Notre mémoire au travail : comment fonctionne ce pilier invisible que nous utilisons au quotidien ?

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Le fonctionnement de notre cerveau et la construction de notre mémoire sont des sujets fascinants. Ils révèlent la complexité de notre intelligence et de notre identité. La mémoire, essentielle à notre quotidien au travail et ailleurs, se construit à travers plusieurs étapes et sous différentes formes. Cet article vous propose d’en apprendre un peu plus sur ce sujet.

Nous faisons appel à différentes formes de mémoire

Il n’y en a pas qu’une seule, mais plusieurs ! Elle est classée en plusieurs types principaux : la mémoire est d’abord sensorielle, il y a celle à court terme et celle à long terme.

La mémoire sensorielle est la première étape du processus de mémorisation. Les informations captées par nos sens (vue, ouïe, toucher, etc.) sont brièvement stockées dans notre cerveau. Par exemple, l’image d’un objet que vous venez de voir est conservée pendant une fraction de seconde. Mais vous allez vite l’oublier, car elle n’a pas de fonction précise et vous êtes déjà passé à autre chose.

La mémoire à court terme est quant à elle appelée mémoire de travail. Elle permet de retenir temporairement des informations pour une utilisation immédiate. Pour ma part, j’ai tendance à parler de mémoire immédiate. Par exemple, retenir un numéro de téléphone le temps de le composer. Cette mémoire est limitée en capacité et en durée. Un exercice tout simple consiste à tenter de se rappeler une liste de 12 chiffres à la suite. Combien pouvez-vous en énoncer sans vous tromper ? Avez-vous une meilleure mémoire à les écouter plutôt qu’à les lire ? Cela peut vous en apprendre sur la potentialité de votre cerveau. 

La mémoire de travail est un prédicteur important de la réussite scolaire. Elle est nécessaire pour des activités telles que la lecture, où il faut associer des graphèmes à des phonèmes, et le calcul mental, où il faut retenir et manipuler plusieurs éléments simultanément. Les élèves ayant une faible mémoire de travail peuvent rencontrer des difficultés à suivre des consignes complexes ou à retenir les différentes étapes d’un exercice. Ils sont alors vite en difficulté. 

Enfin il y a mémoire à long terme. Elle est responsable du stockage des informations sur une période prolongée. Elle se divise en deux sous-catégories : la mémoire déclarative et la mémoire procédurale. La mémoire déclarative inclut la mémoire épisodique (souvenirs d’événements personnels) et la mémoire sémantique (connaissances générales sur le monde). La mémoire procédurale concerne les compétences et les habitudes, comme faire du vélo ou jouer d’un instrument de musique etc.

Ok, mais comment retenons-nous une information ?

Le processus de mémorisation commence par l’encodage. Les informations sont transformées en traces de mémoire appelées engrammes. Ces engrammes sont des groupes spécifiques de neurones activés en réponse à une information. Ensuite, la consolidation renforce ces informations pour un stockage à long terme. Enfin, le rappel permet de solliciter ces informations à tout moment, influençant ainsi notre comportement en fonction des expériences passées.

J’aime utiliser pour cela l’image d’un sentier qui se crée au fil de vos passages. Si vous allez pour la première fois d’un endroit à un autre, vous risquez de vous perdre malgré les indications. Mais pour vous rappeler du chemin, rien ne vaut que de le parcourir plusieurs fois. À l’image d’un sentier qui se crée au fil des passages des promeneurs, une trace apparait. Une trace se forme dans votre cerveau, ce qui fait que vous vous rappelez précisément s’il faut tourner à droite ou à gauche à tel endroit. 

