Une bonne résolution pour cette rentrée : Vivre la sobriété dans nos consommations

[current_page_url]

La rentrée est souvent l’occasion de prendre de bonnes résolutions tant au travail que dans sa vie personnelle. Crise économique oblige, si pour cette rentrée, nous faisions tous un effort en réduisant notre consommation ? Je ne parle pas de ce qui est essentiel et qui demande un minimum. Non, c’est tout ce que nous achetons par envie de façon quasi pulsionnelle. « Faites-vous plaisir » m’a récemment dit un vendeur d’électroménager dans une grande surface. Et si le plaisir était aussi de retrouver l’essentiel et de vivre une certaine frugalité ? Une frugalité choisie et non subie. Certes, nous pouvons nous faire plaisir, heureusement, mais cela passe-t-il obligatoirement par un achat ?

Reconnaissons-le,  nous accumulons des biens de consommation inutiles, rapidement obsolètes, tout simplement parce que cela répond à des désirs pulsionnels de possession souvent peu rationnels. Les travailleurs sociaux sont bien placés sur ce sujet. Ils rencontrent régulièrement des personnes qui ont des intérieurs encombrés de 1000 objets plus ou moins utiles. Ces personnes font  souvent face à des difficultés financières. Et nous avons, au fond de nous, une résistance à leur dire ce qui ne va pas de crainte de passer pour des donneurs de leçons normatifs au nom du droit de chacun de vivre à sa guise. Peut-être faudrait-il aborder ce sujet différemment. Car nous savons désormais que la société de consommation atteint ses limites, la planète aussi.

Cette surabondance qui nous envahit

Alors que des milliards d’humains ne disposent pas du nécessaire pour vivre dignement, nous sommes confronté dans notre société à la surabondance des objets et des biens de consommation. Ils sont virtuels et réels. Nous disposons de milliers de films à visionner et de musiques à écouter. Une vie ne suffit pas à explorer les possibilités que nous offre l’Internet. Les magasins rengorgent de produits plus ou moins utiles. Allez acheter une tablette de chocolat. Des dizaines et dizaines de marques et de compositions s’affichent sur les rayons. Il en est de même pour les lessives et de très nombreux produits du quotidien, même le lait qui n’est pas un produit transformé.

Tout petit, la publicité nous a appris à consommer. Les pubs sont terriblement efficaces, car très attractives. Mais elles cachent le revers de la médaille. Vous avez besoin d’une voiture ? Il vous sera présenté tous les avantages de tel ou tel modèle, mais finalement la pub ne vous dira pas l’essentiel : son prix. Le prix à payer se décline en simples mensualités. Vous ne savez pas combien le véhicule qui vous plait coûte réellement. Vous aurez même du mal à comparer. Tout est présenté pour que vous cédiez à la tentation. Or il y a certaines tentations qui coutent très cher. Mais revenons à notre sujet du jour. Comment être sobre dans nos consommations ?

Connaissez-vous l’effet Diderot ?

Le célèbre encyclopédiste du 18ᵉ siècle a découvert, un peu par hasard, un des mécanismes de la consommation. Ce penseur s’est rendu compte que l’acquisition d’un objet peut soudainement entraîner l’achat de plusieurs autres. Préoccupé par les dépenses qu’il jugeait inutiles, il a commencé à étudier ce qu’il se passait. Après avoir acheté un manteau ou plutôt un vêtement d’intérieur particulièrement beau à son goût, il s’est rendu compte que son nouveau vêtement détonnait avec ce qu’il possédait déjà. Cela lui a donné envie d’améliorer son intérieur. Selon ses mots, il n’y avait « plus de coordination, plus d’unité, plus de beauté » entre sa robe et le reste de ses objets.

Le philosophe a vite ressenti le besoin d’acheter de nouvelles choses à la hauteur de la beauté de son nouveau vêtement. Il a remplacé son ancien tapis par un nouveau de Damas. Il a décoré sa maison avec de belles sculptures et une meilleure table de cuisine. Il a acheté un nouveau miroir à placer au-dessus du manteau et sa «chaise en paille a été reléguée dans l’antichambre par une chaise en cuir». Cette façon de consommer des objets et de considérer les anciens comme dépassés ou bien moins beaux et utiles fonctionne tout autant aujourd’hui.

