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Comment le Rassemblement National veut-il gérer la protection de l’enfance ?

Il ne faut pas croire que le Rassemblement National se désintéresse de la protection de l’enfance. Au contraire, il a élaboré dans son programme une série non négligeable de propositions. Certaines avaient par le passé été réclamées par les travailleurs sociaux. Par exemple la recentralisation de l’aide sociale à l’enfance (ASE). Voici dans cet article l’essentiel des propositions du Rassemblement National qu’il faut connaitre puisqu’il est à la porte de l’exécutif, même si un espoir de lui faire barrage demeure.

L’Aide Sociale à l’Enfance, pilier de la protection, est surtout vu par le RN par ses défaillances révélées par des émissions de télévision qui ont fait scandale. C’est d’ailleurs ce qui avait conduit Laure Lavalette, députée du Var, porte-parole du groupe RN, à déposer en mars dernier une demande de commission d’enquête sur les « défaillances de l’ASE ». Elle faisait état dans son argumentaire de la saturation des services, de la pénurie d’éducateurs et d’assistants familiaux. Elle parlait aussi de la détresse des enfants placés et aussi de présence de drogue et de points de deal dans les foyers et de la persistance des placements en hôtels sociaux.

Certaines propositions « hors sol »

Le RN publie sur son site un projet pour la protection de l’enfance qui précise les dispositions que Marine Le Pen souhaite mettre en place : 19 points y figurent. Certains sont des préconisations qui laissent supposer que les services ne font pas correctement leur travail. Ainsi, il est indiqué en premier point : « Procéder à une évaluation objective et complète de la situation de l’enfant » comme si cette dimension n’existait pas et que les professionnels de l’ASE agissaient « au doigt mouillé ».

Hors sol également la proposition numéro 2 : « Constituer, dans chaque département, une équipe chargée de l’évaluation de l’enfant ». Visiblement le RN ne connait pas le dispositif existant qui chaque année permet de protéger des milliers d’enfants. Si chaque département n’avait qu’une équipe d’évaluation, ce serait l’embouteillage assuré et le blocage du dispositif actuel.

Certaines propositions sont bienvenues

Il est suggéré de mettre en place dans chaque département un réseau de soins psychiatriques pour les enfants pris en charge par l’ASE. (proposition 4)  Certains départements ont déjà des prises en charge existantes, mais ce n’est pas le cas partout, notamment avec la pénurie de pédopsychiatres et de moyens sur le terrain.

Parmi les annonces, il est aussi prévu la création d’un secrétariat d’État dédié à la protection de l’enfance qui avait été réclamé par nombre de militants du secteur.  Il est aussi annoncé la mise en place d’un fichier national des signalements.

Une autre mesure que l’on n’attendait pas est « de rendre obligatoire la prise en charge des jeunes majeurs qui en ont besoin ». Personne là aussi n’est contre, bien au contraire puisque les associations ont milité pour que cette possibilité puisse exister. Rappelons là aussi que certains Départements l’ont mis en place, mais, il semble que cela ne soit pas le cas partout et que certains d’entre eux avancent à petits pas sur ce sujet si ce n’est à reculons.

Il est aussi demandé que les enfants puissent disposer de l’assistance d’un avocat. Je croyais que c’était déjà le cas.

Du côté répressif, il est proposé de  « Lutter contre la correctionnalisation des viols et poursuivre les crimes commis contre des mineurs selon leur qualification réelle ». Effectivement un viol est un crime et doit relever des cours d’assises. Là aussi, il me semblait que c’était déjà le cas. Mais il est vrai que certaines affaires ont été « correctionnalisées ».

Il y a aussi des lieux communs.

