Livre ouvert : « La société polarisée. Des extrêmes et du moyen de s’en sortir »

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Même s’il faut se méfier des « yaka », « faucon » largement utilisés par celui qui se désigne comme « l’un des meilleurs experts européens en polarisation », il est tout à fait possible de s’intéresser malgré tout aux concepts proposés ici par Bart Brandsma.

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Son analyse est séduisante quand elle parle d’une polarisation dégénérant trop facilement en dynamique violente. Et quand elle explique comment cette pensée « nous contre eux », si fréquente aujourd’hui, se manifeste à des niveaux tant micro (interindividuels), méso (groupe) ou macro (société), explique-t-il. Elle se distingue du conflit par sa dimension aléatoire, changeante et peu logique.

Cette polarisation se fonde, d’abord, sur la construction mentale de deux identités qui se veulent distinctes et opposées. Elle nécessite, ensuite, d’être alimentée en permanence par du carburant positif ou négatif. Enfin, elle est purement émotionnelle, utilisant le pathos plutôt que le logos, se montrant donc étrangère à toute rationalisation. Cette définition semble des plus éclairantes pour décoder certains plateaux de débats télévisés particulièrement polémiques.

Bart Brandsma explique ensuite qu’il est contre-productif et stérile de tenter, dans la plupart des cas, d’utiliser la réfutation argumentée, sensée et raisonnée pour parvenir à contrer la rhétorique de la polarisation. Tout dialogue entre des avis tranchés présente de fortes capacités à s’enfermer systématiquement dans une position forte, pas à se représenter la logique d’autrui.

L’auteur décrit les différents rôles présents dans le mécanisme de polarisation. Il distingue l’instigateur qui fournit le carburant et rejette toute nuance. Vient ensuite le partisan qui reproduit en écho les arguments des premiers, se dégageant de la responsabilité d’en être le concepteur. Le constructeur de passerelle, quant à lui, ne fait qu’alimenter la polarisation en tentant d’édifier des ponts entre les positions opposées. Un bouc-émissaire est souvent désigné comme l’otage de l’autre camp, voire son complice. Dernier acteur, le groupe du milieu, comptant les points et restant invisible.

Et, c’est justement ce groupe des silencieux avec qui Bart Brandsma propose de faire alliance. Les techniques qu’il propose privilégient la modération : ne pas porter de jugement de valeur, se placer soi-même en phase avec celles et ceux qui cultivent la nuance, adopter un ton doux et bienveillant, privilégier l’écoute, adopter un comportement médiateur, aller chercher le problème qui se cache derrière les oppositions entre identités opposées, poser les bonnes questions pour que l’autre se sente entendu et reconnu dans sa réflexion etc …

La dépolarisation demande beaucoup de patience et se conduit à petits pas, conclut l’auteur. Si l’on met de côté son ton parfois un peu trop impératif et péremptoire (paradoxalement propre à la polarisation), constatons que les travailleurs sociaux en général et les médiateurs conjugaux en particulier font depuis longtemps du Brandsma, sans le savoir. Voilà un manuel intéressant à lire, chacun(e) en retirant ce qui lui sera utile.

 

  


Cet article fait partie de la rubrique « Livre ouvert »

Il est signé Jacques Trémintin

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