Nous sommes sans cesse invités à réaliser des achats complémentaires au produit initial. Une nouvelle table demande de nouvelles chaises, une nouvelle voiture s’accompagne de son lot d’accessoires etc. Internet est d’ailleurs à ce sujet expert pour vous inviter à acheter des produits complémentaires à votre premier achat. Voyez ce que vous propose Amazon une fois que vous avez acheté  un jeu de vis ou de boulons. Tout y passe. L’algorithme scrute pas à pas les pages que vous ouvrez pour sans cesse vous proposer des produits complémentaires. On est loin de la sobriété.

Nous sommes « dopaminés »

L’acte d’achat répond à des désirs profonds et produit dans notre cerveau de la dopamine. C’est un neurotransmetteur, un composé chimique libéré par les neurones. Créée dans diverses parties du cerveau, elle est essentielle pour toutes sortes de fonctions cérébrales, y compris la pensée, le déplacement, le sommeil, l’humeur, l’attention, la motivation, la recherche et surtout la récompense. La dopamine n’apporte pas le plaisir mais la recherche du plaisir ce qui n’est pas la même chose.

Le bilan que nous commençons tout juste à tirer d’un demi-siècle de consommation de masse n’est pas réjouissant. On nous promettait de l’épanouissement personnel et collectif ; nous avons eu l’endettement, les crédits, mais aussi les délocalisations, les destructions d’emplois. Je suis aussi souvent frappé par la tristesse sur le visage de certaines personnes qui se balladent dans les grandes surfaces. Pourtant, elles devraient heureuses ! Et bien non un achat assouvi et la dopanime ayant fait son effet, c’est un sentiment de vide qui prédomine. Le désir de possession s’accompagne de frustrations. C’est une alternance que connaissent à l’extrème les personnes boulimiques ou anorexiques. Un trop plein et un trop vide à la fois.

Les limites sont atteintes

Le futur nous annonçait une consommation infinie : nous sommes aujourd’hui confronté aux pesticides, aux pollutions diverses, aux perturbateurs endocriniens. Manger sain coute trop cher. Nous sommes là aussi envahis de produits transformés qui font des milliers de kilomètres pour arriver dans nos assiettes sans que nous ayons à cuisiner. C’est dans l’air du temps. Celui du tout tout de suite. Cuisiner est chronophage. Le plaisir de le faire est devenu une corvée.. Car c’est un processus lent qui demande une certaine expérience.

Nous savons que les limites sont atteintes. Pire même les espèces végétales et animales disparaissent, Le réchauffement climatique nous annonce d’énormes difficultés sociales et environnementales. Il est plus que temps d’arréter de consommer comme nous le faisions par le passé. La consommation telle qu’elle nous est imposée n’est plus un plaisir, mais une contrainte, une obligation, voire une aberration qui vise à maintenir et à développer le système économique en place. Comment se détacher des biens de consommation qui nous envahissent et n’apportent que des satisfactions factices ? CE n’est pas si facile que cela tant nous avons été biberonnés à la facilité.

Vivre la sobriété ne veut pas dire faire voeux de pauvreté.

Il faut d’abord accepter de différer notre achat et ne plus répondre à cette pulsion intérieure d’immédiateté qui apparaît lorsque nous souhaitons posséder un objet. Le plaisir vient du désir et non de la possession. Il s’agit de se donner le temps de la réflexion. C’est plus facile à écrire qu’à mettre en œuvre, Notamment pour les personnes qui connaissent une intolérance à la frustration et ne peuvent souvent rien différer en agissant en permanence sur l’instant présent. Cela touche toute la population dont certaines personnes accompagnées par les travailleurs sociaux, notamment celles et ceux qui sont addicts aux marques et aux produits qui leur donnent le sentiment d’être comme tout le monde.

La sobriété subie existe : les plus pauvres la connaissent. Et l’on comprend bien que leurs besoins vitaux ne sont pas assurés. Mais justement, les plus pauvres d’entre nous, savent souvent faire la différence entre l’essentiel du secondaire, de l’utile et de l’inutile. Les personnes qui ont de faibles revenus ont souvent développé une intelligence de l’économie du quotidien remarquable. Mais elles sont souvent frustrées car leurs pratiques sont contraintes et que le désir d’être « comme tout le monde » est ce qu’il y a de plus humain. Pourtant si  leus pratiques leur donnaient raison ? Si finalement, il était plus sage de calquer ce qu’elles savent mettre en oeuvre sans pour autant se priver de nos besoins fondamentaux ?

