L’état d’avancement de la crise climatique atteint un stade critique, nous explique un rapport publié par Oxfam et Greenpeace. Les conséquences des changements climatiques se font déjà ressentir depuis des années dans différents pays, notamment pour les populations les plus vulnérables. Nous le voyons désormais en France avec les canicules de cet été, mais aussi avec la multiplication des incendies qui détruisent des hectares de forêts comme jamais auparavant. Plus d’une centaine de communes n’a plus d’eau potable alors que l’on continue d’arroser les golfs malgré les restrictions.
Il n’y a pas que notre pays à être touché, loin de là. Une partie de la population mondiale subit désormais régulièrement les manifestations de ce réchauffement (sécheresses, inondations, tornades, vagues de chaleur, etc.). Cette réalité ne semble pas émouvoir la majorité de la classe politique qui gouverne les pays riches. Elle se refuse à prendre les mesures nécessaires pour lutter contre la crise climatique.
Ce rapport avait confirmé ce que nous pressentions déjà : le patrimoine financier de 63 milliardaires français émet autant de gaz à effet de serre que celui de 50% de la population française. Cette analyse révèle qu’avec au moins 152 millions de tonnes équivalent CO2 en une année, le patrimoine financier de ces 63 milliardaires émet autant que le Danemark, la Finlande et la Suède réunis. Autre exemple, à elle seule, la famille Mulliez qui détient les magasins Auchan émet autant que 11 % des ménages français, soit plus que tous les habitants d’une région comme la Nouvelle-Aquitaine.
Comment est-ce possible ?
Le rapport prend en compte l’empreinte carbone des actifs financiers des multimilliardaires. Avant d’être consommée, une tonne de carbone est produite, donc financée. Or, lorsque l’on complète le bilan carbone de la consommation des ultra-riches par l’empreinte carbone de leurs actifs financiers, afin d’en dégager une appréciation plus exhaustive, on s’aperçoit que les disparités climatiques explosent, pour atteindre des niveaux vertigineux.
Pourquoi analyser l’empreinte carbone des milliardaires ?
D’abord parce qu’ils sont les grands gagnants des politiques économiques déployées par Emmanuel Macron pendant son quinquennat. Les cinq premières fortunes de France ont en effet doublé leur richesse depuis le début de la pandémie. Elles possèdent à elles seules autant que les 40 % les moins favorisés en France. Il est important de comprendre ce que représente ce processus d’inégalité. Avec les 236 milliards supplémentaires engrangés en 19 mois par les milliardaires français, on pourrait quadrupler le budget de l’hôpital public ou distribuer un chèque de 3.500 euros à chaque Français.
Les milliardaires possèdent une part importante de l’appareil de production, où sont produites les émissions de CO2. Cela leur confère non seulement un pouvoir de décision important, mais aussi une grande responsabilité. Par leur position économique, ils sont en capacité de façonner l’économie et financer des produits ou services bas-carbones pour l’ensemble de la population. Mais pour l’instant ce n’est pas du tout le cas. On le voit par exemple avec l’usage effréné des produits plastiques qui polluent les sols et les océans. Il est demandé aux particuliers de faire attention, mais dans un même temps la production de plastiques est en constante augmentation.
Et la finance dans tout cela ?
Son impact est tout autant considérable. Les investisseurs ont un rôle prépondérant dans l’économie : via leurs participations sur les marchés financiers, ils choisissent de financer des entreprises ou des projets qui ont eux-mêmes un impact plus ou moins conséquent, voire néfaste, sur le climat.
Cette responsabilité est indirecte, mais néanmoins bien réelle : la finance a le pouvoir de décider quelles activités économiques bénéficieront de fonds, et réciproquement, lesquelles n’en bénéficieront pas. En l’occurrence, sur le podium des entreprises du CAC 40 qui ont la plus grosse empreinte carbone, on retrouve trois banques françaises : BNP Paribas, Société Générale et Crédit Agricole, qui ont chacune une empreinte carbone supérieure au territoire français.
« Il y a la nécessité d’avoir une nouvelle nuit du 4 août qui fasse que monsieur Total, monsieur Amazon, monsieur Uber paient leurs impôts au moins à l’égalité des TPE-PME. Cela relève d’un simple bon sens. »
Les plus modestes encore une fois lésés
Selon le rapport Oxfam, la fiscalité carbone pèse 4 fois plus lourd en proportion de leurs revenus sur les 20 % de ménages les plus modestes, par comparaison avec les 20 % de ménages les plus aisés. Alors que la population française est appelée à faire de plus en plus d’efforts face au changement climatique, que l’État s’est fixé des objectifs de réduction des émissions de CO 2 qu’il ne respecte pas, (comme l’a souligné le Haut Conseil au Climat en décembre 2021), les grandes entreprises ne sont aujourd’hui soumises à aucune obligation climatique.
Il est important que les initiatives soient prises au niveau des collectivités territoriales. En effet, elles sont plus proches des attentes des citoyens qui commencent à comprendre ce qui se passe.
Construire la confiance
Il ne sera pas possible de faire face au défi climatique dans une société minée par la défiance. Elle se développe inévitablement avec le sentiment d’inégalité et d’iniquité. Aux inégalités sociales s’ajoute une responsabilité différenciée dans la crise climatique entre les différentes catégories sociales et entre les différents ménages.
Faudra-t-il prochainement établir une taxe ISF climatique ? En tout cas Oxfam et Greenpeace l’appelle de leurs vœux même si cela parait totalement irréaliste avec un gouvernement qui protège les grands groupes. Si cet état de fait n’est pas corrigé par des politiques publiques cohérentes, notamment en matière fiscale, l’acceptabilité sociale de la transition sera d’autant plus compliquée à obtenir. .
- lire le rapport Oxfam / GreenPeace » Les milliardaires font flamber la planète et l’État regarde ailleurs » ou sa synthèse
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Note : pendant les vacances d’été, je me permets de traiter de sujets qui m’intéressent, au-delà les questions liées au travail social. N’hésitez pas à me préciser si ce type d’article vous convient… ou pas.
4 réponses
Article absolument nécessaire pour remettre en perspective les enjeux de notre société . Et après ?
Bonjour Didier
Article fort intéressant pour ma part et pas si éloigné du travail social car problématique sociétale.
Très bon été
Bien cordialement
Oui, ce genre de sujet intéresse le travail social, car tout est lié, et nous voyons bien que la pénurie de moyens dont souffrent les services sociaux vient de la façon dont la fiscalité est répartie, et que les difficultés sociales que nous affrontons proviennent d’une répartition des richesses aberrante.
Article très intéressant et qui de très près touche les humains partout sur cette planète. Sujet d’actualité et sujet social et humain à la fois.