20 ans ! le bel âge de la chaire de travail social et d’intervention sociale du Conservatoire National des Arts et Métiers (CNAM)

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La chaire de travail social et d’intervention sociale du CNAM est unique dans notre pays. Elle a été créée en 2000 avec l’appui de la Direction générale de l’action sociale de l’époque, du secteur professionnel et de plusieurs enseignants-chercheurs. L’objectif annoncé  était  de valoriser l’expertise et les capacités de recherche des travailleurs sociaux. Je me souviens qu’à l’époque cela laissait supposer que les autorités allaient reconnaitre via cette chaire, que le travail social était une discipline à part entière comme c’est le cas dans le monde anglo-saxon. Finalement il n’en fut rien.

Brigitte Bouquet ancienne assistante sociale fut l’une des artisans de la chaire. Elle explique que « Les années quatre-vingt ont vu une forte réaction du milieu professionnel revendiquant la reconnaissance de relever d’une discipline à part entière. Dans la même période s’était fait jour un mouvement de type lobbying auprès d’universitaires reconnus s’intéressant au secteur social et auprès du CNAM, doté du statut de grand établissement de l’État, à caractère scientifique, culturel et professionnel. »

Il faut aussi rappeler à cette occasion que le travail social est considéré comme une discipline universitaire sanctionnée par le bachelor, master, doctorat, dans les pays d’Amérique du Nord et du Sud et dans plusieurs pays d’Europe. La France a choisi un chemin très différent s’appuyant sur l’histoire même de la formation des travailleurs sociaux. En effet, le système de formation et de qualification a été bâti sur un enseignement professionnel de type privé associatif subventionné par l’État avec la mise en place de stages alternant champ théorique et pratique de terrain. Ce mode de formation  « a souffert du faible intérêt manifesté par les universités françaises » précise Brigitte Bouquet qui fut la première titulaire de la chaire de travail social.

C’est un bel âge pour cette institution qui porte à elle seule un doctorat en travail social. Certes de multiples travailleurs sociaux qui quittent le terrain deviennent « doctorants », c’est-à-dire des chercheurs en phase de formation. Mais ils ne passent pas tous par la chaire du CNAM. Ils sont accompagnés par des directeurs de thèses de multiples universités. Il leur faut à chaque fois s’inscrire dans une discipline universitaire déjà établie : sciences sociales, psychologie, sciences de l’éducation, etc…). De nombreux anciens travailleurs sociaux sont ainsi devenus des sociologues pointus dans des domaines particuliers. Mais le CNAM est le seul à ma connaissance à proposer un Master Recherche en Travail Social et un Doctorat spécialité Travail social, même si ces formations sont rattachées à la sociologie

Brigitte Bouquet, première titulaire de la chaire de travail social

C’est elle qui a mis en place le master de recherche. Elle a initié des liens forts avec le Conseil supérieur (devenu Haut conseil) du travail social et avec la revue du CEDIAS, Vie Sociale. C’est elle qui, quelques années plus tard me contactera pour me proposer de devenir personne qualifiée au sein du CSTS. Cela m’invite à vous dire deux mots sur le parcours de Brigitte : Après avoir été assistante sociale, enseignante à l’université de Créteil, directrice du centre de formation de travail social de Montrouge, directrice de la fondation CEDIAS-Musée social, elle a donc été la première titulaire de la chaire créée par le Cnam.  Personne qualifiée du Conseil supérieur de travail social (CSTS), elle en fut vice-présidente  le temps de 2 mandatures. Brigitte a été également cofondatrice du Réseau national d’Histoire du travail social-RHTS. Sa bibliographie est impressionnante. Elle n’intervient plus aujourd’hui, mais est restée toujours aussi passionnée des questions liées au travail social. Pendant ces dernières années, elle était membre de la commission éthique et déontologie que j’ai eu l’honneur d’animer après François Roche. Nous nous retrouvions dans ce cadre et avions des échanges toujours en lien avec l’actualité sociale du moment.

Puis vint le sociologue Marcel Jaeger, second titulaire de la chaire

Marcel, a, lui aussi, beaucoup écrit et a été personne qualifiée au  CSTS puis au HCTS. Son arrivée en tant que titulaire de la chaire s’est accompagnée  d’une modification de son intitulé en 2009. Elle est devenue « chaire de travail social et de l’intervention sociale ». En 2 mots là aussi, Marcel est devenu professeur émérite du Cnam, il est aujourd’hui président de l’UNAFORIS, Union nationale des acteurs de formation et de recherche en intervention sociale où il a fort à faire… Il a aussi travaillé au sein de la HAS la Haute Autorité de Santé. Il défend avec vigueur la reconnaissance de l’expertise des personnes accompagnées et aidées par les travailleurs sociaux.

Durant sa mandature, Marcel Jaeger a introduit le travail social dans le champ académique, avec tout d’abord la conférence de consensus : « La recherche en/dans/sur/le travail social ». Il a mené aussi le combat, pour la création du doctorat en travail social avec l’appui de l’administrateur général, qui a décidé le 29 avril 2013, de créer deux spécialités en travail social du doctorat du Cnam, en Sciences de l’Éducation et en Sociologie, avec une visée professionnalisante et pluridisciplinaire. C’est une première victoire, d’un champ en construction, et en mal de reconnaissance, qui, aujourd’hui n’a toujours pas une véritable filière de formation.