Prendre du plaisir à résister aux tentations

C’est bien de cela qu’il s’agit. Pour y parvenir, il est toujours utile de se poser des questions : ai-je vraiment besoin de ce produit ? quel usage va-t-il avoir, m’est-il si indispensable et que va-t-il m’apporter ? Enfin ce nouveau produit va-t-il en remplacer un autre qui fonctionne toujours ? Répondre a ces questions vous permettra de bien réaliser la pertinence de votre achat futur.

Il faut ensuite pouvoir combattre l’effet Diderot précédemment décrit. pour cela, il faut limiter tout ce qui stimule votre envie de consommer notamment les déclencheurs de publicités sur votre smartphone ou votre ordinateur. Ces publicités ciblés en fonction de vos achats précédent activent l’effet Diderot en vous proposant des produits en cohérence avec vos achats précédents ou vos centres d’interêt. C’est le toujours plus. Une application peut à ce sujet vous être utile : adguard

D’autres conseils peuvent être prodigués : si vous achetez, donnez. Chaque fois que vous effectuez un nouvel achat, offrez quelque chose à quelqu’un qui en a vraiment besoin. Vous achetez une nouvelle télé ? Donnez l’ancienne plutôt que de la déplacer dans une autre pièce. L’idée est d’empêcher la croissance du nombre d’objets dans votre domicile.

Certes les progrès technologiques apportent toujours plus de confort. Mais certaines innovations sont-elles toujours un progrès. No ordinateurs qui existaient il y a 20 ans nous permettaient de faire la même chose qu’aujourd’hui ou presque si ce ne sont les jeux en ligne qui ont considérablement évolués.

Essayez de passer un mois sans acheter quelque chose de nouveau, si ce n’est l’alimention et l’essence pour vous déplacer. Ne vous permettez pas d’acheter de nouveaux articles pendant 30 jours. Au lieu d’acheter une nouvelle tondeuse à gazon, partagez en une avec votre voisin. Procurez-vous votre nouvelle chemise à la friperie plutôt qu’au grand magasin. Plus nous nous limitons, plus nous devenons ingénieux et faisons de reelles économies. Sans oubier que ce qui est impportant est de limiter la quantité.

A ce sujet beaucoup de personnes allocataires des minimas sociaux ont développé une ingéniosité et une capacité à se fournir en biens de consommation à prix très réduits sans forcément rogner sur la qualité. Le Bon Coin (même si cela s’est dégradé), les magasins d’occasion permettent de consommer sans introduire de nouveaux produits dans le circuit. Bref il existe de nombreuses possibilités pour limiter la production d’objets nouveaux. Les recycleries peuvent apporter aussi leurs lots de satisfaction anti gaspillage. Ce n’est pas bon pour l’économie dirons certains. Et alors ? faut-il continuer de se gaver pour faire marcher le commerce ?

Je m’arrète là sur ce sujet. Il y a encore beaucoup à faire pour limiter nos consommations et les rendre plus raisonnables. Au final, cela concerne tout le monde quels que soient nos revenus. Je souhaite pour ma part qu’un mouvement de fond se développe silencieusement : celui de la sobriété choisie qui nous libère des objets.

Cetres les hypermarchés s’inquièteront pour leur chiffre d’affaire et leurs bénéfices. Mais le changement de paradigme viendra des citoyens qui face à l’urgence climatique, développeront de nouvelles façons de consommer et se limiteront volontairement.

3 ouvrages pour vous convaincre

 


photo :wayhomestudio sur Freepik

Articles liés :

2 réponses

  1. M. DUBASQUE, je suis très sensible à votre article et j’ai été ravi de le lire. Mais je ne peux pas m’empêcher de penser que le combat sera long. Car quand on clique sur les bouquins recommandés, on tombe chez Babelio (et non chez Amazon, ouf !) qui nous recommande .. d’autres bouquins !
    Nos contradictions sont tenaces 🙂 Bien à vous. J-François

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.