Vous l’avez sans doute remarqué, en matière de travail social, tout le monde ou presque fait de l’accompagnement. C’est un « terme valise » où tout et son contraire est dit ou écrit. Il y a l’accompagnement social, puis médico-social, mais aussi socio-administratif ou encore le socio-professionnel. Seul lien commun à ces termes, le social est partout ! Mais il n’y a pas que le social.
Les multiples facettes de l’accompagnement
Dans d’autres domaines, il a aussi été inventorié de multiples pratiques se déclarant relever de l’accompagnement : counselling, coaching, sponsoring, mentoring… ce sont des anglicismes qui coexistent avec tutorat, conseil, parrainage ou encore compagnonnage. Bien que toutes tendent à se déclarer spécifiques (et elles le sont au regard de leurs contextes), toutes ces pratiques sont des formes d’accompagnement, d’où une certaine ressemblance quand il s’agit de les décrire.
Par exemple, le coaching est souvent utilisé dans le milieu professionnel pour aider les individus à atteindre leurs objectifs personnels et professionnels. Le mentoring, quant à lui, est fréquemment utilisé dans les programmes de formation pour guider les nouveaux employés ou les étudiants. Le counselling, en revanche, est plus axé sur le soutien émotionnel et psychologique.
Il semble qu’à fonctionner sans reconnaître comment toutes ces formes font système, on ne parvient plus à rendre compte de la complexité dont elles témoignent : l’idée d’accompagnement s’émiette, le sens de l’acte d’accompagner se dilue. C’est ce que nous indiquait entre autres le N° 62 de la revue « Recherche et Formation » de l’ENS Lyon, intitulé « l’accompagnement dans la formation » paru en 2009. C’est toujours le cas aujourd’hui.
Définir l’accompagnement
Alors qu’est-ce que l’accompagnement exactement ? Retenons une définition qui me plaît bien : « Accompagner », c’est se joindre à quelqu’un pour aller où il va, en même temps que lui. Quand on se positionne dans l’action avec ou sous ce terme, on indique une façon de faire spécifique. Le positionnement ouvre une possibilité de création qui est autre que le prêt à penser modélisable dans le prêt à agir modélisé (bonnes pratiques, fiches actions, procédures, protocoles…). Cette définition est celle proposée par le mouvement pour l’accompagnement et l’insertion sociale.
Maela Paul, qui a beaucoup écrit sur ce sujet, nous explique qu’accompagner c’est « être avec » et « aller vers » et des principes au nombre de trois. Le premier est que de la mise en relation dépend la mise en chemin. Le deuxième qu’il s’agit moins d’atteindre un résultat que de s’orienter « vers » c’est-à-dire de choisir une direction. Le troisième est que l’action (la marche, le pas, le cheminement) se règle sur autrui soit aller où « il » va et « en même temps » que lui ce qui suppose de s’accorder à celui que l’on accompagne.
La singularité de l’accompagnement
L’une des particularités de la situation d’accompagnement est d’être liée aux singularités des accompagné(e)s. Dans ce sens, elle ne peut être standardisée. En travail social, son existence, est déterminée par une autorité administrative. En effet, il s’agit d’une situation professionnelle, qui reste, du moins dans sa dynamique, étroitement liée à la volonté et à l’implication de l’accompagné et de l’accompagnateur. Aucun des deux acteurs ne peut, à lui seul et indépendamment du dessein de l’autre, faire exister la situation d’accompagnement.
Dans le cadre de l’accompagnement des personnes âgées, chacun des acteurs a des besoins et des attentes différents. L’accompagnateur doit donc adapter son approche en fonction de chaque personne, ce qui normalement rend impossible la standardisation de la démarche.
Distinguons les différentes formes d’accompagnement en travail social
Pour mieux comprendre l’accompagnement, il est essentiel de distinguer ses différentes formes, notamment l’accompagnement de service social, l’accompagnement éducatif et l’accompagnement institutionnel contractualisé. L’accompagnement de service social se concentre sur l’aide apportée aux personnes en difficulté, qu’il s’agisse de problèmes financiers, de logement ou de santé, de relations sociales et familiales et j’en passe. Il vise à soutenir les personnes dans leurs réflexions, mais aussi souvent dans leurs démarches administratives et à les orienter vers les ressources disponibles.
« L’accompagnateur » de service social joue un rôle de médiateur entre la personne et les institutions. Il ou elle facilite ainsi l’accès aux droits et aux services. Il a aussi un rôle de conseil et de clarification dans de multiples autres situations. Rappelons toutefois que l’accompagnement n’est qu’une fonction du service social. On ne peut résumer son action à cette seule façon d’agir.
L’accompagnement éducatif, quant à lui, se focalise sur le développement personnel et académique des personnes. Ce sont généralement des enfants ou des jeunes adultes qui sont concernés. Certains adultes rechignent à être éduqués tout en acceptant l’idée d’être accompagnés, c’est-à-dire soutenus dans leurs efforts et leurs actions. Il s’agit de les soutenir dans leur parcours scolaire, de les aider à surmonter les obstacles rencontrés et de les encourager à atteindre leur plein potentiel. L’accompagnateur « éducatif » travaille en étroite collaboration avec les enseignants, les parents et les autres professionnels de l’éducation pour créer un environnement propice à l’apprentissage et à l’épanouissement personnel.