Par exemple les propositions de « rendre plus attractive la fonction de famille d’accueil », de « Stabiliser les lieux d’accueil des enfants » (qui pourrait être contre ?), de « Mieux soigner les enfants pris en charge par l’ASE », de « Mieux suivre les foyers et les familles d’accueil », de « Mieux déceler les dysfonctionnements des services sociaux pour mieux y remédier »…  Comme si personne n’y avait pensé ! Rappelons quand même cet adage : le mieux est l’ennemi du bien.

La proposition six consiste à séparer systématiquement l’enfant de ses parents dès lors qu’une enquête judiciaire est ouverte : il s’agit de « Mettre à l’abri les enfants durant le temps des enquêtes ». Encore faudra-t-il disposer de moyens pour le faire et de places disponibles. Les ordonnances de placement provisoire qui existent ne seraient pas suffisamment mises en œuvre. Pour le RN, cela devrait pour être systématique. Le systématisme en travail social n’est pas ce qu’il y a de mieux si l’on veut tenir compte de la particularité de chaque situation.

Le RN souhaite également renforcer les sanctions contre les auteurs de violences sur mineurs. Cela n’est pas étonnant. Cela entre bien dans sa politique générale.

Que dire de ce projet ?

Le problème de ce catalogue de bonnes intentions est qu’il ne fera pas une politique si les mesures ne sont pas financées ni accompagnées de moyens humains. Or ce sont ces moyens qui manquent. En effet, les acteurs de la protection de l’enfance savent ce qu’il faut faire, mais ne disposent pas de lieux d’accueil, de professionnels en nombre suffisant pour répondre à ces exigences, même si elles sont justifiées. C’est bien là le problème.

Une dernière préconisation me parle particulièrement : il s’agit de « tenir compte de l’incidence des réseaux sociaux et de l’Internet sur les atteintes portées à l’innocence des enfants ». Je ne sais pas ce que veut dire « tenir compte » dans une politique de prévention. Il faudrait informer le RN que les éducateurs et autres travailleurs sociaux tiennent déjà compte de ces risques et abordent ces sujets dans leurs entretiens avec les parents et les enfants. Il faudrait peut-être là des décisions plus radicales pour mieux protéger les mineurs. Quant aux ados, essayez de leur retirer leur smartphone et on en reparle…

Ce que ne dit pas ce document

Vous aurez certainement remarqué qu’il n’est fait mention d’aucun dispositif existant, ni même de pratiques positives au sein de tel ou tel département. La grande faiblesse de ce projet est qu’il ne s’appuie pas sur les réalités du terrain. Aucun mot sur le secteur associatif, qui semble totalement étranger à la protection de l’enfance. Les seuls exemples donnés sont des faits divers dramatiques présentés en introduction du document pour nous faire comprendre que la protection de l’enfance est une action essentielle, ce qui reconnaissons-le, est le cas.

Il n’est pas fait état de l’existant, des pratiques de terrain, ni même du moindre état des lieux des offres d’accueil. La faiblesse de ce document est qu’il se limite à un catalogue de propositions de portées différentes, sans aucun chiffrage sur ces propositions et sur les moyens à mettre en œuvre pour réaliser un tel programme. Aucun diagnostic documenté. Tout cela sera financé sans doute à moyens constants ?

Le troisième point particulièrement problématique est la disparition des Mineurs non accompagnés (MNA). Ils n’existent pas, ou plutôt si, mais pas dans le champ de la protection de l’enfance. Ce projet ne parle que des enfants dits français.  Ces jeunes « MNA » pris en charge par l’ASE  sont considérés comme des migrants qu’il faut renvoyer sans discuter dans leur pays, même si on ne sait pas s’il leur reste des parents ou même une famille.

Les promesses ne valent que pour ceux qui y croient

Marine Le Pen écrit à la fin de ce document : « Élue présidente de la République, je ferai de la nation la protectrice des enfants maltraités ». Magnifique ! Mais si vous voulez que les enfants ne soient pas maltraités, il faudra aussi soutenir les parents et ne pas les exclure, les accompagner au lieu de les punir systématiquement et ne pas en faire des boucs émissaires.

