Covid-19 : un appel à témoignages d’étudiants des centres de formation au travail social

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l’UNAFORIS a eu cette bonne idée de créer une page Facebook qui vise à mettre en valeur l’engagement des étudiant(e)s en travail social en cette période de crise sanitaire inédite. Vous y découvrirez seulement 3 témoignages que des étudiants ont envoyés.  Aussi ce message s’adresse à eux. N’hésitez pas à témoigner de votre expérience sur cette page Facebook mise à votre disposition. Donnez à voir ce que vous faites, n’hésitez pas et en attendant de recevoir votre écrit d voici quelques extraits
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Valentine K. Étudiante en formation DEES – IRTS Hauts-de-France : « des bombes à retardement »

« J’ai 23 ans. Je suis en première année de formation d’éducateur spécialisé et depuis quelques jours, j’interviens en renfort dans une Maison d’enfant à caractère social. La crise sanitaire que nous traversons affecte l’ensemble de la population. Les médecins, les infirmiers et l’ensemble du personnel soignant sauvent des vies tous les jours. Les employés de supermarchés, les facteurs, les livreurs continuent à travailler, courageux face à la maladie. Mais qu’en est-il des travailleurs sociaux ? Il a fallu plusieurs jours pour que leurs enfants puissent être gardés, plusieurs semaines pour qu’on parle enfin d’eux, les oubliés. Parce que dans les structures médico-sociales, l’accompagnement ne cesse pas face à une pandémie. Parce qu’une personne en situation de handicap continue à avoir besoin d’accompagnement journalier pour les tâches les plus simples aux yeux de tous. Parce que les sans
domiciles fixes continuent à avoir faim, à avoir froid, à souffrir de leurs exclusions. Parce qu’une personne victime de violence, ne cesse pas d’être victime dès lors qu’un virus fait son apparition. Parce qu’un enfant confié à l’ASE… n’a pas la possibilité de rentrer en famille.

Imaginez-vous une vie jonchée d’incertitudes, d’angoisses, de craintes. Imaginez-vous une vie dans laquelle votre cadre familial est bancal voire inexistant. Imaginez-vous avoir 14,15,16 ans et porter votre famille sur vos épaules. Imaginez-vous enfant, devoir assumer tant de responsabilités de la vie d’adulte.

Imaginez-vous, ne serait-ce qu’une seconde, ayant un esprit d’enfant, voir tous vos repères disparaître. Imaginez-vous devoir vivre en collectivité tous les matins quand vous vous levez. Imaginez la détresse de ces enfants, abîmés par la vie à leurs si jeunes âges. Et maintenant, imaginez toutes ces petites âmes confinées. Dans un endroit souvent détesté, avec encore moins de liens familiaux qu’auparavant, moins de liens sociaux, moins de contacts avec leurs pairs.

Des bombes à retardement. Ce sont les premiers mots de l’éducatrice encore en poste que j’ai croisé un matin, à 7h, après 9h de poste de nuit. Les sentiments sont décuplés, la haine augmentée, le sentiment de vide inconsolable. Et quelle colère sur chacun de leurs visages… Privés de leurs familles les voilà dorénavant sans liberté aucune. (lire la suite en cliquant sur ce lien)

Témoignage de Natacha V. étudiante en formation moniteur éducateur “C’est quand que c’est fini le virus ?”

« Depuis déjà plusieurs mois, j’apprends ce métier dans un foyer accueillant des adultes souffrants de handicap mental, sur l’un des 8 groupes de cette structure. Groupe de 9 résidents, 9 personnalités, presque 9 pathologies différentes, mais 9 beaux sourires! Je me mets très souvent à leur place : vivre toute la journée avec des personnes que nous n’avons pas choisies, des pathologies certaines fois bien différentes, des caractères bien trempés qui se font face pour une partie de jeu pas terminée, une porte mal fermée, une serviette tombée de la table, une place dans le trafic ,“le Bus” comme beaucoup l’appellent… Leur quotidien est rythmé par des rituels : le petit-déjeuner, la douche, des activités, le repas du midi, le linge propre à récupérer, des activités, le goûter, le repas du soir, puis le coucher.

