J’ai connu une collègue qui avait peur des oiseaux. Elle était capable de maitriser des chiens qui aboient et montrent leurs crocs. Ce sont des animaux objectivement plus dangereux qu’une tourterelle ou une pie, mais cette peur phobique était ancrée en elle depuis fort longtemps. Ce sentiment de panique allait au-delà du « raisonnable » c’est-à-dire que, bien que cartésienne, la raison et l’analyse ne lui permettait pas de maitriser cette émotion.
Cela m’a donné envie d’écrire un article qui traite d’un sujet universel puisqu’il s’agit d’un sentiment que nous avons tous rencontré un jour : la peur. Comment la définir et aussi comment agir dans un cadre professionnel ? Il nous faut d’abord considérer qu’il existe plusieurs types de peurs :
- Celles qui sont « naturelles » : Ces peurs sont déclenchées par des phénomènes objectifs qui peuvent menacer notre sécurité. Par exemple, une personne pourrait avoir peur lorsqu’elle entend le grondement d’un orage ou voit les éclairs d’un éclair pendant une tempête ou lorsqu’une qu’une voiture fonce sur elle.
- Celles qui sont sociales : Ces peurs sont liées à nos interactions et à notre place au sein de la société. Un exemple pourrait être la peur de parler en public ou la crainte d’être jugé négativement par les autres lors d’une réunion ou d’un événement social. Mais cela peut aussi être la peur d’être agressé lorsque l’on a quelque chose de déplaisant à annoncer à quelqu’un.
- Il y a les peurs ponctuelles et celles plus structurelles. Elle est ponctuelle face à un danger imminent qui nous fait réagir immédiatement. Il y a celles qui sont ancrées en nous qui se réactivent au fil du temps.
La peur est une émotion qui peut varier d’une simple gêne à une angoisse profonde face à l’incertitude. Bien qu’elle soit initialement un mécanisme de survie, elle peut parfois dépasser cette fonction et donner lieu à des troubles psychologiques tels que les crises de panique, les phobies sociales ou les troubles de stress post-traumatiques. Ces troubles sont en lien direct avec une menace que l’on a déjà rencontrée par le passé. Mais rassurons nous en constatant que, qomme toutes les émotions qui nous traversent, la peur est d’abord et avant tout un événement du corps. Catherine Aimelet-Périssol, médecin et psychothérapeute, la définit comme « une solution biologique de vie, comme la respiration, la digestion, le sommeil.
Dans le champ du travail social, avoir été agressé par une personne que l’on est censé aider peut provoquer un stress post-traumatique qui, s’il n’est pas pris en compte, peut empêcher toute relation d’aide. Car comment faire confiance à quelqu’un que l’on ne connait pas si l’on a en tête l’agression que l’on a subi ? Nos pensées vont immanquablement dérouler un scénario catastrophe qui n’a rien à voir avec le présent. Notre capacité d’analyse et de prise en compte d’un éventuel risque est compromis
La peur n’est pas une bonne conseillère. Elle peut nous paralyser ou au contraire donner envie de fuir face à une situation que l’on estime dangereuse ou inquiétante. Il ne faut pas se voiler la face. Aucun travailleur social ne peut dire qu’il n’a jamais ressenti ce sentiment au cours de sa carrière. C’est un sujet suffisamment important pour que chacun puisse y réfléchir avant de se retrouver dans une situation de stress intense qui altère sa perception du danger.
Nous avons tous une mémoire de la peur
Grâce aux progrès technologiques en neurosciences, nous pouvons désormais comprendre la manière dont le cerveau génère des états de peur et de défense nous explique dans un article publié par The Conversation, Ana Margarida Pinto, doctorante à l’ École normale supérieure (ENS). Ces avancées ont facilité l’identification et la manipulation de régions spécifiques du cerveau chez les organismes vivants. Les chercheurs expliquent que l’amygdale joue un rôle central dans la perception des risques encourus. Elle reçoit des informations sensorielles qui lui permettent d’identifier rapidement les menaces. Lorsqu’elle est détectée, l’amygdale active le système nerveux sympathique, déclenchant une série de réponses physiologiques. L’hippocampe, quant à lui, est impliqué dans la formation et la récupération des souvenirs, aidant à reconnaître les menaces futures.
De nouvelles zones cérébrales associées aux processus cognitifs de la peur ont été découvertes. De plus, ces techniques ont permis de comprendre les mécanismes neuronaux qui sous-tendent notre « mémoire de la peur », c’est-à-dire la capacité de se remémorer des événements effrayants passés qui alimentent les peurs présentes. C’est pourquoi il est souvent très difficile de se débarrasser d’une peur spécifique quand elle est bien ancrée dans notre cerveau. Des techniques ont été utilisées pour étudier comment nous régulons nos souvenirs de peur, un aspect crucial pour la récupération de troubles anxieux ou traumatiques.
Je ne parlerai pas de la peur qui est devenu un véritable marché. Il permet de vendre aussi bien des équipements que des thérapies et, il faut le dire, c’est actuellement un marché florissant.
Comment gérer sa peur
Hélène Fresnel de Psychologie Magazine présente de multiples solutions apportées par des spécialistes sur ce sujet. Il s’agit de savoir faire face à ce sentiment et s’apaiser. Il faut pour cela :
- Comprendre la peur : La peur est avant tout une réaction du corps. Elle est définie comme une « solution biologique de vie » par Catherine Aimelet-Périssol, médecin et psychothérapeute. Elle agit comme une alerte pour protéger notre intégrité. Cependant, notre cerveau peut parfois interpréter de manière disproportionnée les stimuli qui provoquent cette peur, mélangeant perception réelle et interprétation.