Il faudra donner des moyens à la prévention et tenir compte du réel. Enfin, il faudra œuvrer pour la formation des professionnels et le développement des compétences, car aujourd’hui les employeurs manquent cruellement de personnels diplômés et formés.

La protection de l’enfance mérite mieux que des promesses pour lesquelles rien ne garantit qu’elles puissent être tenues.

 

Source :

 


Note : demain, j’ai prévu de vous présenter ce qu’en dit et ce que compte faire le Rassemblement National des Mineurs Non Accompagnés (MNA). Car n’en doutez pas, ce parti de Marine Le Pen ne les a pas oubliés. Son projet révèle la vraie face du RN : l’exclusion et le rejet de ce qui lui est différent.

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7 Responses

  1. Texte scandaleux… la personne qui a écrit ça n’ y connaît rien du tout … Manipulation et mensonges des services sociaux placent aujourd’hui une petite fille de 6 ans et demi et ceci depuis 2 ans chez sa mère psychotique schizophrène borderline lourdement handicapé en incapacité durable et substantielle au travail… Reconnue dans cet état de psychose depuis 14 ans… La petite est en grande souffrance elle était depuis sa naissance chez son papa et le mauvais travail des sociaux a fait qu’elle en a été retirée alors qu’on n’ a rien à reprocher au père, pour la remettre à une mère incestueuse et gravement malade mentale… (Qui soit dit en passant n’avait pas parlé de sa maladie mentale avant de se retrouver enceinte très rapidement lors de la rencontre avec le père).. on n’aime pas que des pères gardent les enfants semble-t-il….Voilà le beau travail des acteurs sociaux et par voie de conséquence des juges… Enfance brisée pour cette petite qui est malheureuse et réclame de retourner chez son père… Mais personne ne l’écoute …seul soutien et là ça fait rire jaune…une AEMO une heure par mois… Même pas une TISF… la petite est sale mal soignée… elle a faim… Tout le monde veut ignorer son malheur… Évidemment quand ces gens-là font des erreurs dès le départ, ils ne veulent pas revenir sur leurs décisions.. les signalements sont restés sans réponse… Et le père a été menacé du placement de sa fille jusqu’à sa majorité s’il bougeait encore… Quand sa fille lui est remonté l’an dernier de nouveau faits de viols de la part de sa mère le papa en les dénonçant est passé pour aliénant et s’est vu retirer ses droits de visite et d’hébergement… Depuis ce jour la petite totalement seule avec sa génitrice est en train de sombrer… à l’école rien ne va plus, c’est un mauvais signe… Toute personne au courant de la situation pousse des cris scandalisés mais personne ne bouge… Alors les services sociaux oui il y a beaucoup à faire …des contrôles des audits, une bonne surveillance… du travail des acteurs sociaux… Et que dans les cas d’inceste il n’y ait pas qu’un seul juge des enfants, mais une réunion collégiale pour prendre des décisions,

