Sous la bannière du collectif « Les 400 000 », professionnels de l’aide, associations, familles, jeunes concernés et citoyens se donnent rendez-vous dans plusieurs grandes villes. Objectif : que la protection de l’enfance cesse d’être un vœu pieux et redevienne une réalité pour chaque enfant.
La faillite silencieuse d’un système conçu pour protéger
Depuis des années, rapports, enquêtes et témoignages s’accumulent. Ils dressent tous un constat alarmant : la protection de l’enfance en France ne tient plus ses promesses. Derrière la façade des lois et des engagements internationaux, ce sont plus de 400.000 enfants qui, chaque année, sont concernés par une mesure de protection. Pourtant, combien d’entre eux dorment à la rue, attendent une place, vivent séparés de leurs frères et sœurs, ou sont abandonnés à leur majorité sans accompagnement ? En 2023, plus de 3.000 enfants vivaient à la rue, 130.000 subissaient des violences sexuelles, 8.000 jeunes majeurs sortis de l’aide sociale à l’enfance étaient sans domicile fixe, et 3.350 enfants patientaient sur liste d’attente pour une mesure de placement.
La situation s’aggrave d’année en année. Les listes d’attente s’allongent. Les mesures de protection décidées par les juges tardent à être appliquées. De nombreuses fratries sont séparées faute de places. Des enfants sont orientés vers des dispositifs inadaptés, parfois dès 14 ans, pour libérer des lits. Les professionnels, eux, tiennent à bout de bras un système qui ne repose plus que sur leur engagement et leur conscience.
Les travailleurs sociaux : piliers invisibles d’une solidarité nationale
Au cœur de cette chaîne de solidarité, et quoi qu’en disent certains, les travailleurs sociaux incarnent l’espoir et la dignité pour des milliers d’enfants. Leur engagement, leur capacité à écouter, à accompagner, à protéger, sauvent chaque année des vies et offrent à des jeunes la possibilité de se reconstruire. Mais on ne parle jamais de cela. Ils sont sans cesse pointés du doigt dès qu’un drame survient alors que dans la très grande majorité des situations, ils font tout pour les éviter.
Aujourd’hui leur quotidien est devenu intenable : surcharge de travail, manque de reconnaissance, salaires insuffisants, conditions d’exercice dégradées. Ce déclassement professionnel n’est pas seulement une injustice pour eux, il met en péril la qualité de l’accompagnement des enfants et l’avenir même de la protection de l’enfance.
Les associations, elles aussi, sont exsangues. Faute de moyens, elles jonglent avec des bouts de ficelle pour protéger les enfants, victimes d’économies de bouts de chandelle. Le service public de la justice, saturé, ne parvient plus à faire appliquer ses propres décisions dans des délais acceptables. Pendant ce temps, des enfants reconnus victimes restent dans des situations dangereuses, parfois des mois durant. Pire, ce sont les services sociaux qui sont alors accusés !
Une mobilisation nationale pour une cause universelle
Face à cette faillite collective, le collectif « Les 400 000 » appelle à un sursaut national. Certains ont critiqué les organisateurs, notamment l’organisation patronale Nexem, accusée d’être en quelque sorte un pompier pyromane. Pompier, car elle appelle à manifester pour sauver ce qui peut l’être. Pyromane parce qu’elle est signataire d’une convention collective qui braderait les acquis des anciennes conventions. Mais l’heure n’est pas à la division face à l’ampleur du problème.
Ce 15 mai 2025, la mobilisation s’organise dans huit grandes villes de France, pour rappeler que la protection de l’enfance n’est pas l’affaire d’un secteur, mais celle de toute la société. À Paris, le rassemblement aura lieu dès 12h sur l’esplanade du Souvenir-Français, aux Invalides. À Bordeaux, Lille, Lyon, Mamoudzou, Marseille, Rennes, Strasbourg et Toulouse, il est espéré des milliers de participants qui se mobilisent pour une seule et même exigence : que chaque enfant soit protégé dignement, sans condition, sans délai.
Voici les lieux et horaires des rassemblements :
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Bordeaux : devant la Préfecture de la région Nouvelle-Aquitaine, intersection rues du Corps-Franc-Pommiès et Jean Fleuret, 12h00
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Lille : Place de la République, 12h00
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Lyon : devant le siège de la Métropole, Place des Martyrs de la Résistance, 11h00
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Mamoudzou (Mayotte) : 6 rue du Jardin Fleuri, Cavani, 13h30
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Marseille : sous l’Ombrière du Vieux-Port, 14h00
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Paris : Esplanade du Souvenir-Français, Invalides, 12h00
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Rennes : devant le CD35, avenue de Cucillé, 14h00
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Strasbourg : Place Kléber, 14h00 (pique-nique dès 12h30)
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Toulouse : Allées du Président Roosevelt (métro Jean Jaurès), 11h30 à 14h00
- A Nantes : 13 h, place Royale, précédé d’un pique-nique à midi
Quatre urgences, une même exigence : la dignité pour chaque enfant
Le collectif « Les 400 000 » porte quatre revendications majeures. Elles sont autant de conditions pour redonner du sens à la promesse républicaine d’égalité et de protection :
- Mettre fin aux listes d’attente : Les mesures de protection ordonnées par les juges doivent être appliquées sans délai. Chaque jour de plus passé dans le danger est une trahison de l’engagement pris envers ces enfants.