Problème, à force d’utiliser des applications de navigation telles Google Maps ou Waze, nous n’entrainons plus notre cerveau à mémoriser les chemins que nous parcourons. Comme un sportif qui ne s’entraine plus, nos performances baissent et c’est fort regrettable. Notre smartphone est ainsi devenu au fil du temps un appendice de notre mémoire. C’est la panique si nous le perdons, car il contient une foule d’informations que nous n’avons pas mémorisé. Dans la liste, il y a les 10 numéros de téléphone importants que je connaissais par cœur avant l’existence de ces engins…

Notre mémoire, notre meilleure alliée ?

Les formes de mémoire évoluent avec le temps et les expériences. Par exemple, la mémoire épisodique peut être modifiée chaque fois qu’un souvenir est rappelé et partagé, intégrant des éléments subjectifs qui peuvent altérer la réalité de l’événement initial.

Cette plasticité de la mémoire montre que nos souvenirs ne sont pas des enregistrements fidèles. Ce sont des « reconstructions dynamiques » dont il faut savoir se méfier. Rien ne vaut pour cela la prise de notes qui fige les faits observés. Ils ne risquent pas d’être déformés dans notre tête par cette reconstruction qui est parfois parasitée par d’autres faits. 

Ainsi au travail vous pouvez vous souvenir de telle ou telle parole d’un usager, mais l’attribuer à la mauvaise personne. Il est d’autant plus facile de vous tromper si vous rencontrez un grand nombre de personnes et que vous ne prenez pas de notes.  Notre mémoire est certes notre meilleure alliée, mais elle peut aussi être notre ennemie, car elle nous invite à réécrire l’histoire que nous avons vécu dans un sens ou dans un autre. Or en travail social, il reste essentiel de ne pas déformer les faits tels que nous les avons recueillis. C’est pourquoi une grande majorité de professionnels passent par l’écrit. Ils ont bien raison.

L’ère numérique a un impact significatif sur notre mémoire.

C’est de plus en plus documenté. Les outils numériques et les écrans modifient la manière dont nous stockons et rappelons les informations. Par exemple, la facilité d’accès à l’information via les moteurs de recherche peut réduire notre besoin de mémoriser des faits, un phénomène connu sous le nom d’« effet Google ».

De plus, l’exposition prolongée aux écrans peut affecter la concentration et la capacité de la mémoire à court terme. Cela s’explique aisément. Il y a de fortes probabilités qu’au travail, vous soyez en permanence en surcharge cognitive. Vous devez sans cesse engranger de nouvelles informations comme si votre cerveau était un puits sans fond. Et il vous faut pouvoir réutiliser ces informations de manière adaptée en fonction de la situation et des demandes. Comme moi, vous avez peut-être tendance de pester contre les procédures qui se surajoutent. Pourtant, s’il n’y en a pas trop, elles peuvent être utiles pour vous « dégager la tête » et agir sans oublier tel ou tel point important.

Et si vous êtiez atteint(e)  par l’effet Google ?

L’effet Google est également connu sous le nom d’amnésie numérique. C’est un biais cognitif mis en évidence par des chercheurs tels que Betsy Sparrow, Jenny Liu et Daniel M. Wegner en 2011. Ce phénomène décrit notre tendance à oublier les informations que nous savons pouvoir retrouver facilement en ligne. Plutôt que de mémoriser les faits eux-mêmes, nous nous souvenons de la manière d’y accéder, comme le site web ou le moteur de recherche à utiliser.

Imaginez que vous devez retenir le numéro de téléphone d’un ami. Avant l’ère des smartphones, vous auriez probablement mémorisé ce numéro. Aujourd’hui, vous êtes plus susceptible de le sauvegarder dans votre téléphone et de l’oublier rapidement. C’est l’effet Google en action. Nous externalisons notre mémoire vers des appareils numériques, ce qui modifie la manière dont notre cerveau traite et stocke les informations.

Cet effet Google transforme notre mémoire en un système de mémoire transactive. Traditionnellement, nous partagions la tâche de se souvenir avec d’autres personnes, comme des amis ou des collègues. Aujourd’hui, nous déléguons cette tâche à Internet. Par exemple, au lieu de mémoriser une date historique, nous nous souvenons que nous pouvons la retrouver sur Wikipédia. Cette externalisation de la mémoire modifie notre cerveau, le transformant en un index de recherche plutôt qu’en une réserve de connaissances détaillée.