  2. Un article visiblement orienté dont l’auteur n’a visiblement aucune connaissance pratique de ce système qui mérite bien des révisions et corrections, Ayant moi même été placé, d’abord à la M.E.C.S de Vitry sur seine foyer d’accueil qui a d’ailleurs été fermé pour des raisons évidentes de problèmes de gestion. Par la suite en famille d’accueil a Bordeaux ,
    A Montpellier , puis cerise sur le gâteaux en M.D.E à pointe à pitre en Guadeloupe.
    Et comment vous dire que ce système est pourri jusqu’à la moelle , d’abord les fameux « professionnels » qui donnent des cigarettes et autres substances aux jeunes accueillis,
    Et non je ne fais pas de généralités mais OUI il y en a beaucoup.
    Ensuite nous pourrions parler de la prostitution ayant lieu dans certains foyers je cite la M.D.E de pointe à pitre par exemple, ou encore des familles d’accueil qui vous laisse des semaines entières dans votre chambre qui se trouve dans une dépendance au fond d’un jardin on ne se soucie de votre existence que lors des repas. Je cite la famille d’accueil a Villeneuve les Béziers près de Montpellier où j’ai moi même été accueillis.
    Le système entier est à revoir. D’ailleurs sans forcément vous donner des exemples que vous qualifirez certainement de « cas isolés ».
    Le fait même de vous retrouviez en tant qu’enfant dans des foyers où vous êtes entouré d’une dizaines d’éducateurs tous prenants des décisions subjectives avec chacun leurs croyances et chacun leurs méthodes , il est terriblement compliqué de croître sainement et de manière stable quand vous êtes en confiance avec l’un et que le lendemain vous marchez sur des oeufs avec l’autre.
    Sans parler des détournements de fonds par certains cadres.
    Ceci dit ce merveilleux système et ses « pro » je dois le reconnaître ont en commun de vous victimiser en permanence, et de vous caresser dans le sens du poil quand vous agissez de manière contre productive car je cite « oh c’est horrible ce que tu as vécu » mais vous lâchent totalement des que vous osez pensez un temps sois peu a votre avenir il est inconcevable d’aider les rares jeunes de ces institutions qui se battent pour allez de l’avant et misent sur leur avenir et l’apprentissage. En bref une usine a jeune perdue qui vous diront comme je l’ai moi même entendu qu’à 18 ans il vaudra mieux faire des enfants pour toucher la caf et ne pas se retrouver à la rue. Bravo la bravoure.

    1. La réaction d’Anthony Detraux m’inspire le plus profond respect. Que répondre face à un témoignage plein de colère reflétant un authentique ressenti ? Qu’il me soit juste permis en tant qu’ancien référent de l’aide sociale à l’enfance pendant 28 ans, de ne pas me reconnaître dans cette description. Ce qui ne m’autorise absolument pas à mettre en doute un tel vécu. J’espère simplement (et je crois) que l’expérience des plus de 190 000 enfants placés ne sont pas tous identiques à celle de Monsieur Detraux. Toutefois, le fait que cela ne soit pas le cas pour une majorité d’enfants n’enlève rien au fait que ce qui est décrit relève de l’inacceptable et de l’insupportable. Quand la protection de l’enfance manque à ses devoirs, cela relève de l’indignité et de la trahison.
      Jacques Trémintin

  3. La protection de l’enfance est tellement menacée de devenir un champ de ruine qu’il est difficile d’imaginer des mesures encore plus régressives, même pour un rassemblement national avide de mesures réactionnaires. Reste à savoir comment se concrétiserait son obsession pour la « préférence nationale » : faudrait-il vérifier la nationalité des enfants confiés par le juge des enfants à l’aide sociale à l’enfance, avant de les admettre, comme cela l’est déjà fait avec les tests osseux pour les mineurs non accompagnés étrangers, pour « vérifier » leur âge ? Après la chasse aux binationaux adultes, s’oriente-t-on avec le RN au pouvoir vers l’interdiction de l’accès à la protection de l’enfance de tout mineur ne présentant pas les preuves de son appartenance à la pure race française ? On pourrait d’ailleurs introduire une recherche sur plusieurs générations, en arrière. Ce n’est pas envisageable, car cela viserait Monsieur Bardella, lui-même aux ascendances étrangères. Plus que jamais, la peste n’a pas besoin d’être essayée, car l’on sait d’avance qu’elle est mortelle.
    Jacques Trémintin

    1. Je me demande si la personne qui a écrit cet article est dans le domaine du social ? Est au courant des disparités qui existent entre les départements ?
      Alors oui certaines existent dans certains, pas dans d’autres. Et non protéger le lieu de l’accueil de l’enfant n’est malheureusement pas automatique.
      D’autre part même les PPE projets pour l’enfant qui sont pourtant obligatoires ne sont pas mis en place partout…

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