Le futur Institut National du Travail Social (INTS) : une réponse ambitieuse pour la valorisation du travail social

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Vous le savez et c’est loin d’être une surprise, le secteur du travail social traverse une période critique. Entre désaffection des formations, conditions de travail dégradées et manque de reconnaissance, les causes de cette crise sont nombreuses. C’est dans ce contexte qu’il a été décidé de créer l’Institut National du Travail Social (INTS), une initiative que l’on peut considérer comme ambitieuse.  Retour sur les objectifs, les moyens et les promesses de ce projet.

Une ambition nationale pour valoriser le travail social

Rappelons d’abord que la création de l’INTS avait été annoncé lors de la remise des travaux du Livre Blanc sur le travail social en décembre 2023. Cette nouvelle structure a pour vocation principale non seulement de produire du savoir, mais aussi à « réenchanter » les métiers du travail social. On peut aujourd’hui considérer que la crise actuelle du secteur est sans précédent. Il y a beaucoup à faire pour remédier aux difficultés actuelles.  À travers trois missions stratégiques, l’institut entend redonner ses lettres de noblesse à un secteur bien trop souvent invisibilisé.

Le colloque organisé en novembre 2024 au Conseil économique, social et environnemental (CESE) a permis de préciser les ambitions du l’INTS. Il faut d’abord dire que ce colloque fut une réussite. Plus de 300 participants – professionnels, chercheurs, élus et étudiants – ont échangé sur les attentes vis-à-vis de cet institut. Le message est clair : l’INTS doit être un acteur central pour structurer, valoriser et transformer le secteur social.

Trois missions pour relever les défis

L’INTS va reposer sur trois piliers complémentaires :

  1. Un centre de ressources national : conçu comme un espace physique et numérique, il vise à centraliser et à diffuser les connaissances existantes sur le travail social et ses pratiques. Pour cela il devra favoriser les échanges entre professionnels et chercheurs.

  2. Un soutien à la recherche : il s’agit là d’encourager la production scientifique sur le travail social. Les Centres de Formation qui accueille des labos de recherche trouveront là un outil à leur service ou plutôt, ces labos seront invités à contribuer aux travaux de l’INTS. Il s’agit de coordonner et de produire des savoirs permettant aussi d’éclairer les décideurs que sont les élus sur l’impact et l’intérêt de politiques publiques adaptées.

  3. Un cycle des hautes études : inspiré des modèles d’autres instituts nationaux, un programme annuel formera cadres et décideurs aux enjeux du travail social et des politiques sociales. Cela ne doit pas remplacer les cursus de formation actuels, mais plutôt les compléter.

 

Ces trois axes traduisent une volonté forte : faire du travail social un domaine reconnu pour son expertise, sa transversalité et son rôle indispensable dans la cohésion sociale.

Un centre de ressources au service des territoires

atelier 1 colloque INTSLors des ateliers du colloque, la fonction « centre de ressources » a été largement discutée. L’objectif est clair : créer un lieu carrefour pour tous les acteurs du secteur social – travailleurs sociaux, employeurs, formateurs, chercheurs – afin d’encourager les échanges et l’innovation. Ce type de centre n’existe pas et pourtant nous en avons besoin.

Ce centre de ressources ne devra pas se limiter à un espace physique. Une plateforme dématérialisée devrait permettre d’adapter les contenus aux besoins spécifiques des différents publics (étudiants, professionnels, élus) et territoires. Des informations sur les formations, financements ou encore passerelles professionnelles devraient être accessibles à tous.

Comme l’ont souligné plusieurs participants, une présence territoriale reste essentielle. Une animation locale devrait permettre d’organiser des événements adaptés aux réalités régionales de terrain tout en valorisant les initiatives locales. Cette double approche – numérique et territoriale – vise à renforcer la visibilité du travail social tout en répondant aux besoins diversifiés de chacun des acteurs.

Le centre de ressources aura aussi le mission d’être un observatoire en diffusant données et enquêtes issues de partenariats avec des fédérations ou laboratoires de recherches à visée universitaire. Cette fonction permettra non seulement d’améliorer la connaissance du secteur,  mais aussi d’orienter les politiques publiques. Certes de nombreuses recherches existent mais elles ne sont pas suffisamment articulées et coordonnées. L’observatoire devrait permettre de créer des liens et de favoriser des synergies.