Emmanuel Jovelin le 3ᵉ titulaire actuellement en fonction

La sociologie a-t-elle pris le pouvoir au sein de la chaire « Travail Social » du CNAM ? La question pourrait être posée, car Emmanuel Jovelin est, lui aussi, comme Marcel Jaeger, sociologue. Il est spécialisé dans le champ du travail social et des publics « en voie de fragilisation ». Vous pouvez mieux le connaitre avec cette vidéo où il parle du travail social face à la crise sanitaire

La chaire fêtera le 3 décembre prochain ses 20 ans

Venons enfin au but de cet article ! Il s’agit de vous annoncer La célébration des 20 ans de la chaire le vendredi 3 décembre.  Ce sera, précise le communiqué du CNAM l’occasion de discuter des enjeux du travail social en France et à l’international avec plusieurs témoins de l’action sociale.

Voici le programme

  • 9h : Ouverture : Olivier Faron, administrateur général du Cnam, Virginie Lasserre, Directrice générale de la cohésion sociale
  • 9h30 : Introduction de la journée : Sandra Bertezène, directrice de l’équipe pédagogique nationale Santé-Solidarité du Cnam, Emmanuel Jovelin, titulaire de la chaire de travail social et d’intervention sociale
  • 9h45 : Les artisans de la première heure de la création de la chaire : Colette Bec, professeur émérite (« Travail social et université, un témoignage »), Pierre Gauthier (ancien Directeur général de la cohésion sociale et ancien président d’UNAFORIS), Marc de Montalembert (rédacteur en chef de Vie Sociale)
  • 11h : La chaire de travail social et d’intervention sociale dans l’équipe pédagogique nationale (EPN 12 – Santé Solidarité) : Jean Louis Laville (Travail social / économie sociale et solidaire), Serge Ebersold (Travail social, accessibilité et droits)
  • 11h30 : La chaire de travail social et d’intervention sociale : les enjeux de la création de la chaire : Brigitte Bouquet et Marcel Jaeger (anciens titulaires)
  • 12h : Débat
  • 14h : Pour une discipline sciences humaines et sociales : Pourquoi une discipline Sciences humaines et sociales-Travail social : Emmanuel Jovelin et Marcel Jaeger

L’entrée est gratuite, mais l’inscription est obligatoire auprès de celia.binet@lecnam.net. Il faudra impérativement présenter votre pass sanitaire.

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Photo créée par master1305 – fr.freepik.com

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3 réponses

  1. Bonjour,

    Cet ancrage de la formation des travailleurs sociaux dans le champ universitaire comporte des éléments positifs, cependant, force est de constater d’une part que l’admission des étudiants dans les IRTS et écoles comporte des biais qui ne permettent pas d’évaluer les potentialités des étudiants à s’engager dans ce métier (parcours sup), et d’autre part, que toutes les reconnaissances du monde ne valent rien quand le salaire ne suit pas, et quand les intervenants ne sont présentés que comme des mauvais acteurs par les médias (notamment en cas de faits divers).
    Donc, au final, les reconnaissances symboliques (passage en catégorie A. soit un B légèrement amélioré ), sont des leurres qui ne font que donner un faux sentiment de prestige à cette profession, qui est l’une des plus mal considérées et les plus déclassées. A ce titre, je vous renvoie à l’article très juste du site en ligne Slate dont le titre est « le travail des éducateurs spécialisés est mal payé, mais ça pourrait changer ».
    On attend toujours ce changement qui ne se concrétise aucunement, quelque soit le gouvernement.
    Le gouvernement Sarkozy a revalorisé les carrières, mais en laissant ces derniers en catégorie B (ce qui correspond au niveau bac, alors qu’ils étaient bac+2)
    Ce même gouvernement a trainé des pieds pour respecter la directive européenne permettant leur reclassement à bac+3
    Puis le gouvernement Hollande a trahi les travailleurs sociaux, en repoussant le plus possible la mise en conformité de ce reclassement avec leur salaire, et ne leur a offert qu’une fausse catégorie A qui n’existe que pour les métiers les moins importants.
    Le gouvernement Macron n’a fait que repousser la mise en application des dispositions issues de ces nouvelles carrières, en permettant toutefois aux travailleurs sociaux de voter par anticipation en CAP A, ce qui ne traduit que la force de leur mépris.
    Donc, au final, rien ne change.

  2. Le programme de cette journée anniversaire est révélatrice de la maladie chronique du travail social, « l’entre soi « . On peut le regretter Martine Trapon

  3. Bonjour Didier,
    j’ai eu l’honneur et le plaisir de faire partie de la première promotion dans cette formation, la promotion Robert Castel, et je garde un excellent souvenir de l’esprit et de la démarche alors conduite par Brigitte Bouquet et l’équipe pédagogique qu’elle avait constitué et que je salue, ainsi que mes camarades de promo de l’époque. J’en avais retiré beaucoup d’enseignements en particulier sur les questions d’évaluation, d’éthique et de formation.
    Amicalement
    Patrick Reungoat

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