’est pas déraisonnable. Mme Tursz en profite au passage pour tenter de disqualifier Laurent Puech estimant que « Son texte est rempli d’erreurs et montre son ignorance de la méthodologie scientifique ». Pire et c’est assez scandaleux, elle l’accuse en précisant que son étude n’a « d’autre effet que de donner un sentiment d’impunité à ceux qui se sentent propriétaires de leurs enfants et agissent dans l’intimité du cercle familial ». Donner ce type d’information apporterait une forme d’impunité aux parents maltraitants ? Il faudrait donc donner « des chiffres extravagants pour considérer que la mort d’un enfant sous les coups de ses parents est une tragédie et que notre société doit agir et réagir » alerte Yves Faucoup.
2ème Coup de semonce avec le magazine des ASH qui titre : « La cause des enfants exige de la rigueur« . En interrogeant Laurent Puech, le magazine accrédite son étude et lui permet de répondre clairement « Se poser en défenseur des enfants anesthésie l’esprit critique » Or on peut vouloir défendre les enfants (ce que font chaque jour des milliers de travailleurs sociaux n’en déplaisent à leurs détracteurs) ne peut ni ne doit se faire avec de fausses informations. Il n’y a pas besoin d’en rajouter pour défendre cette cause. Seule la rigueur des chiffres et leur analyse permettent d’agir et de réagir à bon escient.
3ème tir de barrage, la presse nationale se saisit de l’étude grâce au canard enchaîné qui titre avec ironie « Infanticides : le chiffre qui tue ». D’autre médias nationaux mettent en cause les fausses données au sujet des infanticides. 20 minutes titre « Pourquoi est-il si difficile de savoir combien d’enfants meurent sous les coups de leurs parents ? » Les articles ne font pas tous état de leurs sources. Ainsi Laurent Puech n’est pas cité alors que c’est quand même lui qui s’est « tapé le boulot ». (ce que lui reconnait d’ailleurs la presse professionnelle). Faut-il le rappeler tout ce qui sortait avant l’étude de Laurent Puech accréditait les fausses informations comme par exemple ici sur bfmtv.
Le problème devient délicat : Internet ne met pas à jour les données, les fausses informations côtoient celles qui sont exactes. Chacun se saisit comme cela l’arrange et la parole rigoureuse n’a pas plus de valeur que certaines fadaises. C’est là un problème réel et pour ma part je vois mal comment il peut être résolu.
note : Au final que sait-on ? En janvier dernier l’Observatoire national de la protection de l’enfance a publié l’information qu’en 2016, 67 mineurs sont morts sous coups d’un membre de leur famille. Les Service statistique ministériel de sécurité intérieure (SSMSI), indiquaient en janvier, que 131 mineurs avaient été victimes d’infanticide cette même année. Une publication incontestable. Certes le chiffre doit être plus important au regard de ce qui ne se sait pas et n’a pas été découvert mais en tout cas il est loin des 730 annoncés par extrapolation.
Photo : couverture de l’étude de Laurent Puech