Le dernier baromètre du moral des adolescents, publié par Ipsos pour Notre Avenir à Tous, nous montre une triste réalité qui vous questionnera : le bien-être psychologique des jeunes reste à un niveau alarmant. En 2025, un adolescent sur quatre (25 %) est suspecté de souffrir d’un trouble anxieux généralisé, tandis que 40 % présentent des symptômes dépressifs plus ou moins sévères. Ces chiffres, bien qu’en légère amélioration par rapport à 2023, témoignent d’une persistance inquiétante des troubles mentaux chez les jeunes âgés de 11 à 15 ans.
Les années collège apparaissent comme une période particulièrement critique : 26 % des élèves de 11 à 14 ans sont touchés par l’anxiété, un chiffre qui diminue légèrement à l’arrivée au lycée. Pourtant, ces troubles ne se traduisent pas toujours par des demandes d’aide. Plus de deux adolescents sur cinq souffrant d’anxiété n’en parlent à personne, et seulement 52 % consultent un professionnel de santé. Ce silence s’explique souvent par une minimisation de leur mal-être ou par la peur du jugement.
L’école : un catalyseur d’angoisses
L’environnement scolaire joue un rôle central dans la santé mentale des jeunes. Un quart des adolescents identifie l’école comme une source majeure de stress. La course à la réussite les invite à obtenir les meilleures notes. Les interrogations sont perçues comme de véritables épreuves. Cela affecteraient même leur sommeil : près de la moitié (48 %) déclarent que les devoirs et les évaluations perturbent leur repos, bien plus que les conflits familiaux ou amicaux.
Au-delà des performances scolaires, l’ennui et le sentiment de décrochage restent omniprésents. Près de quatre adolescents sur dix trouvent l’école ennuyeuse, tandis qu’un élève sur quatre se sent incapable de suivre les cours ou de comprendre le langage utilisé par les enseignants. Ces lacunes alimentent un cercle vicieux où frustration et désengagement s’entretiennent mutuellement.
IPSOS rapporte que pour les devoirs notés, beaucoup d’élèves déclarent se faire aider par leurs parents ou un professeur particulier (44%). Pour près d’un adolescent sur cinq, ce sont des outils d’intelligence artificielle qui les aident à faire leurs devoirs (20%).
Lors des interrogations écrites, près d’un quart des élèves estime que dans sa classe la plupart des élèves trichent pendant les interrogations notées (25%). Presqu’un adolescent sur trois avoue qu’il lui arrive de tricher (29%). Par ailleurs, plus d’un adolescent sur trois déclare ne pas vraiment travailler en dehors des périodes d’interrogations notées (34%).
Faut -il pour autant blâmer ces jeunes parce qu’ils trouvent des moyens détournés pour répondre aux attentes des enseignants ? Personnellement, je ne le crois pas. Toujours selon ce sondage qui a interrogé mille jeunes, plus d’un tiers des élèves ne semble pas réussir à comprendre les explications des professeurs sur ses notes (35%). Lorsqu’ils ont une mauvaise note, les deux tiers des adolescents pensent en premier à la réaction de leurs parents. Moins d’un sur deux se pose des questions sur ce qu’il pourrait faire pour progresser (46%).
Le poids du silence et le besoin d’écoute
L’un des constats les plus frappants du rapport concerne une forme « d’isolement émotionnel » des adolescents. Bien que 84 % d’entre eux déclarent aller « bien » (7,3/10 en moyenne), cette perception est souvent trompeuse : plus de la moitié (56 %) des jeunes présentant des troubles anxieux généralisés estiment également être en bonne santé mentale. Ce décalage souligne une sous-déclaration significative de leur mal-être.
Pourtant, le besoin d’expression est réel. Près de sept adolescents sur dix souhaitent disposer de moyens pour parler de leurs angoisses à des personnes capables de les aider. Cette demande explicite interpelle sur l’insuffisance des dispositifs actuels pour répondre aux besoins psychologiques des jeunes.
Les réseaux sociaux : entre opportunités et dangers pour les adolescents

Si les cas déclarés de cyberviolence sont en recul depuis 2022 (22 % contre 31 %), ils continuent d’affecter un jeune sur cinq. Les formes les plus courantes incluent moqueries répétées, rumeurs et insultes en ligne.
Le rapport Ipsos sur le moral des adolescents 2025 met en évidence les effets ambivalents des réseaux sociaux sur cette tranche d’âge. D’un côté, ces plateformes constituent un espace d’expression, de divertissement et de socialisation. De l’autre, elles amplifient des problématiques telles que l’anxiété, la dépression et les troubles de l’estime de soi.
Le Centre d’Information et de Documentation Jeunesse CIDJ apporte des précisions sur ce sujet. Les standards de beauté véhiculés par les réseaux sociaux, notamment sur des plateformes comme Instagram et TikTok, exacerbent le sentiment d’insatisfaction corporelle chez les jeunes. Ce phénomène peut conduire à des comportements dangereux, tels que des régimes drastiques ou des troubles du comportement alimentaire. Cela concerne en majorité les jeunes filles.
On apprend aussi au passage que 45% des 11 – 12 ans sont inscrits sur Tik-Tok. Pourtant le réseau social est normalement interdit aux moins de 13 ans. Cherchez l’erreur ! Comment alors s’étonner des effets de l’utilisation excessive des réseaux sociaux ?
Cet accès sans contrôle est associé à une augmentation des symptômes d’anxiété et de dépression. Les jeunes sont souvent confrontés à une pression sociale constante pour se comparer aux autres. Conséquence : cela altère leur satisfaction personnelle et leurs relations interpersonnelles. Cette hyperconnexion réduit également la qualité des interactions sociales en face à face. Cela affecte leur capacité à construire des liens solides dans la vie réelle.