Entre ces temps-là, je discute ; je vais faire des courses pour eux, avec eux ; je réconforte par un câlin ou simplement par de l’attention ; je reprends les attitudes de l’un et puis de l’autre ; je rigole de celui qui fait le clown ; je veille à ce que tous puissent avoir du temps, de l’espace à eux s’ils le désirent ; je fais la vaisselle ; je note sur le cahier certaines infos pour mes collègues, et d’autres encore sur l’ordinateur ; j’appelle l’infirmière car un mal de ventre ou de pied ne passe pas avec la poche chaude et commence à énerver ; je chante quand un résident nous mets un CD de Céline Dion, je danse même avec l’un d’eux ; j’aide à mettre le DVD dans le lecteur avant que l’on appuie sur tous les boutons, et que “pfffffff ça marche pas!!!” ;

J’explique de nouveau les plannings individuels à ceux, qui comme chaque jour, ne s’en souviennent pas ; je fais des coloriages, j’imprime beaucoup de coloriages: Pâques, Noël, Carnaval, Halloween, mandalas, chevaux et tous leurs amis…puis je scotche les dessins qui nous colorent et animent le groupe par la suite ; je fais une partie d’UNO ou de Triominos, où c’est vrai, je ne gagne pas toujours ; je sors le pyjama de l’un et range le linge d’un autre ;

J’apprends, et j’apprends à me tromper ; je ne dis pas toujours ce qu’il faudrait, sur le ton voulu… mais malgré le fait qu’il y ait pleins de courriers dans notre bureau, pleins de protocoles, de notes d’information.., je n’ai jamais vu aucune notice pour “comment gérer le quotidien et les résidents, les doigts dans le nez” et puis entre nous, heureusement ; j’essaye d’apaiser un conflit ; je félicite un résident qui n’a pas beaucoup fumé aujourd’hui et insiste pour savoir si lui est fier de lui ; je réponds au téléphone, je prends un peu de temps pour parler avec une maman, une sœur d’un résident ; je mets dans mon sac un dessin que l’on m’offre ; je négocie pour que l’on vienne à table, dehors sous la pluie ; je dis que si l’on ne parle pas je ne comprends pas, un beau sourire ne fera pas tout ; je doute aussi, car oui je ne suis pas “titulaire” sur le groupe, et donc je ne connais pas toutes les règles, le décryptage des mimiques de ceux qui ne parlent pas, ou qui restent seuls dans leur chambre et les petites choses qui font que cela fonctionne ; j’informe, à la demande, sur qui travaille demain ; je reçois des bisous, des câlins ; je réponds à un résident qui me demande si “mon école” s’est bien passée ; je répare aussi des montres ; je monte et descend les escaliers une dizaines de fois par jour ; j’envoie des bisous avec mes mains quand je finis ma journée ; je fais des grimaces quelques fois, pour répondre à une langue tendue ;

Je fais des efforts d’articulations pour répondre à des “quoi, j’ai rien compris” d’une résidente qui lit très souvent sur nos lèvres, car ses oreilles lui font défaut ; je vois beaucoup d’index en l’air en guise de majeur levé ; j’entends des “m’en fout”, “non”, “gros cul”, “pourquoi”, “Ah”, “je vais aller voir la directrice”, “je t’aime”, “merci mon chou”, “merci maman”, “tu m’énerves”, “viens voir”, “c’est pas un bébé quand même”, “elles sont où tes nunettes ?”, “comment il va ton chat ?”…

Le quotidien d’un résident est déjà bien égayé par les joies et les peines, cris et colères, rires et sourires… La vie en collectivité, la vie en eux aussi. Et à cela, nous rajoutons actuellement, le Virus, c’est comme cela qu’il est appelé ici chez moi. Il me semble que pour une grande partie des résidents, ils ont compris que ce virus était dangereux. Ils nous le répètent d’ailleurs très souvent lorsque nous changeons d’unité; “Je ne peux pas venir avec toi, car il y a le virus” me dit souvent une résidente, me montrant les poignées de portes, d’autres résidents se sont vu confier un “poste de nettoyage” des parties communes pour qu’ils puissent se sentir utiles même dans un moment comme celui-ci. Skype est devenu incontournable au sein du foyer, rassurant parents et enfants. Et la même question posée par beaucoup, plusieurs fois par jour: “C’est quand que c’est fini le virus?”. (lire la suite de ce témoignage)

Zoé B.R., Étudiante en formation  » Éducateur spécialisé  » à l’IRTESS de Dijon

Zoé a choisi de poster une vidéo de son témoignage. La voici ici (merci Zoé !)

Alors pour poster votre témoignage et faire part de votre expérience, ami(e)s étudiant(e)s n’hésitez pas, cliquez sur ce lien et à vos clavier ou à vos vidéos…

 

Photo : Zoé étudiante à l’IRTS de Dijon (capture d’écran vidéo Youtube)

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