Prenons un autre exemple : vous êtes en train de cuisiner et vous avez besoin de vérifier une recette. Plutôt que de mémoriser les étapes, vous consultez rapidement votre smartphone. La prochaine fois que vous cuisinerez ce plat, vous serez probablement incapable de vous souvenir des détails sans consulter à nouveau la recette en ligne. De même, les étudiants qui savent que leurs notes de cours sont sauvegardées sur un ordinateur sont moins enclins à mémoriser activement les informations. cela peut être très génant pour eux.

Vous l’avez compris, l’effet Google a des implications profondes pour notre capacité à apprendre et à retenir des informations. D’une part, il peut alléger votre charge cognitive en vous permettant de vous concentrer sur des tâches plus complexes sans être encombrés par des détails triviaux. D’autre part, cette dépendance accrue à la technologie peut limiter votre capacité à construire du sens et à réfléchir de manière indépendante. Ainsi si nous nous reposons trop sur Google pour répondre à nos questions, nous risquons de perdre notre capacité à analyser et à synthétiser les informations par nous-mêmes.

Sans oublier la distraction 

Pour minimiser les effets négatifs de l’effet Google, il est important de trouver un équilibre entre l’utilisation de la technologie et l’entraînement de notre mémoire. Par exemple, essayez de mémoriser des informations importantes sans recourir immédiatement à votre smartphone. Vous pouvez aussi vous engager dans des activités qui stimulent votre mémoire, comme les jeux ou la lecture active. De plus, il sera utile de prendre le temps de réfléchir et de synthétiser les informations que nous trouvons en ligne, plutôt que de simplement les consommer passivement.

Une autre dimension du numérique perturbe de façon conséquente votre cerveau :  la distraction. Les multiples notifications que vous recevez via différents supports et applications ont pour conséquence de vous distraire de la tâche que vous effectuez. Elles provoquent des ruptures de votre attention et l’on peut aisément quitter son travail en cours pour se consacrer à une autre tâche. Cela vous conduit à travailler de façon simultanée sur plusieurs tâches en même temps. Ce n’est pas ce qu’il y a de plus efficace… Ce sujet mériterait d’être tout autant développé mais il est temps de conclure.

Cultivons notre mémoire pour préserver notre identité

En conclusion, il est fascinant de constater à quel point notre cerveau est un outil puissant et complexe. La mémoire, sous ses différentes formes, joue un rôle  vraiment important dans notre quotidien, qu’il ne faut pas négliger ce sujet. En élargissant notre réflexion, il est intéressant de noter que la mémoire n’est pas seulement un mécanisme biologique, mais aussi un reflet de notre identité et de notre expérience de vie.

Chaque souvenir, chaque information mémorisée contribue à façonner qui nous sommes. Cependant, à l’ère numérique, il est essentiel de trouver un équilibre entre l’utilisation des technologies et l’entraînement de notre mémoire naturelle. En effet, bien que les outils numériques puissent alléger notre charge cognitive, ils ne doivent pas remplacer notre capacité à mémoriser et à réfléchir de manière indépendante.

Notre mémoire est aussi notre meilleure alliée.  Elle nécessite pour cela notre attention et notre soin. En prenant le temps de stimuler notre cerveau par des activités intellectuelles, sociales et physiques, nous pouvons non seulement préserver nos capacités mnésiques, mais aussi enrichir notre vie de manière significative. Alors, n’oublions pas de la chouchouter, car elle est le fil conducteur de notre existence et le gardien de nos souvenirs les plus précieux.

 


Sources et articles pour aller plus loin :

 

Ne manquez pas non plus ce superbe site qui vous permet de tout comprendre sur les biais cognitifs : https://biais-cognitif.com/ 


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