Le défenseur des Droits a publié hier son rapport d’activité. En 128 pages, il décline l’ensemble de ses missions, et donne à voir ce qui ne fonctionne pas bien dans notre pays. Gestion des demandeurs d’asile, personnes âgées et handicapées, Droits des enfants, relations avec l’administration… Tous ces sujet laissent apparaître une certaine dégradation de l’accès aux droits pour tous mais surtout pour les plus fragiles. Regardons ensemble 2 aspects de son rapport : les difficultés de la population face à la gestion des droits via le numérique et les manquements aux droits des personnes handicapées..
Nous sommes tous concernés par la gestion de nos droits et des prestations sociales. Mais quand on ne dispose pas d’outil tel un ordinateur, une liaison internet ou plus simplement un smartphone connecté, c’est alors la « double peine ». Mais il ne suffit pas de disposer des outils et de savoir s’en servir pour accéder à ses Droits. C’est en quelque sorte ce que dit Jacques Toubon. C’est l’une des préoccupations de ce rapport.
« Le développement du numérique a contribué à remanier d’autant plus profondément ces rapports qu’il donne parfois l’impression d’avoir été mis en place ‘à marche forcée' » est-il indiqué. Une personne sur cinq dit en outre éprouver des difficultés pour accomplir des démarches administratives courantes. C’est là un sacré paradoxe. Alors que tous disent vouloir simplifier les procédures d’accès aux Droits via le numérique, « elles n’ont jamais été si compliquées » pour les usagers.
« La dématérialisation de l’accès aux services publics constitue également un frein pour certains publics. Les personnes sans accès à internet (27%), ou celles qui indiquent être peu à l’aise avec cet outil (33%), rencontrent plus de difficultés dans leurs démarches que les autres : 27% des personnes qui n’ont pas accès à internet et 33% pour les personnes qui bénéficient d’un accès mais se sentent peu à l’aise sur internet (contre 20% en moyenne) ».
Alors imaginez la difficulté si en outre vous avez un handicap, comment cet accès à l’e-administration peut devenir quasiment impossible. « Une difficulté revient régulièrement : celle de pouvoir contacter quelqu’un (38%) représente un des problèmes les plus fréquemment rapportés. Une personne sur trois cite également le manque d’information ».
Cette réalité peut être confirmée par de nombreux travailleurs sociaux qui ne savent plus où donner de la tête et trouver un interlocuteur fiable pour prendre en considération des situations complexes qui n’ont pas été prévues par les développeurs de logiciels.
le rapport reprend tel quel ce que les travailleurs sociaux constatent et dénoncent parfois : « Le recul de l’accueil dans les services publics à l’ère de la dématérialisation est une énorme difficulté pour le public et particulièrement pour les personnes âgées, précaires, en situation de handicap ou étrangères. La confiance, qui est un élément essentiel de la relation entre les usagers et les administrations, s’est dégradée du fait de procédures administratives de plus en plus dématérialisées et complexes. La réduction de l’accueil des usagers et la difficulté d’obtenir des informations par téléphone avec un renvoi automatisé quasi systématique vers le site internet de l’administration conduisent de nombreuses personnes à ne pas faire valoir leurs droits ».
Les personnes handicapées encore et toujours discriminées
les saisines du Défenseur des droits relatives au défaut d’aménagement raisonnable à l’encontre des personnes handicapées dans l’emploi représentent près de 9 % des saisines en matière de discrimination. A noter que la France a une culture de retard dans sa prise en compte du handicap.
C’est ainsi que le Défenseur des droits a publié un guide «Emploi des personnes en situation de handicap et aménagement raisonnable» qui a pour objectif de faire connaître aux employeurs l’obligation d’aménagement raisonnable, trop souvent ignorée, et de les accompagner dans la mise en place de mesures appropriées pour l’emploi des travailleurs handicapés.
Il y a pourtant des solutions possibles
La première consiste à réhabiliter les lieux d’accueil physique partout où cela est nécessaire : « Ces problèmes soulignent à quel point il est nécessaire de conserver des lieux d’accueil physique sur l’ensemble du territoire. Le Défenseur des droits souhaite que lorsqu’une procédure est dématérialisée, une voie alternative – papier, téléphonique ou humaine – soit à chaque fois proposée. Par ailleurs, il propose que le maintien d’une pluralité de moyens d’accès aux services publics soit financé par les économies générées par la dématérialisation des services publics. Plusieurs dossiers traités en 2017 montrent que le Défenseur des droits est de plus en plus perçu comme une voie de recours, là où un simple échange avec l’administration aurait pourtant suffi à résoudre le problème ».
La seconde me parait elle aussi excellente : Jacques Toubon appelle le gouvernement à introduire dans la loi une clause de protection des usagers vulnérables ou précaires pour lesquels la dématérialisation des démarches administratives lancée au niveau national constitue, dit-il, une voie de relégation. Les termes sont forts les propositions sont concrètes même si certains points développés peuvent déplaire à l’exécutif.
Evidemment le défenseur des Droits ne pourra rien s’il n’est pas soutenu et relayé. Il nous faut reprendre ses propositions et les porter auprès de nos élus pour que cela porte. Une note d’accompagnement de ce type de proposition par les acteurs de terrain serait sans doute très utile à ce sujet…
La photo est issue du rapport du Défenseur des Droits