Vous le savez et ce n’est pas faute d’en parler ici, l’intelligence artificielle (IA) s’immisce rapidement dans tous les secteurs, y compris celui du travail social. Pourtant, son potentiel, ses limites et ses implications éthiques restent encore largement inexplorés. C’est pourquoi la Direction générale de la cohésion sociale (DGCS) et le LaborIA, sous la direction scientifique de Yann Ferguson, sociologue à l’Inria, lancent une étude participative pour réfléchir collectivement à l’impact de l’IA sur le travail social. Cet appel à contributions est ouvert à tous les professionnels du secteur qui se sentent concernés par ce sujet. Voilà une initiative à saluer. Elle pose des bases intéressantes pour une réflexion collective sur cette révolution technologique.
Une recherche-action qui se veut ancrée dans les réalités du terrain
L’objectif est clair : impliquer les travailleurs sociaux, les responsables de structures et même les usagers dans un processus de co-conception. Cette approche participative vise à identifier les usages pertinents de l’IA tout en garantissant que ces technologies respectent les valeurs fondamentales du travail social. Les travailleurs sociaux sont adeptes de cette logique de co-construction de savoirs construits à partir du réel de terrain.
L’étude s’étalera sur un an à partir de février 2025 et comprendra quatre ateliers alternant entre présentiel à Paris et distanciel. Les participants auront l’occasion d’explorer plusieurs axes, notamment :
- Les fonctionnalités de l’IA susceptibles de soutenir les professionnels dans leur quotidien.
- Les limites nécessaires à poser pour préserver l’éthique et la valeur humaine du travail social.
- Les opportunités technologiques permettant d’alléger certaines tâches administratives ou répétitives.
Cette recherche-action ne se limite pas à une simple collecte de données. Elle ambitionne également d’accompagner les politiques publiques et de produire des connaissances scientifiques utiles aux acteurs du terrain. Les résultats seront diffusés sous forme anonymisée afin d’enrichir les pratiques professionnelles tout en respectant la confidentialité des participants.
Des enjeux éthiques et pratiques : une réflexion collective est nécessaire
L’intégration de l’IA dans le travail social soulève des questions fondamentales. Yann Ferguson souligne que si ces technologies peuvent libérer du temps pour se concentrer sur l’accompagnement humain, elles suscitent aussi des craintes légitimes liées à une forme de déshumanisation des interventions. Par exemple, l’utilisation d’outils d’IA générative comme ChatGPT pour rédiger des rapports ou des comptes rendus peut être perçue comme une standardisation froide d’un métier qui valorise avant tout la singularité des relations humaines.
Par ailleurs, la question des biais algorithmiques est essentielle. Une IA mal entraînée pourrait refléter les préjugés de ses concepteurs ou reproduire des déséquilibres dans l’aide à la prise de décision. De plus, le consentement éclairé des usagers reste une question qui n’est traitée nulle part. C’est quand même un problème de fond qui peut avoir de gros impacts sur les personnes aidées et accompagnées notamment celles et ceux qui subissent une forme d’illectronisme ou qui sont vulnérables face à ces technologies.
Construire un cadre éthique pour l’IA dans le travail social
Pour répondre à ces questions, l’étude propose une démarche d’acculturation visant à sensibiliser les professionnels aux enjeux technologiques et éthiques liés à l’IA. L’un des objectifs est d’élaborer un cadre éthique collectif qui définisse comment ces outils peuvent être intégrés sans compromettre les valeurs fondamentales du métier.
Yann Ferguson insiste sur l’importance de réintroduire ces pratiques dans le collectif. Cela passe par des discussions régulières entre pairs sur ce qu’est un « travail bien fait » et par une réflexion partagée sur les critères éthiques à respecter. L’idée est non seulement de maintenir, mais aussi de nourrir l’intégrité et la mission du travail social grâce aux apports potentiels de l’IA.
Un appel à contributions bienvenu
Cet appel à contributions est une opportunité unique pour les travailleurs sociaux de participer activement à cette réflexion collective. En partageant leurs expériences et leurs attentes, ils pourront influencer directement le développement et l’utilisation future de l’IA dans leur secteur.
Les professionnels intéressés ont jusqu’au 15 janvier 2025 pour se manifester auprès du LaborIA. Leur participation repose sur le volontariat et garantit l’anonymat ainsi que la confidentialité des données recueillies.
Vers une évolution maîtrisée ?
L’introduction de l’IA dans le travail social n’est pas une question de « si », mais de « comment ». Cette recherche-action offre une possibilité intéressante d’explorer cette transition avec prudence, en veillant à ce que ces technologies servent avant tout les besoins humains sans en altérer la richesse relationnelle. C’est ce que j’appelle un travail pour une « prudence avisée » ce qui à mon avis devrait caractériser les pratiques professionnelles lorsqu’elles sont confrontées à des problématiques sociales et sociétales nouvelles.
En participant à cet appel, chaque professionnel du travail social, mais aussi les personnes accompagnées, peuvent contribuer à anticiper les transformations futures. Il permettra aussi à poser les bases d’une utilisation éthique et respectueuse de ces outils puissants. C’est une occasion rare d’être non pas spectateur, mais acteur du changement. Alors, pourquoi ne pas saisir cette opportunité ?
Concrètement Comment s’y prendre ? Il vous suffit de contacter l’INRIA avant le 15 janvier 2025, par mail à laboria-travailsocialetia[@]inria.fr (retirer les crochets « [ » et « ] » ,; autour du @ pour envoyer votre mail de candidature. )