Nous avons tous été confrontés un jour ou l’autre à des arguments dit « populistes ». D’où l’intérêt de se poser cette question ; comment agir face à des affirmations racistes, excluantes qui stigmatisent une partie de la population ?
Le populisme est une vision de la société particulière qui s’oppose à celle portée par le travail social. En effet, nous sommes souvent face à des personnes qui développent des arguments simplistes, des fausses informations ou encore des accusations infondées. Nous pouvons être confrontés à des formes de populisme contre lesquelles il est difficile de répondre avec efficacité.
Comment agir face aux propos qui dénigrent, accusent et excluent ? Il nous faut peut-être prendre le temps de réfléchir sur ce phénomène qui semble se développer pour pouvoir réagir de façon adaptée lorsque la situation survient. Pour agir efficacement, il nous faut tenter de comprendre de quoi il est question.
Mais qu’est ce que le populisme ?
La définition du Larousse laisse à désirer car selon cette encyclopédie le populisme est une « Attitude politique qui vise à satisfaire les revendications immédiates du peuple sans objectif à long terme ». C’est un terme galvaudé qui recouvre des réalités différentes selon les situations.
Considéré comme péjoratif il est utilisé contre des opposants politiques, des militants des causes contestées et réduit ceux qui en sont affublés à des personnes parfois peu cultivées qui seraient manipulables par des partis politiques extrémistes dangereux pour la démocratie. Wikipédia tente de nous donner une définition du mot : « Dans son acception générale d’aujourd’hui le mot populisme désigne une approche politique qui oppose le peuple aux élites politiques, économiques ou médiatiques ». Le peuple contre les élites. « Le sentiment d’exclusion du pouvoir, même élu démocratiquement, est à la base de cette attitude qui touche aussi bien des sensibilités politiques de droite que de gauche ».
Le populisme serait donc une réponse à un sentiment d’exclusion : or la lutte contre les exclusions fait partie du quotidien des travailleurs sociaux invités à agir pour la cohésion sociale.
Le populiste rejette celui qui ne pense pas comme lui.
Il est très difficile de répondre aux arguments du « populiste » pour plusieurs raisons :
- Le « bon sens populaire » dont il use et abuse résume des idées complexes en une phrase simple. Or, si cela peut parfois fonctionner, c’est très souvent réducteur et même faux. Répondre en s’appuyant sur des idée et des développements complexes même s’ils sont exacts a très peu d’effets. Le populiste ne vous croit pas. Tout simplement.
- Les « populistes » sont différents selon les contextes sociaux et nationaux mais tous sont tous fiers de se considérer comme des défenseurs du peuple face aux élites et ceux qui gouvernent. C’est un paradoxe car le populisme vient aussi des dirigeants qui alors s’adressent à ceux qui vivent un sentiment d’exclusion comme s’ils étaient des leurs alors qu’ils ont tous les attributs de l’élite : financière, modes de vie. (comme par exemple le président actuel des Etats Unis).
- Le populisme se répand et se développe à travers les réseaux sociaux tel un virus incontrôlable. plus les idées sont « révoltantes », plus elles accusent, mieux ça marche quitte à ce que l’information « révélée » soit complètement fausse ou soit subtilement inexacte.
- Le populisme est souvent un masque qui cache le racisme : Pour Raphaël Liogier, « le populisme actuel, contrairement à celui qui a porté Hitler au pouvoir dans les années 1930, ne défend pas la race mais la culture occidentale. On pouvait jadis décrier la culture judaïque, parce que c’était celle de la “race juive”. À l’inverse, parce qu’on ne peut plus être ouvertement raciste, si l’on veut dénigrer des Maghrébins, ce sera sous couvert de rejeter, non pas une race, mais une culture incompatible avec la “nôtre”. »
Le populisme s’appuie sur un double mécanisme d’exclusion
Pour Jan-Werner Müller, professeur à Sciences po – puis à Princeton, depuis 2005 – auteur d’un essai « Qu’est-ce que le populisme ? », le critère principal d’identification des populistes est le fait de revendiquer le monopole moral de la représentation du « peuple vrai ». Leur langage repose fondamentalement sur le « Nous », sur le rejet de la légitimité des autres acteurs politiques: « Nous, et seulement nous, sommes le peuple ». « Les populistes affirment surtout que les citoyens qui ne les soutiennent pas n’appartiennent pas, non plus, au « peuple vrai ». Ce sont deux exclusions à la fois. Il ne s’agit pas seulement de diviser le champ politique entre les élites et le « peuple vrai », mais aussi de jeter la suspicion sur tous les citoyens qui combattent les mouvements populistes en les privant de leur statut moral. difficile alors de répondre car le contradicteur est aussitôt classé comme un ennemi du peuple.
