Crise oblige, les Français demandent aujourd’hui plus de solidarité envers les plus fragiles alors qu’ils sont eux-mêmes nombreux à craindre de tomber dans la pauvreté. Pourtant, il n’y a pas si longtemps leur regard était plutôt dur sur les allocataires des minimas sociaux. Cette évolution peut conduire s’interroger et à en tirer des enseignements d’où cet article qui nous replonge dans un passé relativement proche un peu avant et après les années 2010. Rappelez-vous, c’était sous le gouvernement de Nicolas Sarkozy. Une majorité de nos concitoyens se prononçait pour une diminution des aides sociales. Pourquoi ce mouvement ? Voici quelques explications…
1-L’opinion des Français sur la solidarité a basculé entre 2008 et 2014.
Une étude BVA expliquait alors que l’une des principales inquiétudes venait des mouvements de population : 8 Français sur 10 se disaient préoccupés par les migrations des populations des pays pauvres vers les pays riches (80%), une préoccupation en progression. Parmi eux, près de la moitié se disaient même « beaucoup » (+7 points, à 45%). Voilà pour le premier point. Que cette crainte soit justifiée ou non, un premier constat peut être posé : cette inquiétude était bien là.
Avant 2008, deux Français sur trois se déclaraient compatissants à l’égard des pauvres qui touchaient des aides sociales et ce sentiment progressait en période de crise, comme en 1993. L’opinion s’est durcie et entre 2008 et 2014, seul un Français sur deux se déclarait encore compatissant. Cela correspond à la période 2007-2012 où Nicolas Sarkozy fut président de la République.
2 ans plus tard un article de 20 minutes posait encore la question : « les Français détestent-ils les pauvres ? «Aujourd’hui, ce que les Français trouvent détestable chez les pauvres, c’est qu’ils puissent être assistés », expliquait dans cet article le sociologue Vincent Tiberj. «L’idée qu’ils ne font pas d’efforts et même, qu’ils profitent de la situation, se développe.» Une enquête du Credoc l’avait confirmé : en 2014, 76 % des Français pensaient qu’il était plus avantageux de percevoir des minima sociaux que de travailler avec un bas salaire. Et, pour la première fois, une majorité de citoyens estimaient que le RSA incitait les gens à ne pas chercher de travail.
Mais il faut relativiser ce propos car comme aujourd’hui nous étions confrontés à l’époque à une multiplication de fausses informations. Elles allaient souvent dans le même sens : ainsi, alors que le contraire avait été maintes fois prouvé, des enquêtes pouvant être considérées comme tendancieuses (Ifop pour le magazine Valeurs Actuelles,) expliquaient que 67% des Français pensaient que l’on en faisait plus pour les immigrés que pour eux. Tous ou presque étaient aussi persuadés que leur voisin percevaient à tort des aides sociales et trichaient sur leurs revenus.
BFM TV en rajoutait une couche : « Jamais les Français n’ont autant vécu des aides sociales« expliquait ce média favorable aux idées dites « libérales ». Une bonne raison pour diminuer ces aides ou en supprimer certaines ?
2. Ça bascule en 2016 : là, les Français veulent plus de solidarité
La bonne nouvelle fut ce léger retournement de situation, retournement fragile certes, mais qui nous a montré une certaine ambiguïté de nos concitoyens (à moins qu’ils soient victimes des sondeurs qui selon les questions posées peuvent faire dire une chose et son contraire). Toujours selon les études de la DREES reprises par 20 minutes en 2016, « Les Français veulent plus de solidarité (et c’est une nouveauté)«
Que penser de tout cela ? Rien n’est jamais acquis et il existe des effets de balanciers qui correspondent au discours général porté par les politiques. C’est pourquoi il est important en tant que travailleurs sociaux et que nous ne soyons pas perméables aux sirènes de certains libéraux qui verraient très bien une diminution des aides sociales et du soutien des plus fragiles au nom de la lutte contre « l’assistanat ». Avec la crise actuelle du COVID-19 et son impact social, il y a fort à parier que l’opinion verra plutôt le besoin de solidarité nécessaire pour lutter contre la pauvreté. D’ailleurs de nombreux concitoyens se sont portés volontaires lors du premier et deuxième confinement pour aider celles et ceux qui en étaient le plus affecté.
3. Assister ceux qui en ont besoin reste une belle mission.
Ne nous leurrons pas. Certes le monde change, mais l’histoire nous a appris que ce sont toujours les plus modestes qui paient le prix fort des bouleversements économiques et sociaux lorsqu’ils surviennent. Or, nous vivons actuellement ce type de crise. C’est pourquoi il est nécessaire que les travailleurs sociaux tiennent bon, dans leurs missions et dans leurs convictions pour que la solidarité ne devienne pas qu’une simple prestation de service auxquels seuls certains auraient droit alors que d’autres en seraient exclus.
Nous ne pouvons nous résoudre à considérer qu’il y a des bons et des mauvais pauvres. Il nous faut continuer de revendiquer « l’universalisme » des missions des travailleurs sociaux qui ne peuvent s’adresser qu’à une seule catégorie de la population selon notamment sa nationalité, son comportement ou encore son classement dans telle ou telle catégorie sociale.
Le travail social s’adresse à tous, avec une attention plus particulière en direction de celles et ceux qui ne disposent pas de moyens d’existence dans la dignité. Mais tous sont concernés et sont susceptibles un jour de recevoir une aide sociale prévue par la loi au titre de la solidarité nationale. Sur ce sujet, il n’y a pas que les entreprises qui sont concernées. Les aides sociales sont nécessaires et utiles il faut sans cesse le rappeler. C’est aussi ce qui distingue notre pays et fait sa grandeur même si nous sommes souvent, en tant que travailleurs sociaux, témoins d’injustices flagrantes qui nous obligent à agir quand nous y sommes confrontés.
Note : Le fichier_barometre_dopinion_de_la_drees_2014_-_(synthese) a été l’un des principaux support pour la rédaction de cet article
Une réponse
bonjour et bonne année à tous, je rappelle le petit bouquin d’ATD Quart Monde 2017 « en finir avec les idées fausses sur les pauvres et la pauvreté »
entre ce que les politiques disent pour aller dans le plus mauvais sens qui soit et ce qu’ils font il y a une marge, même en ce qui concerne les aides sociales ! mais qu’ils le fassent ! qu’ils osent supprimer les « aides sociales » et tout ce qui s’en suit … qu’ils assument !