« Nous, Travailleurs Sociaux » / Covid-19 : attention au risque de fracture sociale / La Psychiatrie, victime collatérale du Covid-19 ?

[current_page_url]

Une belle lettre : « Nous travailleurs sociaux »

Le Journal l’Alsace vient de publier une belle lettre de Florian Gesnel, chef de service au Foyer Notre-Dame de Strasbourg. Elle s’intitule « Nous travailleurs sociaux ». Il traduit l’état d’esprit de nombreux acteurs du travail social, qui sont comme leurs collègues soignants au front du coronavirus. Sauf que l’on ne parle pas d’eux constate le journal. En voici quelques extraits :

« Nous aussi nous sommes des personnels soignants » explique notre collègue. « Soignants d’une société qui produit des éxclus et qui ne tourne vraiment plus vraiment rond …/… Nous n’avons ni gyrophares, ni blouses blanches… Nos services de réanimation s’appellent CHRS, 115, Foyers de l’Enfance, Hébergement d’Urgence pour demandeurs d’Asile…

« La misère et la détresse ne se confinent pas »  écrit-il. « Pour respecter les consignes sanitaires, les portes des établissments se ferment mais elles laissent béantes les blessures et les peurs » « De soignants nous devenons alors pompiers ».

« Le dévouement des soignants dans les hôpitaux ne doit pas éclipser celui des travailleurs sociaux qui chaque jour prennent leur service sans disposer de masque ni de gel hydroalcoolique »…/.. « Il mettent leurs angoisses personnelles en sourdine. Ils ne regardent ni leur temps, ni leurs congés et font preuve d’une solidarité exemplaire..  » (lire le texte de Florian Gesnel)

Le journal La Tribune publie un texte collectif signé par la Fédération des Intervenants en Risques Psychosociaux (FIRPS). Il rappelle que « la situation inédite créée par le confinement général n’est pas la même pour tous, en raison des inégalités sociales, des métiers exercés, ou encore de la fragilité financière. Avec le retour à la normalité, il sera nécessaire d’aider les plus démunis qui subissent le plus durement les conséquences de la pandémie ».
Le confinement réassigne chacun à sa place sociale : « Pour l’immense majorité, ceux qui demeurent confinés, qu’ils exercent en télétravail ou subissent un chômage partiel, la différence s’apprécie surtout par rapport aux conditions de logement, et dans une moindre mesure de la situation familiale. » Que dire alors de ceux qui ne travaillent pas ou sont à la rue. « …Ce sont les plus démunis qui, à mesure que la crise dure, subissent forcément le plus durement les impacts de cette situation ».
« Pour tenir, ces personnes ont besoin du soutien et de la reconnaissance des autres, et particulièrement de ceux qui les dirigent » ../…  » La crise est un amplificateur de ce qui préexistait, une loupe de notre société. Elle peut être aussi un soubresaut pour faire avancer les pratiques, les modes de gouvernance, voire – rêvons un peu – la solidarité ». (lire le texte publié par la Tribune) (lire les fiches techniques de la FIRPS)
.

La Psychiatrie, victime collatérale du Covid-19 ?

Le journal « Les Echos »  nous explique que  la prise en charge des malades psychiatriques atteints par le coronavirus n’est pas optimale dans les établissements en santé mentale. Or leurs transferts dans les hôpitaux classiques à même de les soigner, ne semble guère possible.
Ce que l’on observe dans les Ephad, où les décès se multiplient ces derniers jours, risque ainsi de se reproduire dans ces établissements, prévient le docteur Nicolas Meton. La psychiatrie semble oublié. Cette crise sera certainement pour elle ravageuse. Cela nous renvoie à uneévidence : la psychiatrie est le parent pauvre de la médecine « alors même qu’elle devrait être au cœur de nos préoccupations en termes de santé publique ».

Le plateau technique d’un hôpital psychiatrique est bien modique au regard des besoins de ces patients. Se retrouvent alors dans ces «structures Covid» des individus doublement atteints par le virus et par leurs troubles mentaux, sans soins somatiques adaptés.

Une 2ème vague arrivera dans ces établissements de soins avec toutes celles et ceux qui auront du mal à se remettre de la quarantaine. Le médecin nous alerte : ce confinement  n’est pas sans effet et va s’accompagner indéniablement de son lot de troubles psychiatriques qu’il faudra bien traiter.

Nous pouvons d’ores et déjà nous attendre, dans les mois qui viennent, à une explosion de burn-out et de stress aigus prévient-il. « Les services de psychiatrie ne s’en retrouveront que plus sinistrés encore et incapables de répondre à cette demande de soins supplémentaires, émanant pour partie de leurs propres rangs. Il est donc urgent de prendre vite la mesure des conséquences indirectes, mais toutes aussi ravageuses, de cette inédite crise sanitaire » conclut-il (lire l’article des Échos)

et aussi
.

Lien Social en accès libre

« Bien des liens, et des plus vitaux, sont rompus par la crise sanitaire que nous vivons tous » affirme André Jonis le Directeur de la publication de Lien Social.