Il y a des populistes au sein du mouvement social des « gilets jaunes » mais ils sont certainement minoritaires
Les populistes sont assez facilement reconnaissables dans les mouvements sociaux à travers ce qu’ils disent et qui sont repris dans les médias. Ce sont ceux qui déclarent être le peuple, être ceux qui le représentent vraiment. Pour preuve, certains demandent la dissolution de l’Assemblée Nationale car elle n’est, selon eux, pas représentative et donc pas légitime.
Les populistes sont très souvent minoritaires mais ils sont très actifs et on les entend beaucoup. Ils savent prendre la parole avec des idées simples qui légitiment tous les excès. Ils ont trouvé dans tous les mouvements auxquels ils adhèrent un moyen de faire avancer leurs idées qui vont à l’encontre même du principe démocratique.
Le populiste face au travailleur social
Rejeter l’autre, celui qui est différent, c’est notamment le cas lorsque qu’une personne qui développe ce type d’idée va dans un service social. Le travailleur social représente « l’establishment », « le système ». Perçu comme agissant contre le peuple, il lui est reproché d’aider plus les étrangers (exclus du peuple) que ceux qui « sont » le peuple.
Le populiste se méfie de son travailleur social. Il a besoin de lui certes, mais à minima. Et quel plaisir de lui envoyer à la figure une phrase bien sentie sur ces étrangers ou ceux qui nous gouvernent. Le populiste attendra de voir votre réaction et, si vous marquez votre désaccord, cela confirmera ce qu’il pensait déjà : vous êtes un représentant du système qu’il déteste. Il peut parfois considérer que cela n’est pas de votre faute. Il peut même aller jusqu’à chercher à vous convaincre tellement il est sûr de son bon droit.
Comment réagir ?
Pas facile et il n’y a pas de recette. D’abord ne pas s’énerver. Rester calme et mesuré et répondre en pensant que si vous vous « emmêlez les pinceaux » vous allez perdre votre légitimité. Notre travail consiste à « réparer » les liens sociaux distendus, à inclure et non exclure. Comment garder le lien en réagissant de façon adaptée sans être rangé dans le camp des adversaires du populiste ?
Comment semer la petite graine qui pourra peut-être germer et ramener celui qui s’est égaré sur les voies de la l’acceptation des différences ? Peut- être en répondant à la provocation par une question du type « qu’est-ce qui vous fait dire cela ? ». Continuer à cultiver la bienveillance sans jugement tel que cela doit se pratiquer dans notre travail.
La bienveillance ne veut pas dire acceptation. Il faut avoir à ses coté des chiffres précis sur leurs sujets de prédilection. Des données qui rétablissent la vérité à partir de faits mais dans le même temps il ne faut pas les asséner comme s’il s’agissait d’un combat entre celui qui a raison et qui a tort. Vous perdriez forcément. Non il s’agit tout, en continuant le dialogue, d’aller rechercher chez la personne ce qui entre en contradiction avec ses propres idées. Par exemple la diversité est acceptée dans le sport (le foot notamment qui reste très populaire) pourquoi ce qui ne pose pas question dans un domaine en poserait dans un autre ?
Pourquoi ne pas se préparer en s’exerçant entre collègues pour repérer ce qui est efficient pour aller à l’encontre des arguments populistes ? Certes, cela peut paraitre délicat et un peu bizarre mais c’est la pratique qui permet de savoir répondre au mieux aux comportements qui provoquent et interrogent. Déjà aborder ce sujet en équipe permet de mesurer que chacun a été confronté à des propos d’exclusion et que les réponses à apporter sont différentes et sans doute plus ou moins concluantes.
La cohérence des idées reçues du populiste a ses limites. Favoriser et permettre la rencontre avec celui qui est différent, donner à voir des actes positifs de ceux qui sont rejetés permet aussi de lutter contre les amalgames et la tendance à mettre toute une catégorie de population comme si elle était homogène et sans distinction.
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Note : j’avais initialement publié cet article le 22 novembre 2018
photo : katemangostar freepik