- Occuper son « espace intérieur » : Catherine Aimelet-Périssol suggère de se concentrer sur ce que l’on ressent dans son corps, en distinguant la sensation du ressenti psychique. Elle recommande de prendre deux respirations profondes avant de réagir à une situation effrayante.
- Se concentrer sur sa respiration : La psychiatre Stéphanie Hahusseau propose une technique de respiration pour diminuer la fréquence respiratoire et cardiaque en cas de peur. Elle suggère une respiration rapide en quatre temps égaux, qui peut aider à réduire les sensations physiques émotionnelles.
- Marcher pour se recentrer : Éric Champ, psychologue et psychothérapeute, recommande de marcher en se concentrant sur le contact des pieds avec le sol. Cette marche consciente permet de se centrer sur soi et de ne plus être en état d’alerte.
Ces « trucs » ou ces recettes ne suffisent pas souvent, elles ne traitent pas le fond. Quand on a sérieusement été traumatisé par un fait ou par quelqu’un (je pense aux femmes victimes de violences), il faut nécessairement aller plus loin en prenant soin de soi. Au passage, rappelons que les employeurs sont concernés lorsqu’un de leurs salariés a subi une agression dans le cadre du travail qui ensuite impacte sa pratique professionnelle. Les encadrements doivent être vigilants et accompagner celles et ceux qui avec cette peur font état d’une forme de détresse.
Alors comment déloger les causes de notre peur ?
Il n’y a pas cinquante solutions même si chaque circonstance se travaille différemment. Heureusement, il existe plusieurs méthodes pour gérer et surmonter la peur. Voici quelques-unes des approches les plus efficaces :
- La thérapie cognitivo-comportementale (TCC)
C’est une forme de psychothérapie qui vise à changer les schémas de pensée et de comportement négatifs. Certes le terme de psychothérapie peut faire peur, mais il s’agit de prendre les moyens adéquats lorsque l’on a été sérieusement traumatisé(e).
Comment ça marche ? : En identifiant les pensées négatives qui alimentent la peur, un thérapeute aide le patient à les défier et à les remplacer par des pensées plus positives et réalistes. Par exemple, une personne qui a peur des hauteurs pourrait apprendre à remplacer la pensée « Je vais tomber » par « Je suis en sécurité ».
Quels sont les bénéfices ? : La TCC a été prouvée efficace pour traiter une variété de troubles anxieux, y compris les phobies spécifiques, le trouble d’anxiété généralisée et le trouble de stress post-traumatique.
- L’exposition graduelle
Elle implique de confronter délibérément et progressivement la source de la peur dans un environnement contrôlé.
Comment ça marche ? : Si quelqu’un a peur des chiens, par exemple, il pourrait d’abord regarder des photos de chiens, puis regarder un chien de loin, puis s’approcher graduellement d’un chien calme.
Quels sont les bénéfices ? : Avec le temps, cette méthode peut aider à réduire ou même éliminer la réaction de peur. Elle est particulièrement efficace pour traiter les phobies spécifiques.
- Les techniques de relaxation
Ce sont des méthodes qui aident à détendre le corps et l’esprit, réduisant ainsi l’anxiété et la tension.
Comment ça marche ? : La méditation peut impliquer de se concentrer sur sa respiration, sur un mot ou une phrase, ou simplement d’être conscient de ses pensées sans jugement. La respiration profonde implique de prendre des respirations lentes et profondes pour activer le système nerveux parasympathique, qui a un effet calmant. La visualisation, quant à elle, implique d’imaginer un lieu ou une situation apaisante.
Quels sont les bénéfices ? Ces techniques peuvent aider à apaiser l’anxiété associée à la peur et à renforcer la sensation de calme et de contrôle.
Quelle que soit la technique utilisée, il s’agit d’un travail d’introspection et de mise à distance de la source du stress. Il s’agit de continuer de pouvoir objectivement évaluer les risques, car, il n’est pas inutile d’avoir peur, loin de là. C’est quand même ce qui peut nous permettre d’agir rapidement en évitant le danger.
Comprendre ne suffit pas, malheureusement.
La peur est une émotion universelle. Elle est à la fois une alliée et une entrave. Elle nous protège des dangers réels, mais peut aussi nous emprisonner dans des chaînes invisibles. Qu’elle soit innée, comme la réaction face à une menace physique, ou acquise, comme la crainte du jugement d’autrui, elle trouve sa source dans les tréfonds de notre cerveau. Les avancées en neurosciences nous ont permis de mieux comprendre les mécanismes qui la sous-tendent, notamment le rôle prépondérant de l’amygdale et de l’hippocampe.
Mais comprendre la peur ne suffit pas toujours à la surmonter. Il est essentiel de se doter d’outils et de techniques pour la gérer. La TCC, l’exposition graduelle et les techniques de relaxation sont autant de voies à explorer pour retrouver sérénité et maîtrise de soi. Chacun doit trouver la méthode qui lui convient le mieux, en gardant à l’esprit que la peur n’est pas l’ennemie, mais un signal d’alarme qu’il faut apprendre à écouter et à canaliser. En fin de compte, affronter ses peurs, c’est aussi s’ouvrir à une meilleure connaissance de soi et à une vie plus épanouissante.
Sources :
- Ce qui se passe dans notre cerveau quand on a peur | The Conversation
- Comment lutter contre la peur ? | Psychologies
- Affronter ses peurs, 7 conseils pour y parvenir | enrouteverslaserenite