Livre ouvert : « Histoire des préjugés »

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Ces préjugés, qui structurent notre imaginaire collectif, sont les fruits pourris d’une longue histoire marquée au sceau d’une discrimination tant raciale qu’ethnique, sexuelle que sociale. Leur duplicité n’a d’égale que leur prétendue vérité intemporelle et universelle, n’admettant qu’une exception : celle qui confirme la règle qu’ils édictent.

couv histoire des prejuges

Une quarantaine de spécialistes universitaires proposent ici un éclairage historique sur la genèse de cinquante-huit de ces mécanismes d’essentialisation que nous véhiculons toutes et tous, peu ou prou. L’occasion pour le lecteur de s’y reconnaître (ou pas) et surtout de les identifier pour mieux s’en distancier.

Il y a bien sûr, tout d’abord, ces idées reçues collant aux nationalités : les Chinois qui seraient fourbes, les Français râleurs, les Anglais excentriques, les Mexicains criminels, les Arabes violents, les Américains puritains, les Allemands ploucs, etc. Retraçant l’origine de ces attributions qui remontent parfois à l’Antiquité, les auteur(e)s déconstruisent ces pseudo-évidences les unes après les autres.

Parfois, il suffit parfois d’une statistique pour démentir de telles attributions. À l’image de ces Japonais soi-disant suicidaires. Qui n’a pas entendu parler des hara-kiris, de kamikazes de la Seconde Guerre mondiale ou de ces ponts où se pressent les jeune-filles avant de se jeter dans le vide ? Pourtant, cette nation détenait, en 2021, la 42ᵉ place (sur les 50 étudiées) pour le nombre de suicidés pour 100 000 habitants.

Un rappel historique permet de balayer d’autres infox. Le Moyen Âge est souvent synonyme d’arriération, de cruauté et de massacres. Le moderne XXᵉ siècle, celui du progrès et de la démocratie, n’a toutefois guère à lui envier avec son lot de guerres mondiales, de massacres de masse/génocides et de maladies ravageuses (la grippe espagnole ayant provoqué 100 millions de morts en 1918-1919).

Et puis, il y a ces dominations millénaires qui ont forgé des mensonges, en les légitimant. Ainsi, de ces femmes qui seraient prétendument hystériques par nature. Aujourd’hui, le diagnostic psychiatrique de bipolarité, aussi bien masculin que féminin, invalide cet outrage. Mais aussi, ces noirs qui seraient serviles par nature. Certes, les trois religions du Livre ont repris comme une seule la légende d’un Cham condamné par son père Noé à rester lui et ses descendants esclave à tout jamais. Beau prétexte pour perpétuer la servitude.

La syphilis est un mal italien pour les Français, polonais pour les Russes, français pour les Anglais… En réalité, la bactérie du tréponème pâle a été transmise aux conquistadores par les populations d’Amérique du Sud, pays où cette infection était endémique. Juste retour épidémique, après les millions de morts provoquées dans le nouveau monde par la variole importée d’Europe !

La discrimination envers l’obésité, qui est dorénavant désignée comme « grossophobie », date de l’émergence du culte de la minceur. L’accusation de parasitisme qui colle aux basques des artistes remonte à cette Renaissance où chaque souverain, prince ou riche bourgeois s’enorgueillissait d’entretenir à sa cour des peintres, écrivains et autres savants appelés à faire leur éloge. Le parfum, apanage des seuls Dieux, fit longtemps de l’ombre aux personnes qui s’en imprégnaient, accusées de vouloir s’élever de leur condition humaine. Ou ce porc qui symbolise si souvent de lubricité, alors que pendant longtemps, ce fut le chien qui en était la figue. Cette époque aurait contraint à changer le tweet « balance ton porc » en « balance ton chien ».

Les Juifs ? Ils ne se soutiennent qu’entre eux. Remarquons que ce fut leur seule garantie pour survivre aux persécutions. Le délit de sale gueule ? Il est rare qu’une âme mauvaise habite un beau corps, pensait-on au XVIᵉ siècle. Les banlieusards sont des racailles ? Le rejet des exclus au-delà des murailles des villes remonte à loin. Aujourd’hui, c’est au-delà du périphérique ! Les pauvres qui sont des profiteurs vivant sur le dos des riches ? Les législations réprimant la mendicité se sont multipliées, depuis le Moyen Âge, après que les famines et les épidémies les eurent contraints à se réfugier près des villes.

Plus étonnant, cette malédiction qui stigmatise la couleur verte, interdisant de consommer des légumes de cette teinte pendant les mariages ou conduisant Colbert à ordonner la destruction de tout bateau peint de cette couleur. Mais aussi ces Africains qui n’auraient pas eu d’histoire avant la colonisation ? Leur riche passé a été compilé par l’UNESCO dans huit tomes de 1000 pages chacun ! Enfin la saleté proverbiale, ces Indiens qui, comme chacun le sait, vivent dans la crasse ? Juste retour des choses, ces derniers trouvent particulièrement répugnant notre propre usage du PQ, quand eux se nettoient chaque fois au jet d’eau ! J

Tous ces préjugés en disent plus sur celles et ceux qui les propagent que sur les personnes qui en sont victimes. Aucune caractéristique morale ou de tempérament n’a jamais été liée à une nationalité, une religion ou une culture. Chaque être humain possède en lui un libre arbitre pour se soumettre, composer ou rejeter une façon d’être, de penser ou de se conduire.

 

 


 

Cet article fait partie de la rubrique « Livre ouvert »

Il est signé Jacques Trémintin

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Photo : les auteurs Jeanne Guérout et Xavier Mauduit © Edition Proche

 

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