Je reprends exceptionnellement la main sur cette case du mercredi sur mon blog, à la place de Jacques, pour une fois n’est pas coutume parler de son livre.
Il y a des livres qui arrivent à point nommé. « 50 nuances d’enfants en danger » de Jacques Trémintin est de ceux-là. À l’heure où la protection de l’enfance est régulièrement mise sur le grill médiatique, souvent à tort, ce troisième volet de son triptyque consacré à l’Aide sociale à l’enfance arrive comme une bouffée d’air frais. Et croyez-moi, on en a bien besoin !
Du vécu transformé en récits éclairants
Jacques Trémintin n’est pas tombé dans la marmite du travail social par hasard. Double diplômé (ASS et ES), ancien assistant socio-éducatif dans un service départemental de l’ASE en Loire-Atlantique, il sait de quoi il parle. Et ça se sent à chaque page. Après avoir déconstruit les stéréotypes dans 100 idées reçues sur l’ASE, et livré ses Fragments de vie d’un référent ASE, il nous propose cette fois une cinquantaine de situations qui sont autant de fenêtres ouvertes sur la complexité de nos métiers.
Le titre, volontairement provocateur avec son clin d’œil à un certain best-seller, cache en réalité une question fondamentale : où commence la fiction ? Dans ces récits certes imaginaires, mais inspirés de son expérience de terrain, il nous propose d’explorer un certain nombre de situations « idéal-type » auxquelles la protection de l’enfance nous confronte. Autant de « vignettes à double lecture » comme les qualifie Jean-Pierre Rosenczveig dans sa préface, chaque situation nous renvoie à nos propres questionnements professionnels.
L’art du funambulisme social
Ce qui frappe dans l’écriture de Jacques, c’est cette capacité à montrer combien le travail social relève de l’intime. Jean Pierre Rosenczveig parle même de funambulisme, et il a bien raison ! Chaque jour, des professionnels marchent sur un fil tendu entre contraintes légales, réalités budgétaires, solutions bricolées sur le fil, urgences humaines et nécessité de prendre des risques calculés.
Jacques Trémintin nous montre ces femmes et ces hommes qui « tentent modestement certes, mais avec la conviction de leur importance, d’accompagner des parents et des enfants en souffrance ». Pas de héros hollywoodiens ici, juste des professionnels qui font leur boulot avec leurs compétences techniques et leur humanité. Cette humanité, justement, qui fait souvent toute la différence.
Contre la mauvaise presse, la démonstration par l’exemple
La protection de l’enfance a toujours eu mauvaise presse. Trop interventionniste pour les uns, pas assez efficace pour les autres. Mais comme le souligne Rosenczveig : « Jacques Trémintin le démontre avec maestria, la protection de l’enfance moderne ne mérite pas la critique souvent injuste qu’elle supporte. »
À travers ces cinquante situations, l’auteur nous prouve que nous sommes bien loin de l’Assistance publique d’antan ou même de la DDASS d’hier. Chaque situation est unique, chaque réponse doit être du sur-mesure. Parfois, il faut même « franchir des limites notamment légales ou administratives et prendre apparemment des risques au nom de cette mission d’ordre public ». Voilà qui devrait parler à bon nombre d’entre nous !
Un document politique déguisé en récits
Ne vous y trompez pas : derrière ces histoires accessibles et séduisantes se cache « un document infiniment politique sur le travail social en protection de l’enfance ». Jacques Trémintin ne se contente pas de raconter, il analyse, décortique, questionne. Il nous montre cette satisfaction, « sinon la fierté d’avoir la preuve que l’on a bien fait », même quand on a parfois le sentiment « d’écoper à la petite cuillère une barque qui coule ».
Cette image de la petite cuillère résonne chez beaucoup de professionnels, n’est-ce pas ? Et pourtant, c’est précisément là que réside l’essentiel : offrir dans l’instant une présence humaine, une écoute critique et un accompagnement bienveillant. Sans trompettes ni fanfares, juste le quotidien d’un travail qui se fait jour après jour.
Pourquoi ce livre mérite votre attention ?
Si vous travaillez en protection de l’enfance, ce livre vous parlera forcément. Vous vous reconnaîtrez dans ces situations, dans ces dilemmes, dans ces victoires modestes, mais ô combien précieuses. Si vous êtes en formation, il vous donnera un aperçu sincère et non édulcoré de ce qui vous attend. Et si vous êtes simplement curieux de comprendre ce que font vraiment les professionnels de l’Aide Sociale à l’Enfance, vous découvrirez un monde bien plus nuancé que ce que les gros titres veulent bien nous montrer.
Car oui, il y a bien 50 nuances dans la protection de l’enfance. Cinquante et probablement bien plus encore. Chacune mérite qu’on s’y attarde, qu’on la questionne et qu’on la comprenne. C’est tout le mérite de Jacques Trémintin que de nous les offrir avec intelligence, expérience et cette dose d’humanité qui fait cruellement défaut dans tant de débats sur le sujet.
- 50 nuances d’enfants en danger – De la réalité à la fiction ou de la fiction à la réalité ? Jacques Trémintin Éditions Chronique Sociale, 2025, 152 pages
Photo : Capture d’écran de Jacques Trémintin sur SQOOL TV invité d’Emmanuel Davidenkoffr pour parler de protection de l’enfance :