La recherche comme levier d’attractivité

atelier 2 INTSLe soutien à la recherche est un autre pilier fondamental de l’INTS. Les participants au colloque ont insisté sur l’importance de produire des connaissances scientifiques pour mieux comprendre les mutations sociales et leurs impacts sur le travail social. Nous vivons des moments de grandes transformations et il n’est pas certain que nous en prenions tous la mesure. Comme pour la formation initiale et continue des travailleurs sociaux, c’est bien l’articulation entre savoir théorique et savoir pratique qui doivent être ensemble reconnus. Bref, l’INTS ne doit pas être une chapelle réservé aux seuls universitaires spécialisés en sciences humaines.

La recherche-action a été particulièrement mise en avant comme méthode efficace pour rapprocher chercheurs, professionnels et personnes accompagnées. C’est vraiment une bonne chose. Cette pratique pragmatique est particulièrement efficace dans notre domaine. Elles permet des collaborations interdisciplinaires. l’INTS pourrait ainsi contribuer à structurer un corpus scientifique solide tout en répondant aux besoins concrets du terrain.

Pour renforcer cette dynamique, l’institut prévoit de soutenir financièrement jeunes chercheurs et doctorants via des contrats doctoraux ou postdoctoraux. À terme, il pourrait même envisager la création d’un cursus académique spécifique au travail social, comme cela existe déjà dans d’autres pays européens Cette perspective pourrait non seulement attirer davantage d’étudiants vers ces métiers, mais aussi offrir aux employeurs des experts capables d’innover dans leurs pratiques. Je suis personnellement moins convaincu par l’idée d’un cursus supplémentaire de filière. Il faudrait analyser comment se positionne l’Université, le Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche pour ne citer qu’eux.

Un cycle annuel pour décloisonner le secteur ?

atelier 3 colloque intsLe troisième axe stratégique de l’INTS est la création d’un cycle annuel des hautes études du travail social. Inspiré par des modèles existants comme l’Institut des Hautes Études de Défense Nationale (IHEDN), ce programme vise à sensibiliser cadres publics et privés aux enjeux sociaux.

Ce cycle chercherait à s’adresser à un public mixte – décideurs publics, élus locaux, journalistes ou encore professionnels du terrain. Il s’agit de favoriser une réflexion collective sur les politiques sociales. Les participants auront l’occasion d’explorer différentes thématiques via des visites sur le terrain ou même des voyages internationaux. Là aussi, c’est assez ambitieux. 

Les ambitions affichées par l’INTS sont élevées, il faut le reconnaitre. Mais elles répondent surtout à une demande forte exprimée par les professionnels lors du colloque. La crise actuelle nécessite des actions concrètes pour revaloriser nos métiers.

Les différents intervenants ont souligné l’urgence de redonner du sens au travail social. Pour cela il faut pouvoir mettre en avant ses réussites et son impact positif sur la société. N’oublions pas que cela passe notamment par une meilleure reconnaissance financière (dont la prime Ségur mais pas que), une réduction des charges administratives ou encore une amélioration des conditions de travail. Là aussi il y a au sein des institutions des travaux à engager. L’Ints peut être un soutien en ce sens.

Favoriser une approche collective

Au-delà des revendications individuelles, plusieurs participants ont plaidé pour une approche de pratique plus collective du travail social. On ne peut que leur donner raison, car les nécessités actuelles semblent faire oublier l’importance des actions collectives et leurs capacités de transformation. L’idée est de créer des espaces où professionnels et personnes accompagnées peuvent échanger librement afin d’élaborer ensemble des solutions innovantes.

Vous l’avez compris, l’Institut National du Travail Social représente une opportunité unique pour améliorer durablement l’image du travail social dans notre pays. Il ne le pourra pas seul.  Mais en combinant recherche scientifique, formation continue et mise en réseau des acteurs locaux, il pourrait devenir un véritable moteur d’innovation sociale.

Cependant, plusieurs défis restent à relever : il faudra que soit garanti un financement pérenne pour les activités de l’INTS. Celui-ci devra  éviter le risque d’un fonctionnement trop centralisé ou encore s’assurer que ses actions répondent réellement aux besoins du terrain.

En conclusion, avec des moyens et une réelle volonté, l’INTS pourrait marquer un changement décisif dans l’histoire même du travail social dans notre pays. Plus qu’un simple institut, il incarne l’espoir d’une reconnaissance accrue pour celles et ceux qui œuvrent chaque jour au service des autres dans des conditions souvent bien difficiles. En ce sens les responsables de l’INTS n’auront pas le droit à l’erreur. Ils devront être vite alertés si les objectifs initiaux ne sont pas respectés. La gouvernance de l’Institut devra aussi être précisé et permettre en toute logique que l’ensemble des acteurs y soient représentés.

Source

 


Photos : Ministères sociaux / DICOM / Cédric Bufkens / SIPA

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