Son site s’était déjà ouvert aux témoignages des professionnels sur leur vécu de terrain. Ils continuent, chaque jour, à être mis en ligne. La fabrication et l’acheminement du journal n’étant plus possible et ce pour un temps indéterminé, on pourra retrouver Lien Social en version numérique, à chaque date de parution. Le voilà en libre accès, avec pour commencer son numéro 1270.

Ne pas oublier le travail des familles d’accueil

Ce témoignage fait partie des messages reçus par Lien Social qui les met en ligne. L’Association « Ass Fam 17, ensemble ! »  se rappelle au bon souvenir des autorités administratives. Elles sont plus de 40 000 à vivre le confinement ces assistants familiales qui accueillent entre un et trois enfants à leur domicile.

«Notre métier est complexe et méconnu. En ce temps de confinement, il est oublié. Ces jeunes portent avec eux leur « sac à dos » de souffrance, d’histoire familiale difficile, violente et parfois ont des handicaps, développant des troubles de l’attachement, de la personnalité (violence, agressivité), troubles de l’apprentissage »

 Et elles ont dû rajouter à toutes aux casquettes portées jusque-là au quotidien, celle d’instit, de prof, en l’absence d’un cadre scolaire qui est le plus souvent indispensable pour un grand nombre de nos jeunes accueillis.
Une fois le confinement fini, les Assistants Familiaux et leurs familles auront, chacune et chacun besoin d’être écoutés, entendus, compris dans ce qu’ils auront traversé. (lire ce témoignage)

 …et pour terminer écoutons la radio et plus précisément France Inter

« Nous ne laisserons plus nous voler notre vie »

« Je vous fais une lettre/ Que vous lirez peut-être/ Si vous avez le temps ». Cela ne vous rappelle rien ? C’est le début de la chanson de Boris Vian « Le déserteur », à l’époque interdite à la radio.

Annie Ernaux reprend le début de ce célèbre texte pacifiste dans une lettre adressée à Emmanuel Macron, où elle interroge la rhétorique martiale du Président. Annie Ernaux est écrivain. Elle vit à Cergy, en région parisienne. (écouter et lire la lettre)

Le moment Meurice : les SDF et le confinement

L’humoriste de France Inter Guillaume Meurice a appelé Hervé, SDF qui ne manque pas d’humour, pour avoir son avis sur le confinement et la crise sanitaire qui frappe le monde. Une opinion qui mérite d’être écoutée.

Guillaume Meurice en a profité pour reverser le cachet de cette chronique à l’association « Les morts de la rue » :

On peut suivre Hervé sur Twitter

 

photo :  créé par yanalya  pour freepik

Sélection des articles réalisée avec l’aide de Michelle Verrier Flandre

Cette revue de presse a été rédigée en partie  par mon collègue Tom Léducspé… Merci à lui pour ce coup de main 

 

Articles liés :

2 réponses

  1. Bonjour,
    Peut-on avoir le lien concernant la publication de la lettre de Florian Gesnel par le journal L’Alsace.

    Très cordialement,

    1. Bonjour
      Le texte est le suivant :
      20/03/2020
      Nous, travailleurs sociaux, sommes également du personnel soignant. Soignants d’une société qui produit des exclus et d’un monde qui ne tourne plus vraiment rond.
      Nous sommes soignants des injustices et des disparités, en soins palliatifs des systèmes qui dysfonctionnent, Nous sommes soignants des fragiles et de ceux qui ont besoin de protection. Nous soignons des enfants, des personnes handicapées, des grands exclus ou des personnes exilées. Comme autant de maux d’une société qui écrit sur le fronton de ses mairies l’égalité et la fraternité, noussoignons pour que chacun puisse y envisager sa place.

      Nous n’avons ni gyrophare, ni blouse blanche. Nos services de réanimation s’appellent CHRS, 115, HUDA ou Foyer de l’enfance. Ils sont ouverts 365 jours par an, 24h/24h et accueillent celles et ceux pour qui il est soudainement devenu vital de trouver un abri. La misère et la détresse ne se confinent pas. Les angoisses et les craintes non plus. Pour respecter les consignes sanitaires, les portes des établissements se ferment mais elles laissent béa ntes les blessures et les peurs. Elles imposent un huis clos précaire où cohabitent des personnes qui ne sont pas choisies, et restreignent les soupapes que constituent les contacts extérieurs… De soignants, nous devenons alors pompiers.

      Il y a peu de profession qui puissent se targuer d’un tel engagement de ses acteurs. Le dévouement des soignants dans les hôpitaux — s’il doit être applaudi- ne doit pas éclipser celui des travailleurs sociaux qui chaque jour prennent leur service sans disposer de masques ou de gel hydroalcoolique. Qui chaque jour mettent leurs angoisses personnelles en sourdine pour pouvoir recevoir et accompagner celles des autres. Qui chaque jour s’exposent dans la promiscuité des institutions sans pont aérien ni institution de campagne. Qui au nom de la continuité des missions qui leur sont confiées ne regardent ni leurs heures, ni leurs congés et font preuve d’une solidarité exemplaire au sein des équipes

      Je suis fier aujourd’hui de faire partie de cette profession. Fier de l’abnégation qu’elle représente et de la vision fraternelle de la société qu’elle véhicule. Fier de mes collègues qui se battent au quotidien pour offrir le meilleur dans les conditions les pires.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.