Secret professionnel, protection « à priori », des logiques qui s’entrechoquent
Périgueux, ce jeudi 8 janvier 2015, Laly, atteinte d’une trisomie 21, s’est rendue à l’école, comme les autres jours de la semaine. Un de ses camarades la défenestre. Elle ne survivra pas. L’enfant qui l’a poussé, avait déjà commis ce geste chez son assistante maternelle sur une petite fille de deux ans. Il souffre de graves troubles du comportement. Suivie par l’aide sociale à l’enfance, sa référente n’avait pas estimé devoir le signaler à l’institutrice.
la Cour d’appel a reconnue l’obligation au secret professionnel : L’assistante socio-éducative, d’abord mise en examen, ne l’est finalement pas . C’est l’institutrice qui est passée devant le tribunal mardi 10 décembre : au moment du drame, elle s’était absentée de la salle de classe quelques instants pour chercher des feuilles de travail dans une pièce voisine.
Trois logiques légitimes se heurtent dans cette affaire. Celle du père qui se retourne contre l’enseignante : « J’ai mis ma gamine entre ses mains, c’est elle qui en avait la responsabilité, c’est elle qui devait la protéger ». Le corps enseignant qui, tout en reconnaissant son obligation de surveillance, ne peut garantir qu’aucun accident ne surviendra jamais. Les travailleurs sociaux tenus au secret qui doivent trier entre les informations strictement confidentielles et les mises en garde précises et limitées, la frontière les séparant étant des plus poreuses. Chacune de ces argumentations est cohérente.
Le secret professionnel est contesté par l’avocat de l’enseignante. « Il aurait peut-être fallu faire le choix le moins pire en violant ce secret professionnel pour protéger un enfant, pour permettre de l’encadrer. Cela aurait pu être considéré selon l’avocat comme un viol du secret professionnel par bienveillance », Que n’est-on prêt à faire et à dire pour le bien d’autrui. Dans ce cas, au nom d’un possible risque d’accident tout peut-il désormais être dit sur le handicap d’un enfant ou de ses parents ? N’est ce pas alors considérer tous les actes des enfants pris en charge comme des risques potentiels pour leurs camarades dès lors qu’ils agressent un autre enfant dans une autre situation ? Toujours est-il que la que la petite Laly a bien été défenestrée et n’a pas survécu.
Doit-on subvenir à son père qui a tué sa mère ?
Autre lieu, autre drame avec la question posée par Françoise Le Goff et sa sœur Laurence qui, enfants, ont vu mourir leur mère : Leur père tue sa femme en 1982. Jugé coupable, il est incarcéré. Ses deux filles finiront leur enfance placée en famille d’accueil. Aujourd’hui, leur père sorti de prison depuis longtemps est entré en EHPAD. Le Conseil départemental a diligenté une enquête au titre de l’obligation alimentaire.
François et Laurence, alors âgées de 13 et 10 ans vont-elles aujourd’hui devoir payer pour leur père ? Fortement médiatisée, cette affaire a reçu une réponse du gouvernement : supprimer l’obligation d’aide alimentaire des enfants vis-à-vis de leurs pères auteurs de féminicides. Faut-il aller jusqu’à la déchéance systématique des droits parentaux pour tous les parents qui ont été maltraitants ? Une telle mesure généraliserait les problématiques de maltraitance, alors qu’elles doivent être traitées au cas par cas. Laissons à la justice le choix, n’en faisons pas un automatisme. (lire l’article du Courrier de l’Ouest / Ouest France)
L’éducateur « à vot’service »
Ancien éducateur spécialisé, James Chaud a décidé de travailler en libéral. « Aide éducation alternative », son cabinet de conseil et d’intervention, propose des visites à domicile ou des communications par visioconférence ou par téléphone. Il s’est reconverti par vocation dans l’éducation spécialisée à 30 ans. Il met à disposition son expérience de près quatre ans de travail en médico-social et psychiatrie, de trois ans de coopération à Madagascar et de cinq années en protection de l’enfance (d’abord au sein d’une maison de l’enfant à caractère social puis d’un dispositif d’alternative au placement des enfants).
Et c’est là que le bas blesse : il s’adresse aux familles en difficulté avec leurs enfants, ne sachant plus vers qui se tourner. Au-delà de la question de l’exercice d’une profession qui a très longtemps été le monopole du service public, se pose la question des carences de ce dernier. Quand l’Aide sociale à l’enfance voit s’allonger les listes d’attente des familles en demande d’accompagnement et que le délai d’intervention avoisine une année, comment s’étonner que le travail libéral devienne une alternative ? Sauf que seules les familles solvables pourront y avoir recours. (lire l’article de La Montagne)
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Notre avenir est-il anxiogène ?
L’IFOP répond à cette question : pour 84% des Français, l’avenir apparait inquiétant. 52% d’entre eux estiment le risque de régression important. Ce sont les préoccupations environnementales et économiques qui expliquent cette inquiétude. 51% des moins de 35 ans voient l’avenir comme excitant contre 26% des 65 ans.
Le monde qui s’ouvre à nous est donc très loin d’être enthousiasmant. La perspective d’offrir à nos enfants une meilleure situation que celle que nous avons connue ou connaissons s’assombrit de plus en plus. La transformation de notre société en un grand marché mondialisé où chacun devra se battre contre chacun pour s’en sortir, avec quelques gagnants et une grande masse de perdants serait-elle à l’origine d’un tel pessimisme ? Quelle drôle d’idée, vraiment quelles drôle d’idée ! (accéder à la note de sondage de l’IFOP)
Cette revue de presse a été rédigée par Tom Léducspé, mon collègue qui me donne un coup de main
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