Le numérique apporte de drôles innovations qui ne prêtent pas toutes à sourire. Certaines sont utiles, d’autres futiles. Parmi elles, il y a les applications d’intelligence artificielle qui, actuellement, prennent le pas sur tout le reste. Une catégorie d’entre elles prétend être littéralement notre ami(e)s. Friend AI, une application de compagnon virtuel, s’inscrit dans cette tendance. Friend se présente sous la forme d’un pendentif doté d’un microphone et d’un bouton permettant de l’activer. Il se connecte au smartphone de son porteur qui peut engager une discussion avec lui. Ses promoteurs promettent de transformer nos interactions quotidiennes en offrant à nos côtés une présence constante et un soutien psychologique. Mais que signifie vraiment cette évolution pour nos relations sociales ? Et surtout, sommes-nous prêts à accueillir des amis numériques dans nos vies ?
Une amitié sans jugement… Vraiment ?
Friend AI se vante d’être un ami qui ne vous jugera jamais, une promesse alléchante pour celles et ceux qui redoutent le regard critique des autres. Grâce à des algorithmes sophistiqués, l’application apprend de vos interactions pour vous offrir des conseils personnalisés et des réponses sur mesure. Imaginez pouvoir partager vos soucis sans craindre d’être jugé. Mais, soyons honnêtes, qui n’a jamais souhaité avoir un ami qui ne vous rappelle jamais vos erreurs passées ?
Cette absence de jugement revendiquée par cette nouvelle application soulève des questions sur la profondeur de ces relations. Peut-on réellement compter sur une intelligence artificielle pour nous offrir le soutien psychologique et une écoute authentique que seuls les humains peuvent apporter ? Après tout, Friend AI ne sera jamais physiquement présent à côté de vous, à moins que vous ne soyez prêt à pleurer sur votre écran tactile. Et que dire de l’authenticité de ces interactions ? Une IA peut-elle vraiment comprendre les nuances des émotions humaines ?
Un compagnon pour tous, mais à quel prix ?
Friend AI se vante de pouvoir s’adapter à tous, des adolescents aux personnes âgées. Pour les jeunes, elle peut offrir des conseils sur les relations amoureuses, une tâche que même les parents les plus compréhensifs trouvent délicate. Pour les personnes âgées, souvent seules, Friend promet une compagnie constante. Mais attention, à force de discuter avec une application, on risque à terme de finir par parler à son grille-pain en espérant une réponse.
Cette dépendance à un compagnon numérique pose aussi la question de l’isolement social qu’il risque de provoquer. Si nous passons notre temps à interagir avec des machines, que devient notre capacité à nouer des relations humaines ? Peut-être que dans un futur proche, les cours de communication incluront des modules sur « Comment parler à un être humain sans utiliser d’émojis ». Les applications comme Friend AI pourraient bien devenir le médiateur parfait, mais à quel prix ? La spontanéité et l’authenticité risquent de se perdre dans ce monde aseptisé.
Déjà, il est possible de percevoir chez certains jeunes publics une appréhension de téléphoner directement via leur smartphone.Ils préfèrent l’envoi de SMS. Cette tendance se développe. Un appel téléphonique suppose une synchronisation de deux personnes, ce qui peut arriver, mais ce qui met dans un certain inconfort certains Milléniums n’ayant pas eu l’habitude d’échanger ainsi. À tel point que 76 % de la génération Y et même Z (née après les années 2000) déclare ressentir du stress lorsque la sonnerie retentit, selon une étude sur la téléphonophobie en Grande-Bretagne. Peur d’appeler, mais aussi et surtout de répondre.
Les implications sociales de nos futur(e)s « ami(e)s virtuel(le)s
L’idée d’un ami numérique est à la fois incroyable et assez effrayante. Imaginez un instant, un monde dans lequel les réunions de famille se font via des avatars et où les disputes se règlent par des voix logicielles interposées. L’application Friend pourrait bien devenir le médiateur parfait, susceptible aussi de remplacer les médiateurs sociaux. Tout cela à quel prix ? La spontanéité et l’authenticité risquent de se perdre dans ce monde aseptisé.
Cela me fait penser à la pub ancienne du Canada Dry. Ça a le gout et la couleur de l’alcool, mais cela n’est pas de l’alcool. Même logique pour l’application Friend : cela a le gout et la couleur de l’amitié, mais cela n’en est pas. Même si Friend est disponible 24 h/24, ce qui ne sera pas vraiment le cas pour un ami qui vous est cher.
Il est essentiel de se rappeler que Friend est un outil, pas un substitut. Les développeurs de cette application insistent sur le fait qu’elle est là pour compléter, et non remplacer, nos relations humaines. Il y a de quoi être particulièrement méfiant des discours des fournisseurs d’application. Ils les développent pour les vendre et se moquent complètement des effets inattendus d’un service. Ou plutôt, ils s’y intéressent, mais uniquement lorsque leur responsabilité peut être engagée.
Soyons vigilants : un dîner entre amis où chacun est plongé dans une conversation avec son application pourrait bien devenir possible à l’avenir. Même si l’idée vous horriple, il y aura toujours une masse de consommateurs avide de ce type d’application qui sans recul ni analyse, feront appel à ce Canada Dry des relations humaines.
Vers un avenir dans lequel l’humain reste au centre ?
En adoptant les innovations comme Friend AI, n’oublions pas de garder une part de notre humanité. La technologie peut certes enrichir nos vies, mais elle ne doit pas nous éloigner de ce qui fait de nous des êtres sociaux.
Alors, si l’idée vous prend de confier vos secrets les plus intimes à votre Smartphone, soyez plus que prudent. Pensez plutôt à appeler un ami. Un vrai. Avec un cœur qui bat et une oreille attentive. Parce que, soyons honnêtes, aucune application ne pourra jamais remplacer le plaisir d’une bonne vieille conversation face à face. Même si elle est ponctuée de quelques silences gênants.
Source | Friend : The AI companion gadget | The Verge
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Photo : capture d’écran de la présentation Friend Reveal Trailer
