Mais qu’est devenue la définition officielle du travail social ?

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Le moins que l’on puisse dire c’est qu’il existe des différences assez importantes entre la définition du travail social telle qu’elle avait  proposée et validée par le Haut Conseil du Travail Social et celle qui vient d’être inscrite par décret dans le code d’action sociale et de la famille. Comme vous pouvez le constater par vous même voici ces 2 définitions qui, placées côte à côte vous permettent de mesurer ce qui les différencie. La définition validée par le HCTS était certes assez conséquente mais se voulait assez exhaustive. Elle était la production d’un groupe de travail présidé par Manuel Pelissié et avait l’objet d’âpres discussions entre les différents membre du groupe. Elle avait finalement fait l’objet d’un consensus. Cette définition est la suivante :

« Le travail social est un ensemble de pratiques professionnelles qui s’inscrit dans un champ pluridisciplinaire et interdisciplinaire. Il s’appuie sur des principes éthiques et déontologiques, sur des savoirs universitaires en sciences sociales et humaines, sur les savoirs pratiques et théoriques des professionnels du travail social et les savoirs issus de l’expérience des personnes concernées, dans un processus de co-construction.

Il se fonde sur la relation à l’autre, dans sa singularité et le respect de sa dignité. Il vise à permettre l’accès effectif de tous à l’ensemble des droits fondamentaux et à assurer la place de chacun dans la cité.

Le travail social s’inscrit historiquement dans les valeurs républicaines, le respect des droits de l’homme et du citoyen et la Constitution. Les principes de solidarité, de justice sociale, de laïcité, de responsabilité collective, et le respect des différences, des diversités, de l’altérité sont au cœur du travail social.

Dans un but d’émancipation, d’accès à l’autonomie, de protection et de participation citoyenne, le travail social contribue à promouvoir, par des approches individuelles et collectives, la transformation sociale, le développement social, la cohésion de la société. Il participe au développement du pouvoir d’agir des personnes et des groupes dans leur environnement.
En cohérence avec la définition internationale, et défini au niveau national, le travail social se décline sur les territoires dans le respect des principes généraux énoncés ».
 
Certes, cette définition est un peu longue, et je m’étais expliqué sur ce qui, à mon avis, faisait tout son intérêt mais aussi ses limites, (en estimant que ne pas considérer le travail social comme une discipline, était à mon sens une erreur au regard de la définition internationale). Mais bon, voici que tout a changé dans le texte qui est paru dans le décret publié le 6 mai dernier. Voici ce que cette définition initiale est devenue :
 
« Art. D. 142-1-1.-Le travail social vise à permettre l’accès des personnes à l’ensemble des droits fondamentaux, à faciliter leur inclusion sociale et à exercer une pleine citoyenneté. Dans un but d’émancipation, d’accès à l’autonomie, de protection et de participation des personnes, le travail social contribue à promouvoir, par des approches individuelles et collectives, le changement social, le développement social et la cohésion de la société. Il participe au développement des capacités des personnes à agir pour elles-mêmes et dans leur environnement.
« A cette fin, le travail social regroupe un ensemble de pratiques professionnelles qui s’inscrit dans un champ pluridisciplinaire et interdisciplinaire. Il s’appuie sur des principes éthiques et déontologiques, sur des savoirs universitaires en sciences sociales et humaines, sur les savoirs pratiques et théoriques des professionnels du travail social et les savoirs issus de l’expérience des personnes bénéficiant d’un accompagnement social, celles-ci étant associées à la construction des réponses à leurs besoins. Il se fonde sur la relation entre le professionnel du travail social et la personne accompagnée, dans le respect de la dignité de cette dernière.
« Le travail social s’exerce dans le cadre des principes de solidarité, de justice sociale et prend en considération la diversité des personnes bénéficiant d’un accompagnement social. »
 
Nous voyons là des différences notables que  j’ai un peu de mal à comprendre. L’ordonnancement  du texte a changé ce qui rend sa compréhension assez différente. La question de la laïcité a disparu. l’accompagnement social me parait « surdimensionné » car rappelons le cet accompagnement n’est qu’une fonction du travail socialMais comme dans toute modification il y a des points positifs et d’autres négatifs. Ainsi je préfère que l’on écrive que le travail social regroupe un ensemble de pratiques au lieu d’écrire que le travail social est un ensemble de pratique ce qui me parait beaucoup moins réducteur. Regrettons la disparition de l’inscription de nos pratiques dans ce que nous appelons les valeurs républicaines et celles des droits de l’homme auxquels les travailleurs sociaux sont si attachés. L’émancipation de la personne et son accès à l’autonomie sont exprimés mais de façon moins forte. Enfin certes l’expérience et les connaissances des personnes sont reconnues mais elles sont limitées à celles bénéficiant d’un accompagnement et sont centrées  sur la construction des réponses à apporter à leurs besoins. Cela me parait dans ce champ un peu réducteur. Il n’y a pourtant pas besoin de bénéficier d’un accompagnement social pour avoir des connaissances sur ce que l’on vit. Ainsi pour ne citer que cet exemple, certains SDF ont beaucoup à nous appendre de leurs expériences et connaissances de la survie dans le monde hostile de la rue sans pour autant être « accompagnés » . 
J’en arrête là mais il me semble qu’il y aurait encore beaucoup à dire et à écrire au sujet de ces 2 définitions. Voilà un beau sujet pour nos étudiants de 3ème année !

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Une réponse

  1. Hello Didier,
    La question n’est pas tant de faire un comparatif entre les versions que de se demander pourquoi et par qui cette définition a été aussi profondément modifiée.
    Le HCTS est une instance représentative dont les travaux (au moins ceux de cette commission je peux en témoigner) ont été de qualité et étayés de contributions aussi diverses que solides. (Chauvières, M Jaeger…etc)
    Que ce texte qui a été aussi longuement pesé et soupesé soit aussi profondément modifié pose tout un ensemble de graves questions sur la pertinence et la légitimité de cette instance. Faut il rappeler que cette définition était sa première production et qu’elle avait, d’une certaine manière, une valeur de test.
    Qui a pu chambouler aussi profondément cette définition? Comment justifier de l’abandon de pans entiers de la définition ? Le boulot fait n’était il pas de qualité ou alors la DGCS se comporte t elle en superviseur administratif sévère d’une instance aussi importante ? A qui profite le crime ?
    Cette affaire n’est pas un détail, loin de là, elle jette un discrédit sévère sur cette instance pourtant construite dans la sueur des états généraux du travail social. On en reparlera certainement!

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