Colère chez les travailleurs sociaux, vers une crise en profondeur ?
Comment expliquer ce « désarroi » des travailleurs sociaux, dont les mouvements sociaux en question se font l’écho ? C’est à cette question que tente de répondre Simon Heichette, enseignant-chercheur en sociologie, à l’Université d’Angers. Dans un article publié par le site The Conversation l’auteur décline de multiples raisons.
Il y a d’abord la « transformation de l’action publique » : depuis les années 2000, les politiques publiques dédiées au social connaissent de profondes transformations). En cause, l’adoption d’une nouvelle forme d’action publique imprégnée de néolibéralisme. L’auteur rappelle que « pour les thèses néolibérales, rappelons-le, l’intérêt général n’existe pas. Il explique pourquoi.
Il y a ensuite des organisations de travail devenues opératrices de la commande publique. Le changement de la logique de financement) s’est s’articulée avec une contraction des moyens alloués. Depuis la fin des années 1990, les subventions ne sont plus pérennes. L’auteur donne en exemple ce qui s’est passé dans le Maine-et-Loire et la réorganisation de la protection de l’enfance lancée en 2016 par le Conseil départemental, épinglée depuis par la chambre régionale des comptes des Pays de la Loire.
Il y a enfin le « reformatage des prises en charge et le décalage des travailleurs sociaux ». Il est désormais question de se comporter en prestataire de services. Ceci implique le développement d’une « offre » (éducative, d’assistance, de soin…) au sein de laquelle les bénéficiaires et où leurs représentants sont censés choisir. Simon Heichette explique que les travailleurs sociaux apparaissent en profond décalage avec cette approche consumériste et standardisée de l’accompagnement social.
L’auteur conclut en expliquant que les travailleurs sociaux ont de plus en plus le sentiment que leur activité est «empêchée». Non seulement les moyens manquent, mais en plus les normes qui s’appliquent à leur travail ne correspondent plus à la manière dont ils envisagent de bien l’effectuer. (lire l’article de The Conversation)
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A quoi bon défendre encore le métier d’éduc spé ?
C’est la question que pose mon ami Philippe Gabéran alors qu’il intervient auprès d’étudiants de l’IRTS de PACA-Corse. « Qu’ai-je encore à dire à ces étudiants et futurs professionnels dotés d’un diplôme désormais reconnu à un grade de licence, alors que toute une profession accepte, sans trop de poser de question, que l’accompagnement au quotidien de personnes en situation de handicap, quelle que soit la nature de celui-ci, doit être désormais assuré par des professions de moindre qualification ? »
« Comment, à l’heure où tout un secteur a été poussé à l’abandon de ses valeurs, argumenter encore auprès de ces étudiants et futurs professionnels ? Comment leur prouver qu’il ne peut y avoir une relation d’aide éducative et de soin, s’il n’y a pas une rencontre avec un autre que soi reconnu dans ce qui fait à la fois sa ressemblance et sa différence ? » dit-il
Ils faut que les éducateurs réagissent. Ils ne pourront sortir de l’infantile dans lequel ils sont maintenus par le Politique et ne pourront s’extraire d’un état où leur parole ne peut pas faire autorité parce que frappée d’incapacité, s’ils ne reprennent pas d’eux-mêmes la main sur leur métier.(lire la tribune de Philippe Gabéran sur son blog – à visiter régulièrement !)
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Plein emploi ne signifie pas forcément recul de la pauvreté et de la précarité | France Inter (Une bonne et une mauvaise nouvelle pour l’économie : la bonne, c’est que le plein emploi est à portée de main, la mauvaise, c’est que plein emploi ne signifie pas forcément recul de la pauvreté et de la précarité. ) par Sophie Fay
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- En France, un quart de la population est touché par la précarité selon une étude | Ouest France ( Un quart de la population dit avoir vécu une période de précarité au cours des trois dernières années. Un quart déclare également que l’un de ses proches s’est trouvé, dans le même intervalle, dans cette situation de «grande difficulté matérielle» Résultats d’un sondage produit en décembre 2021 par l’Ifop, pour Ouest-France et la Fédération des acteurs de la solidarité (Fas) par Laure Besnier
La sélection des articles a été réalisée avec l’aide de Michelle Verrier Flandre. Merci à elle
Photo : Laurent Thévenet manifestation parisienne des travailleurs sociaux le 7 décembre
2 réponses
Laissez le temps faire ces chose
Vous semblez largement oublier les revendications salariales dans vos articles.
Les éducateurs, dans les années 70, gagnaient 10% de plus qu un enseignant.
Actuellement, a force de gel des salaires et d inflation non compensée, ils gagnent 25% de moins.
Songez qu un éducateur spécialisé gagne moins de 1400 euros en début de carrière, malgré 3 ans d etudes…
Les educs sont pourtant eux aussi en première ligne… Sur pour le personnel soignant, mais pas pour les educs?
Ajoutez à tout cela que la convention 66 est attaquée et remise en question, et vous avez un corps de métier entier qui se sent déconsidéré et injustement traité.