Élever un enfant n’est pas ce qu’il y a de plus simple. Certains âges sont particulièrement délicats, notamment dans la petite enfance, lorsque votre enfant découvre qu’il peut dire non. Ce passage est tout à fait normal, mais selon votre réponse, ce refus peut devenir vite une fixation qui met tout le monde en difficulté. Refus de manger certaines nourritures, refus d’aller se coucher, être porté et pris dans les bras, un enfant peut vite devenir tyrannique et parfois, notamment lorsqu’on est seul(e) à l’élever, cela peut devenir une véritable galère. Voici 5 conseils issus pour certains des observations de collègues éducateurs et pour d’autres d’un article paru dans la presse espagnole…
Il nous faut pour cela s’appuyer sur les travaux de la grande éducatrice Maria Montessori, du psychologue Abraham Maslow et de Daniel Goleman ( «père» du concept de l’ intelligence émotionnelle). C’est à partir de ces travaux que le neuropsychologue Alvaro Bilbao tente d’expliquer simplement comment fonctionne le cerveau du petit enfant. Ce n’est pas un traité scientifique, c’est un guide pédagogique : parler du développement du cerveau, comment motiver le comportement d’un enfant ou comment définir les limites sans drames.
La punition est une stratégie maladroite et inadaptée pour éduquer les enfants. Priver un enfant de son vélo ou l’interdire quitter sa chambre en représailles à un mauvais comportement peut avoir un effet négatif avec trois conséquences possibles. « La première est d’enseigner l’enfant à utiliser lui-même la punition contre les autres comme une forme valable de relation. La deuxième conséquence immédiate est l’apparition de différentes formes de culpabilité, ce qui provoque souvent l’arrêt de la punition : « Au moment où l’enfant pleure sa dignité est brisée. Il va demander pardon, les parents sont satisfaits le père ou la mère va lever la punition, et l’enfant a appris le mode d’emploi pour mieux aller ensuite dans un forme de manipulation. »
Mais c’est la 3ème conséquence qui est plus délicate : l’enfant se définit alors par la punition, ce qui peut affecter sa propre estime de lui: « Chaque fois que nous disons à l’enfant une phrase qui commence par « tu », son cerveau stocke les données dans une structure qui est chargé de compiler toutes ses connaissances sur le monde et sur lui-même, celles qui lui permettront de faire des choix dans la vie » , précise Alvaro Bilbao.
Alors comment poser des limites aux enfants sans les punir ?
1- Pour atteindre cet objectif Bilbao propose de déclencher la discussion qui donne à l’enfant des outils pour résoudre ses problèmes. L’auteur donne un exemple concret: «Si vous savez que votre fils a tendance à hurler quand il est frustré (ou toute autre chose), il ne faut pas attendre d’avoir à le combattre face à sa réaction. Vous pouvez l’aider à ne pas hurler en vous asseyant près de lui et quand vous voyez qu’il va être frustré, vous pouvez alors l’aider à se contrôler» en lui parlant et en lui expliquant calmement ce qui se passe et ce qu’il peut éviter.
2- Établir avec l’enfant un relation de cause à conséquence. Avant de devenir prisonnier de sa propre opposition, l’expert conseille de créer une « cause-conséquence » avec l’enfant. « Imaginez que votre enfant se mette en colère quand il n’a pas son jouet préféré. Vous pouvez en tant que parent définir au préalable la règle selon laquelle il peut obtenir un autre jouet différent s’il n’a pas celui qu’il ne veut pas laisser. C’est un peut la même chose pour dire « c’est terminé ». Un enfant fait un tour de manège, puis il en veut une autre et un autre. L’arrêt définitif peut provoquer une colère d’autant qu’elle s’accompagne de fatigue et d’excitation. Si l’enfant a appris par exemple »définitif » veut dire qu’il n’y aura pas d’autre tour de manège quoi qu’il arrive, il est alors prévenu, et cela se passera beaucoup mieux. Le parent doit pouvoir disposer d’un terme sur lequel il ne revient pas lorsqu’il l’a prononcé. Lorsque l’enfant a intégré que ce terme veut dire qu’il n’y a rien à faire qu’il n’obtiendra pas dans cet exemple de nouveau tour de manège, il l’intègre comme un fait établi car dès son plus jeune âge il sait que le parent n’a jamais cédé avec ce mot là. Ce qui n’a pas été le cas pour les autres termes utilisés…
3- Changer la perspective dans les situations « à risques ». Il s’agit tout simplement de donner à voir à l’enfant une action positive pour l’aider à modifier son comportement. Ainsi La norme peut être: « Les enfants qui se comportent bien pendant le goûter peuvent voir un dessin animé (mais seulement s’ils le souhaitent). De cette façon, l’attention se concentre sur le bon comportement et la conformité à la norme est associée à une satisfaction. Mais cela doit bien évidemment être manié avec précaution. Il faut éviter que ce soit une récompense systématique mais plutôt quelque chose qui donne du plaisir à l’enfant sans que cela soit perçu par lui comme une gratification directe. Montrer sa satisfaction de parent quand tout se passe bien est aussi intéressant. L’enfant est fier d’avoir su agir selon la norme établie.
4- Lui apprendre que l’on peut réparer ou « raccommoder ». Apprenez aux enfants que leurs actions ont des conséquences et que la réparation est essentielle. « Par exemple, si un enfant frappe son frère, il doit pouvoir réparer l’action qu’il a commis au moyen d’un excuse, d’une demande de pardon et d’un bisou», conseille le Dr Bilbao. Il s’agit de savoir aller au bout d’un acte en le réparant.
5-Rappelez-vous une évidence. Les parents ont eux aussi des «devoirs». « Tous les enfants ont besoin de beaucoup de temps de jeu et de l’attention de leurs parents ». Combien de fois sommes nous tenté(e)s après une journée difficile de coller l’enfant devant la télé pour pouvoir « se libérer » ou tout simplement faire quelque chose dont on a pas eu de temps. Or l’enfant qui ne vous a pas vu de la journée exprime le besoin d’être avec vous. Il peut avoir tendance à vous le faire savoir de façon désagréable. Votre présence est nécessaire et complètement utile dans ces moments là.
J’ajouterai ce 6ème conseil que nombreux d’entre vous connaissent : valoriser et encourager sont les 2 moyens de permettre à l’enfant de bien se construire. Montrer que l’on croit en lui sans excès toutefois. Car comme dans tout, les excès peuvent être contre productifs. Il ne s’agit pas de vénérer « l’enfant roi » et d’amplifier son égo pour qu’il développe des attitudes « tyranniques ». Mais les éducateurs savent bien combien les personnes les plus déstructurées ont un piètre estime d’elles-mêmes. L’estime de soi est nécessaire pour bien se construire et la dévalorisation de l’enfant comme de l’adulte provoque bien des dégâts qui pourraient être évités.
Nota : je me permets de rediffuser cet écrit qui date de 2015. Je m’étais inspiré de cet article paru dans le journal « el mundo »
Photo : PRO Leonid Mamchenkov le 14 février 2007 Certains droits réservés