Didier Dubasque

La dure réalité de l’adoption, ce « parcours du combattant »

L’adoption n’est pas la même dans tous les départements et c’est un vrai problème nous expliquait il y a quelque temps déjà un article du Huffington Post. Oui, les Français ne sont pas égaux devant l’adoption, que ce soit du côté des parents candidats ou du côté des enfants à adopter. Depuis la décentralisation du pays dans les années 80, l’adoption est la responsabilité des conseils départementaux. Et la libre administration crée des disparités précise la journaliste Lucie Hennequin. On le savait déjà, il en est d’ailleurs de même pour de nombreuses situations sociales. Cela vaut aussi pour l’insertion des allocataires du RSA ou encore les politiques sociales en direction des personnes âgées.

Perrine Goulet, députée LREM de la Nièvre, ancienne enfant placée, très active sur la question de l’adoption, n’a pas manqué de donner son point de vue : « Dans certains départements, il y a des services spécifiques, avec des professionnels formés, capables d’accompagner les candidats à l’adoption et de faire des projets pour les enfants, explique-t-elle. Alors que dans d’autres départements, on n’a pas ou plus de service d’adoption.” Il n’y a pas que le processus d’évaluation des demandes d’agréments qui est mise en cause, c’est plutôt l’ensemble du parcours qui est depuis longtemps une épreuve longue et pénible pour les parents candidats.

Les échecs aux adoptions un tabou évacué des débats

Il n’est pas rappelé dans l’article du Huffington Post, une autre réalité : celle des échecs à l’adoption qui invitent à la plus grande prudence. C’est un sujet un peu tabou : pourtant il n’est pas sans conséquences. De nombreux échecs se traduisent par de nouveau abandons. Les enfants sont alors replacé auprès des services sociaux et je ne vous explique pas ici les dégâts pour l’enfant qui vit ainsi un double abandon.

J’ai pour ma part en tant que professionnel eu à recevoir des familles qui ne voulaient plus de l’enfant qu’elles avaient adopté. Une d’entre elles m’avait carrément laissé le gamin dans mon bureau. Certes, c’était il y a longtemps, mais mes échanges avec des collègues m’ont conduit à constater que le processus d’évaluation reste essentiel ainsi que l’accompagnement des familles lorsqu’elles sont en difficulté. Or celles-ci ne veulent souvent pas voir ce qui se passe et, ayant parfois « subi » un long accompagnement, elles ne souhaitent pas à faire de nouveau appel à un service social. Cela est alors vécu comme un échec et la peur du jugement fonctionne à plein.

L’adoption est un processus complexe qu’il faut pouvoir accompagner avec réalisme et humanité

« L’adoption n’est pas une merveilleuse aventure, l’adoption est un risque«  soutient Sylvia Nabinger, conférencière brésilienne, spécialiste des questions de l’adoption internationale. C’est une réalité complexe qui mobilise des associations qui pourraient parfois avoir des positions un peu extrêmes en demandant par exemple que l’on multiplie les placements des enfants adoptables dans des familles. Certes, mais là aussi que veulent de nombreuses familles ? J’ai été par le passé assez effaré des attentes de  celles et ceux qui ne souhaitent qu’un nourrisson, pas un enfant de plus d’un an, ou encore moins un enfant de couleur, alors que de nombreux enfants adoptables sont bien plus âgés et  « plutôt colorés ». Est-ce encore le cas aujourd’hui ?

L’adoption en France a beaucoup changé. Aujourd’hui, les enfants concernés sont à 65% des enfants à besoins spécifiques. C’est-à-dire qu’un tiers d’entre eux sont adoptés après l’âge de 5 ans, et qu’un quart est affecté par une pathologie. Si élever un enfant est un défi en soi, ce type d’adoption relève du pari. Un pari sur l’avenir, pour des enfants qui ont parfois un passé traumatique, des troubles physiques ou psychologiques, ou qui sont inséparables de leur fratrie… De cela aussi il faut parler.

J’ai eu aussi fort heureusement à vivre des expériences formidables d’adoption réussies, dans des familles aimantes et aidantes, (une majorité) mais aussi suffisamment solides, conscientes et en capacité d’expliquer à l’enfant, avec des mots simples, sa réalité d’enfant adopté. Et je vous avoue que c’est un grand plaisir professionnel que d’accompagner ces familles pendant les premiers mois de l’arrivée de l’enfant.

À l’adolescence, il est normal que l’enfant exprime le désir de mieux connaître ses origines biologiques. Cette attente n’est pas toujours bien comprise ni respectée.  C’est une blessure qui ne se referme que difficilement. Et l’on comprendra aisément que lorsqu’on est à l’âge où l’on se cherche et que l’on construit ses valeurs et sa personnalité, les interrogations sont bien plus vives lorsque l’on a été adopté. En fait, je ne suis pas convaincu que cette blessure de l’abandon puisse se refermer définitivement. Nombreux sont celles et ceux qui « vivent avec » et ont accepté que cela fasse partie de leur personnalité.

L’adoption, un enjeu de formation

C’est pourquoi il est essentiel que les travailleurs sociaux soient formés, connaissent bien les multiples dimensions de l’adoption, le statut de l’enfant, la place des parents, les logiques et les règles administratives, mais aussi les effets de la relation de chacun à l’enfant. Entre celui qui est projeté et idéalisé, celui qui est investi de façon plus ou moins consciente, celui qui est là dans la famille et qui vient d’arriver, les écarts peuvent être si importants qu’il est nécessaire de mettre en place des accompagnements bienveillants, mais aussi bien en prise avec le principe de réalité.

Enfin, terminons par ce témoignage. Comment ne pas être impressionné par la force de cette famille adoptante présentée dans le témoignage qui suit : Formidable tout simplement.

 

Photo : capture d’écran du reportage du Huffington Post « Le jour où Clotilde Noël a rencontré sa fille adoptive polyhandicapée pour la première fois »

à lire parmi l’abondante littérature sur ce sujet des échecs :

et une émission de France 5 à ce sujet

 

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