Enfin, il y a accompagnement institutionnel contractualisé, tel que celui prévu dans la loi sur le Revenu de Solidarité Active (RSA), est une forme d’accompagnement encadrée par des dispositifs législatifs et réglementaires. Il s’agit d’un contrat entre l’allocataire du RSA et les institutions, où l’accompagnateur aide la personne à s’insérer ou à se réinsérer professionnellement. Ce type d’accompagnement est souvent plus structuré et formalisé, avec des objectifs précis à atteindre et des obligations à respecter de part et d’autre. L’accompagnateur joue un rôle clé dans la mise en œuvre des actions prévues dans le contrat d’insertion, en soutenant et en guidant le bénéficiaire tout au long de son parcours. Mais généralement les dés sont pipés. En effet, cet accompagnement-là est une obligation, qui si elle n’est pas respectée, entrainera de grands désagréments pour l’accompagné. C’est en quelque sorte un accompagnement contraint.
Bien évidemment, ces différentes formes d’accompagnement ne sont pas étanches. Il est possible pour le professionnel et la personne aidée de passer de l’un à l’autre, ce qui ne facilite pas une vision claire du processus engagé.
Revenons aux origines et à l’évolution de ce terme
Ce mot « accompagnement » est d’utilisation récente en Travail Social. Comme nous l’a précisé Cristina De Robertis, sa racine latine est : ad – mouvement cum panis – avec pain, c’est-à-dire, « celui qui mange le pain avec ». Ce vocable renvoie également aux termes de compagnon et copain, qui sont utilisés pour signifier les liens de proximité entre des personnes. En espagnol, dérive aussi de cette racine le mot « compartir » qui veut dire partager. Accompagnant et accompagné partagent le pain, font côte à côte, ensemble, un bout de chemin…
L’émergence de ce terme peut être située dans le rapport WRESINSKI sur la grande pauvreté en 1987. L’accompagnement a aussi été utilisé dès les années 1980 par le secteur handicap. Certains Centres d’Aide par le Travail se dotent à l’époque de « services d’accompagnement et de suivi ».
Ce terme sera pérennisé dans les dispositifs d’insertion (RMI 1989), mais aussi dans les textes sur la lutte contre le surendettement (loi NEIERTZ 1989), et de logement (Loi BESSON 1990). Mais pourquoi ce terme apparaît-il alors dans les différents textes de politique sociale ? En fait, dans ces années, le terme accompagnement était porté très fort par le milieu associatif dans le cadre de la lutte contre l’exclusion. Il était aussi mis en avant pour montrer et valoriser l’action des bénévoles auprès de personnes en grande difficulté. Les ministères de l’État, marqué à gauche, l’ont naturellement repris.
Résister à la normalisation
« Accompagner » c’est aussi parfois accepter de prendre le risque d’aller avec l’autre sur des chemins pouvant être inconnus ou incertains. À l’heure où tout se référence, se normalise, se met en grille et doit répondre à des critères de « bonnes pratiques », finalement faire appel à l’accompagnement est aussi une façon de résister à tout ce qui est normalisé et standardisé. C’est aussi cela qui rend la pratique de l’accompagnement si sympathique !
Par exemple, dans le domaine de l’éducation, les enseignants sont souvent encouragés à suivre des programmes stricts et des méthodes pédagogiques standardisées. Cependant, en adoptant une approche d’accompagnement, ils peuvent s’adapter aux besoins spécifiques de chaque élève, même si cela les conduit parfois à s’écarter des méthodes traditionnelles.
Conclusion
L’accompagnement est une pratique complexe et multiforme qui résiste à la standardisation. Il s’agit d’une démarche humaine, centrée sur la personne, qui nécessite une adaptation constante et une volonté d’aller vers l’autre. Dans un monde où la normalisation et la standardisation sont de plus en plus présentes, l’accompagnement reste une pratique précieuse et essentielle. Et c’est bien là où je voulais en venir !
Je ne peux que vous inviter à vous inscrire dans une véritable démarche d’accompagnement avec les personnes que vous aidez. Elle s’inscrit dans la durée. Elle nous donne à voir des changements, des évolutions où chacun adapte son pas sur celui de l’autre pour aller vers une fin synonyme de prise d’autonomie. Car c’est bien là l’objectif.
Sources :
- Maela Paul, « La démarche d’accompagnement. Repères méthodologiques et ressources théoriques Perspectives en éducation et formation
2020 | CAIRN - Maela Paul, « autour du mot accompagnement » Recherche et Formation n°62 | IFE-ENS Lyon
- Cristina De Robertis, L’accompagnement… Une fonction du travail social page 17 RFSS N°223-224 | ANAS
- Télécharger le numéro 223-224 de la Revue Française de Service Social « Responsabilité professionnelle et accompagnement social » (Journées d’études de l’ANAS) | ANAS (accès libre)
- Dominique Écrement, Christian Laidebeur, Émergence et développement de la notion d’accompagnement social | Numilog (accès libre)
- Virginie Timmerman, « Récit d’un accompagnement éducatif » in VST n°100 | CAIRN

2 réponses
Le titre à lui seul pourrait être un mot d’ordre pour concevoir tout accompagnement !
Très bien dit Mme PAUL!