Un sujet important pour les travailleurs sociaux.
Face à ces constats, le rôle des services sociaux apparaît plus essentiel que jamais. Ces professionnelles telles les assistantes sociales scolaires sont généralement parmi les premiers à détecter les signaux faibles du mal-être adolescent, que ce soit dans le cadre scolaire ou familial. Leur habileté à établir un dialogue avec les jeunes est nécessaire pour briser le silence autour des troubles psychologiques souvent niés ou minorés.
Mais leur mission peut aller bien au-delà du simple accompagnement individuel. Les professionnel(le)s de l’aide ont aussi à mettre en avant leur rôle stratégique dans la sensibilisation des familles et des institutions scolaires. Nous savons tous que la santé mentale des jeunes est un sujet difficile à aborder. En collaborant avec les familles, mais aussi les acteurs engagés dans leurs missions éducatives, il est possible de développer des actions de prévention sur ce sujet.
Des jeunes inquiets et même stressés face à l’avenir qui les attend.
Toujours selon l’enquête IPSOS qui vient d’être publiés les jeunes regardent de moins en moins l’actualité sur leur smartphone (50% le font, -10 points depuis 2022). Pourquoi ? En fait, ils ont de plus en plus le sentiment que l’information qu’ils lisent sur leur smartphone leur est mal expliquée. Ils ont du mal à faire des liens.
L’incompréhension reste leur sentiment prédominant face à l’actualité (50%, +1 point depuis 2023). Leur angoisse atteint un niveau record (31%, +2 points), loin devant la colère (26%) ou l’ennui qui arrive en dernière position (17%). En tout cas, ils sont des réceptacles potentiellement intéressants pour les producteurs de fakes-news (ça, c’est moi qui le dit, pas l’étude).
Retenons aussi ce qui stresse le plus les jeunes dans l’actualité : ce sont les violences faîtes aux enfants (44%), mais il y a aussi l’état du monde (41%) et celui de la planète (39%). La politique, la sexualité et le genre sont les sujets qui les stressent le moins.
Vers une refonte des politiques éducatives et sociales ?
Les données du baromètre nous montre l’urgence d’une action concertée pour répondre aux besoins des adolescents en détresse. Cela passe notamment par la mise en place systématique de programmes d’éducation et d’identification des émotions et du stress dès le collège pour apprendre aux jeunes à les identifier et à les exprimer. Le renforcement des équipes pluridisciplinaires dans les établissements scolaires, renforçant davantage le service social des élèves et les psychologues, apparaît également indispensable.
Il est utile aussi d’engager une meilleure formation des enseignants pour qu’ils puissent repérer les signes de mal-être chez leurs élèves. Rappelons qu’une professeure de français vient d’être jugée pour harcèlement à l’encontre de plusieurs élèves dont une s’est suicidée. Il apparait essentiel d’engager une réflexion sur ce type de risque qui est peut-être bien plus fréquent qu’on ne le croit. Il serait aussi intéressant de développer des espaces sécurisés au sein des établissements. Des espaces où les adolescents peuvent s’exprimer librement sans crainte du jugement. (cela existe déjà dans certains collèges. Il faudrait pouvoir les généraliser.
Enfin, il est impératif d’impliquer directement les jeunes dans la conception des solutions qui leur sont destinées. Leur donner la parole permet non seulement d’adapter les dispositifs existants à leurs besoins réels mais aussi de restaurer leur confiance envers les adultes et les institutions.
Aider plutôt que blâmer
Ce baromètre Ipsos tire la sonnette d’alarme sur la santé mentale des adolescents. Mais il offre également une opportunité : celle de repenser nos approches éducatives et sociales pour mieux accompagner cette génération vulnérable mais pleine de potentiel. Les travailleurs sociaux, avec leur expertise unique, ont un rôle central à jouer dans cette évolution.
Il ne s’agit pas seulement d’apporter une réponse immédiate aux crises individuelles. Il s’agit aussi d’instaurer une culture collective où le bien-être mental est valorisé autant que la réussite scolaire ou professionnelle. En investissant dans ces changements structurels aujourd’hui, nous pouvons espérer offrir aux jeunes non seulement un soutien mais aussi une véritable perspective d’avenir.
Sources
- Baromètre du moral des adolescents : un jeune sur quatre fait l’objet d’une suspicion d’un trouble anxieux généralisé | IPSOS
- Consulter le Baromètre des adolescents – Vague 4 – Mars 2025 | Slideshare
- Enquête Quand les réseaux sociaux captivent la jeunesse| CIDJ
- Harcèlement scolaire : l’Etat condamné à indemniser les parents d’un collégien qui s’était suicidé | Le Monde
- Procès Evaëlle : « T’es nul », « tu sers à rien »… Un autre élève raconte comment son enseignante l’a harcelé | 20 minutes
Photo : zotev7 sur depositphotos
Une réponse
La peur de faire une erreur ne devrait pas être dans la culture.
Les erreurs ne sont pas des erreurs. Ce sont des situations pour en tirer une leçon et faire mieux la prochaine fois. Dans ce cas, le mot erreur ne devrait pas exister.
D’ailleurs, la perfection c’est de chercher à faire mieux.
Beaucoup de gens souffrent de leurs soi-disant erreurs.
Par ailleurs, si le cerveau reçoit ce dont il a besoin, il sera protégé contre l’anxiété ou autres symptômes psychologiques. Exemple: portion crudités, portion fruits aux heures (En particulier si TDA). Cultiver une attitude de confiance et d’aisance.