La commission éthique et Déontologie du Haut Conseil de Travail Social à laquelle je participe, a produit plusieurs documents sur le partage de l’information tel qu’il devrait être pratiqué dans les services d’aide à domicile des personnes âgées ou handicapées. Pour coller au plus prêt des réalités de terrain, nous avions élaboré avec l’Agence Nouvelles des Solidarités Actives un « questionnaire flash » qui visait à recueillir les pratiques actuelles, les questionnements des professionnels liés à ce partage d’informations qui reste nécessaire et utile pour une cohérence des interventions. Mais ce partage doit pouvoir permettre le respect de la vie privée des personnes âgées. Vous trouverez donc ici les résultats de cette enquête qui est pleine d’enseignements…
Ce questionnaire a permis de recueillir 1285 réponses qui ont pu être exploitées. Cela parait assez représentatif. Le profil des répondants est varié : 236 aides à domicile, 521 intervenants du social, 379 cadres, 284 professionnels issus du privé qu’il soit ou non associatif, 95 collectivités ou services dépendance, 97 professionnels de santé mais aussi 52 bénévoles, 48 cadres et administrateurs, 12 «organisateurs», 13 «évaluateurs» et 21 « intervenants » à domicile.
75 % des professionnels disent intervenir seul mais en relation avec d’autres intervenants. 96 % des aides à domicile disent avoir des relations avec des infirmières et aides soignants, 51% de kinésithérapeutes, 38 % médecins, 17 % autres et 6% de psychologues. 97 % des cadres salariés disent que les professionnel(le)s qu’ils encadrent sont amené à partager des informations sur la vie privée de la personne âgée ou handicapée, concernant son mode de vie, sa santé physique et mentale, ses difficultés sociales avec d’autres intervenants.
L’accord des personnes accompagnées pour ce partage d’informations est-il demandé ? 73% des salariés intervenant à domicile disent demander l’accord (souvent ou toujours) à la personne concernée. Mais 28% disent qu’ils n’ont pas à l’informer, que cela fait partie de leur travail. Notons aussi que 14% des intervenants déclarent tout simplement ne pas y avoir pensé.
Et le secret professionnel dans tout cela ?
90% des professionnel(l)es salarié(e)s qui interviennent directement se déclarent soumis au secret professionnel par mission. C’est le même pourcentage pour les aides à domicile mais 44% déclarent ne pas connaitre le cadre juridique du secret. Du coté des bénévoles seulement 50% estiment y être tenus 14% ne savent pas ce qu’il en est alors 36 % disent ne pas être soumis au secret..
Il y a beaucoup d’autres points abordés dans ce document notamment en dernière partie avec 5 enquêtes complémentaires réalisées lors de réunions avec des groupes d’aides à domicile. (Entretiens en direct face à face). Reprenons ici les conclusion de cette étude :
▪ La plupart des personnes interrogées « pensent savoir » ce qu’il faut dire et à qui il faut le dire, en fonction des situations ; ceci s’explique par l’extrême diversité des acteurs (auxiliaire de vie sociale ou aide à domicile sans aucune formation, assistante sociale, curateur, directeur de service ou administrateur bénévole d’association par exemple) ainsi que par la responsabilité d’agir qui est assumée en fonction des besoins et des urgences, malgré la difficulté liée à la brièveté des passages aux domiciles;
▪ Les références communes ne paraissent pas acquises ni bien établies : ni le discernement préalable au partage de certaines informations à caractère personnel, ni la recherche du consentement éclairé des personnes accompagnées, ni le cadre règlementaire : beaucoup croient contribuer à une mission soumise au secret professionnel ;
▪ Il y a certains préjugés vis-à-vis de la personne âgée ou handicapée. La difficulté d’apprécier ses capacités de prendre des décisions pour elle-même ont une incidence sur la représentation du consentement éclairé ;
▪ Les aides à domicile se sentent déconsidérées par d’autres acteurs (sauf par rapport aux aides-soignantes), déclassées par rapport aux textes qui les incorporent dans les professionnels intervenants, et beaucoup d’entre elles manquent de formations qualifiantes et diplômantes
Il y a beaucoup d’autres points abordés dans ce rapport et une lecture attentive peut aussi vous intéresser d’autant plus si vous aviez répondu à ce questionnaire en février dernier. Quoi qu’il en soit, je vous invite à prendre connaissance de ce rapport qui en une trentaine de pages nous en dit beaucoup sur les pratiques actuelles au sein des services. Il n’est pas question de juger les pratiques, mais plutôt de les éclairer afin de produire des outils d’aides à la prise en compte de ce qui nous parait essentiel pour une grande majorité d’entre nous (et vous) : le respect de la vie privée des personnes et le recueil de leur avis « éclairé ».
Je profite de l’occasion pour adresser un grand merci à François Roche pour son travail en tant qu ecoordinateur de la commission éthique et déontologie. C’est lui qui impulse, questionne, rédige et fait avancer le groupe dans ses productions. Prochainement vous aurez en ligne sur ce site les fiches technique rédigées par la commission. Fiches qui visent à soutenir et à inviter les intervenants sociaux et leurs encadrements à s’inscrire dans des pratiques leur permettant de respecter un cadre éthique adapté aux situations.
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