- Réinvestir dans le soutien aux familles : Intervenir tôt, accompagner les familles en difficulté, c’est prévenir la maltraitance et éviter des placements douloureux. La prévention doit redevenir le pilier de la politique de protection de l’enfance.
- Reconnaître et revaloriser les travailleurs sociaux : Il est impératif d’améliorer leurs conditions de travail, de reconnaître leur expertise et leur engagement, pour qu’ils puissent remplir leur mission essentielle auprès des enfants.
- Assurer un accompagnement des jeunes majeurs : À leur majorité, les jeunes sortant de l’aide sociale à l’enfance ne doivent plus être abandonnés à leur sort. Un accompagnement continu est indispensable pour leur permettre de s’intégrer et de bâtir leur avenir.
L’enjeu : tenir la promesse faite à chaque enfant
Faut-il encore le rappeler ? La Convention internationale des droits de l’enfant engage la France à « assurer à l’enfant la protection et les soins nécessaires à son bien-être ». Or, chaque histoire, chaque témoignage montre que cette promesse n’est plus tenue. Les conséquences humaines, sociales et économiques de cet abandon sont immenses : cumul de traumatismes, précarité, exclusion, perte d’espérance de vie, reproduction des inégalités. En 2019, le coût pour la société des traumatismes subis pendant l’enfance, mal pris en charge, s’élevait à 34,5 milliards d’euros.
Ce chiffre de 34,5 milliards d’euros, n’est pas anodin. Il provient d’un avis du Conseil économique, social et environnemental (CESE) publié en mars 2024. Ce document précise que ce montant concerne l’estimation pour la France en 2019 et qu’il s’agit du coût imputable au budget de la santé uniquement, sans même prendre en compte l’ensemble des coûts sociaux et économiques induits par une prise en charge tardive, inexistante ou inadaptée des enfants victimes
Mais au-delà des chiffres, ce sont des destins brisés et des potentiels gâchés. Combien d’enfants auraient pu être protégé plus tôt ? Combien doivent leur salut à un travailleur social, un éducateur, un bénévole qui a su être là, simplement, sans relâche ?
Pourquoi il faut marcher aujourd’hui ce 15 mai
Participer à la mobilisation du 15 mai, c’est refuser l’indifférence. C’est affirmer que chaque enfant compte, que chaque professionnel mérite d’être soutenu. C’est rappeler que la solidarité nationale n’est pas un slogan mais une réalité à construire ensemble. C’est aussi dire aux pouvoirs publics que l’enfance ne peut plus attendre, que les promesses non tenues ne suffisent plus, que la société tout entière a une dette envers ses enfants les plus vulnérables.
C’est un acte de responsabilité collective, une manière de dire : « Je ne me résigne pas. ». C’est, enfin, un hommage à tous ces professionnels de l’aide sociale, éducateurs, assistants sociaux, magistrats, soignants, bénévoles, qui, chaque jour, font tenir debout un édifice menacé d’effondrement.
Un mouvement pour l’avenir, un appel à la conscience
Ce 15 mai, il ne s’agit pas seulement de dénoncer, mais d’ouvrir un horizon. La mobilisation est une invitation à repenser notre rapport à l’enfance, à la vulnérabilité, à la solidarité. Elle est un appel à l’action et à l’engagement.
Rejoindre la mobilisation, c’est refuser que la protection de l’enfance sombre dans l’oubli. C’est affirmer haut et fort que notre pays doit, être à la hauteur de ses valeurs. C’est porter la voix de ceux qui, trop souvent, n’en ont pas.
Le 15 mai, soyons nombreux dans les rues de Paris, Bordeaux, Lille, Lyon, Mamoudzou, Marseille, Rennes, Strasbourg et Toulouse. Pour les enfants, pour les familles, pour les professionnels, pour l’avenir. Parce que la protection de l’enfance est l’affaire de tous, et que chaque personne compte.
Sources et + :
- Les 400 000 : Mobilisation nationale pour la protection de l’enfance | Les 400 000
- Mobilisation nationale pour la protection de l’enfance : rendez-vous le 15 mai à Paris | CNAPE
- Mobilisation des 400 000 | ANMECS
- Appel à mobilisation nationale pour la protection de l’enfance le 15 mai 2025 à Rennes | URIOPSS Pays de la Loire
- Mobilisation le 15 mai pour la défense des droits de l’enfant à l’appel du collectif Les 400 000 | FEP
- Documents mobilisation nationale pour la protection de l’enfance 15 mai à Paris | CNAPE
- Communiqué du collectif des 400 000 | Les PEP 69
- Tous mobilisés le 15 mai pour la protection de l’enfance | URIOPSS Auvergne-Rhône-Alpes
- Tribune : la démocratie a besoin d’un regard indépendant dans les centres de rétention | Fédération des acteurs de la solidarité
Les photos sont issues du flyer du collectif 400.000 qui regroupe 70 organisations


