« On a gagné ! »
C’est ce cri de victoire qu’ont lancé les collectifs et syndicats de la Haute Vienne dans leur combat pour la protection des jeunes majeurs. Le collectif adopteunjeune.com et les syndicats CGT et FSU sont allés sur le terrain juridique pour dénoncer les pratiques de ce Département vis à vis des mineurs non accompagnés atteignant leur majorité. Ils ont eu raison et ont obtenu gain de cause. Mais il aura fallu 6 années pour que la décision soit prise.
Par un arrêt en date du 15 juillet 2020, le Conseil d’Etat a annulé la partie d’une délibération du Conseil départemental de la Haute Vienne, en date du 6 octobre 2014, qui excluait de toute prise en charge au-delà de la date anniversaire de ses 18 ans, tout jeune n’ayant pas été pris en charge préalablement pendant au moins trois années consécutives par l’aide sociale à l’enfance (ASE).
Un Département ne peut imposer une condition d’accès à des prestations prévues par la loi
Cet arrêt précise que « le département a l’obligation de verser « les dispositions » des prestations d’aide sociale que la loi met à sa charge à toute personne remplissant les conditions légales » et que « le règlement d’aide sociale peut définir des priorités, préciser des critères mais qu’il ne peut en aucun cas s’écarter du principe du bénéfice des prestations des personnes entrant dans le champ des dispositions législatives applicables ».
Et il conclut ainsi : « En subordonnant l’une des modalités de prise en charge plus complète (ici un contrat jeune majeur) à la circonstance que le jeune ait fait l’objet d’un accueil physique continu de trois ans à l’aide sociale à l’enfance avant sa majorité, elle a fixé, sans avoir la compétence, une condition non prévue par les lois et décrets applicables à la prise en charge de ces jeunes par l’aide sociale à l’enfance. »
Le communiqué rappelle aussi que cet arrêt est l’aboutissement d’un long combat de 6 années menée par les syndicats INTER87 FSU et CGT Santé de la Haute Vienne, ainsi que par le collectif « adopteunjeune.com » (que j’avais eu le plaisir de rencontrer lors d’une journée d’étude). Cette décision illégale du Département a pourtant « précipité à la rue des dizaines de jeunes, sans ressources, ni véritable soutien familial, brisant des cursus scolaires, contraignant des jeunes parfois à revivre chez leurs parents au péril de leur santé psychique, voir physique.
Un travailleur social licencié alors qu’il avait raison
Le communiqué collectif rappelle aussi qu’un travailleur social du secteur privé fut licencié et ses 18 autres camarades sanctionnés pour avoir, en dehors de leur temps de travail, accompagné sur le parvis de l’Hôtel du Département un jeune de 18 ans sans ressources, ni famille. Mais là encore la justice annulera toutes les sanctions et François Jacob, le militant concerné a été réintégré. Il indique également que des pressions furent exercées sur des représentants des personnels mais aussi sur des cadres du travail social.
« C’est une victoire importante pour la jeunesse défavorisée qui a le plus besoin du soutien des services départementaux de l’ASE. En France, malgré les rapports répétés et alarmants de divers organismes (CESE, fondation Abbé Pierre, études de l’INED) un nombre croissant de jeunes sont abandonnés dès leurs 18 ans par les Conseils départementaux (pas tous mais nombreux le font) . Ces jeunes doivent alors quitter du jour au lendemain leurs lieux de vie : familles d’accueil, maisons d’enfants, foyers au prétexte souvent de leur faible nombre d’années de prise en charge au sein des services de l’ASE ».
Ces mesures ciblent bien sur prioritairement les jeunes migrants mais tout autant de très nombreux jeunes nés en France et ayant subi parfois de graves carences, voir des violences familiales.
Un arrêt qui fera jurisprudence
Aucun Département ne peut, depuis cet arrêt, continuer à refuser toute aide à des jeunes au delà de leurs 18 ans sous prétexte d’une ancienneté insuffisante au sein de l’ASE, sans s’exposer à l’ annulation de leur décision par la justice administrative. Cet arrêt fonde une jurisprudence majeure qui met fin à des interprétations abusives du code de l’aide sociale et de la famille.
Cette victoire pour la jeunesse et le travail social repose sur un travail collectif, de travailleurs sociaux unis et solidaires et tenaces dans leurs syndicats et leur associations conclut le communiqué.
(lire le communiqué intersyndical et associatif)
Photo : le bâtiment qui abrite le Conseil d’État à Paris (Wikimedia)
Une réponse
Le principe de l’ancienneté de prise en charge a été appliqué par des départements soucieux d’éviter la prise en charge Jeune Majeur des Mineurs Non Accompagnés arrivés après 16 ans. Il faut maintenant que cet arrêt du Conseil d’Etat soit appliqué dans tous les départements.