Le conseil municipal de Valence a voté lundi dernier un arrêté visant à supprimer les aides municipales et sociales pour les familles de délinquants mineurs. Voici donc le retour d’un débat que l’on croyait éteint. Il ressurgit finalement assez régulièrement : la double peine pour les familles d’enfants auteurs d’actes de délinquance. Le journal Le Monde rappelle que la même mesure avait été votée par le maire de Rillieux-la-Pape (Métropole de Lyon) en 2018. Le maire (LR) Alexandre Vincendet, affirme que cela avait abouti à la suspension pour un an des aides municipales pour « trois familles » tandis qu’« une trentaine » d’autres avaient fait l’objet d’un accompagnement.
Précisons qu’ici la décision fait suite à plusieurs nuits de violences urbaines lors des vacances de la Toussaint, menées d’après le maire de Valence par « une trentaine de jeunes » avec dit-il « des tirs de mortiers sur la police, les pompiers et des bus ». Des faits suffisamment graves pour que les jeunes arrêtés soient jugés et condamnés. Faut-il pour autant sanctionner les familles ?
la journaliste Louisa Benchabane rappelle quelques précédents. Ainsi en 2005, le député et maire de Draveil Georges Tron (qui avait été acquitté après avoir été dans la tourmente) avait décidé de suspendre les aides municipales aux familles de jeunes auteurs de violences. C’était au moment où Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, avait relancé le débat sur la suppression des allocations familiales des familles de délinquants. Cette façon de sanctionner est chère à la droite. Ainsi en mars 2019 député LR Arnaud Viala, ainsi qu’une vingtaine de députés de son groupe, avaient déposé une proposition de loi permettant la suspension du RSA pour les manifestants mors du mouvement des gilets jaunes.
De quelles aides parle-ton ?
Dans cette situation il s’agit de supprimer des aides et des secours qui permettent de régler les frais de cantine, acheter des tickets de transport ou des chèques sport et culture. Elles sont gérées par les CCAS et les travailleurs sociaux qui aident les familles à instruire leurs demandes. Mais là le maire va plus loin puisqu’il propose en outre que des expulsions de logements gérés par le bailleur public local soient envisagées pour les familles de mineurs « délinquants ». Mettre une famille à la rue même si elle est à jour de ses loyers à de quoi interroger.
Les aides telles que le RSA, ou encore les aides au logement ne sont pas concernées car elles ne relèvent pas de la compétence du maire.
Une décision profondément injuste et scandaleuse
Très médiatisée depuis sa mise en place lundi, cette décision de sanctionner des parents pour les actes de délinquance de leurs enfants a fait bondir Olivier Véran le ministre des solidarités et de la santé qui la juge « scandaleuse ». « Un enfant n’a pas à être puni, privé de cantine, de culture, de sport parce que son frère, sa soeur ou ses parents ont mal agi. Cet arrêté municipal me scandalise » a-t-il écrit dans un tweet.
Ainsi un mineur délinquant amplifiera les difficultés de ses parents car si ceux-ci bénéficient d’aides sociales c’est parce qu’ils en ont besoin (sinon le CCAS et le service social départemental ne présente pas de dossier ou n’évalue pas la demande). Ce sont donc les frères et les sœurs du mineur délinquant qui seront pénalisés, car même s’ils n’ont rien fait, ils ne pourront par exemple pas bénéficier des aides pour la cantine. Est-ce bien normal ?
Autre idée reçue : les parents seraient la cause des actes de délinquance de leurs enfants. Il faut être peu conscient de la difficulté de nombreux parents qui ne savent plus comment agir face à des adolescents qui n’en font qu’à leur tête. Ces jeunes jettent un discrédit sur toute leur famille. Celles-ci demandent parfois à être aidées mais les mesures tardent à venir (souvent de 12 à 18 mois après pour les aides éducatives à domicile). Mais ce n’est pas parce qu’un enfant fait n’importe quoi que la faute revient systématiquement aux parents même s’ils sont pénalement responsables.
C’est une double condamnation : Le jeune sera juridiquement sanctionné pour la faute et le trouble qu’il a commis puis qu’il sera identifié. Pourquoi rajouter à cette sanction une autre qui est administrative et ne respecte pas les règles du droit. Cette décision est en effet à la discrétion du maire représentant de son conseil municipal.
Ce type de décision a un caractère discriminant : en effet si la famille dispose de suffisamment de revenus elle échappe à une sanction qui ne s’adresse qu’aux familles pauvres. Or la délinquance des jeunes (et des moins jeunes d’ailleurs) concerne toutes les catégories de la population, ce dont on se garde bien de parler.
Seul l’accompagnement social des familles, la recherche de dialogue et la responsabilisation sans jugement peuvent fonctionner. Mais cela prend du temps et surtout c’est beaucoup moins vendeur politiquement qu’une image de maire autoritaire propre à séduire un électorat inquiet, à juste titre, par les conséquences des révoltes urbaines et sociales considérées comme de la simple délinquance.
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