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Béatrice nous a quitté..

Béatrice est partie. Comment vous dire l’immense peine que provoque sa disparition. Béatrice, une grande dame du travail social. Certes, elle n’a pas écrit de livre, pas donné de conférences, mais elle était un puits de science sur les questions du travail social…  Travailleuse acharnée, droite et intraitable sur les questions d’éthique et de déontologie. Une collègue hors pair. J’aimerais tant qu’elle soit encore parmi nous pour nous faire part de ses colères, ses espoirs et aussi ses plaisirs…Je ne devrais pas sans doute parler d’elle sur ce blog, nombreux d’entre vous ne la connaissent pas et pourtant, elle représente tout ce que j’admire comme professionnelle, rigoureuse, défenseure du droit des personnes, soucieuse du bien et de la bonne gestion de l’argent public.

Béatrice nous a quitté. Nous avions travaillé  ensemble pendant plusieurs années, assistante sociale, elle était devenue encadrante, et me conseillait habilement lorsque j’étais un peu perdu, lorsque comme elle, je faisais mes premiers pas dans ce poste souvent ingrat où toutes les tâches nous tombent dessus dans un désordre apparent. Les conseils aux collègues, le non jugement face à celles qui craquent, le partenariat avec les CCAS, les associations et le suivi des subventions, les « commandes institutionnelles », les ressources humaines, les réponses aux demandes de la police et gendarmerie… Comment vous dire, Béatrice était au dessus de tout cela, elle savait expliquer patiemment avec une grande pédagogie comment donner sens à toutes les questions que nous nous posions.

« On faisait la paire », nous étions complices, elle à Saint Nazaire, moi en Pays de Retz. Nous avions de grandes discussions sur l’avenir du travail social, l’instrumentalisation des professionnelles, les dispositifs qu’il fallait bien gérer le plus habilement possible pour qu’ils ne mettent pas à mal  les collègues de secteur.  Je souhaitais qu’elle puisse apporter ses compétences au sein du Conseil Supérieur de Travail Social, mais elle ne voulait pas. Sa place, c’était sur le terrain, à se confronter en permanence avec le réel. Je repense à toutes ces discussions passionnées en voiture lorsque nous faisions du covoiturage pour aller en réunion à Nantes.

Puis Béatrice et partie sur un autre poste. Conseillère technique, nous avions « monté » ensemble et à plusieurs le dispositif les mesures d’accompagnement social personnalisé avec une seule priorité, redonner le pouvoir d’agir aux personnes qui en faisaient la demande. 10 ans après, ce dispositif est utilisé toujours dans cette même philosophie avec une strict respect des textes et une approche très respectueuse des personnes.

Béatrice avait la bougeotte. Très intelligente, elle avait vite fait le tour de son poste et avait envie d’aller plus avant. Elle est partie au service personnes âgées et handicapées. J’avais de ses nouvelles, de loin. Elle était très prise et de moins en moins disponible. Elle s’investissait à fond et maîtrisait sur le bout des ongles toute la législation, ce qui entre nous n’est pas une mince affaire.

Son dernier poste aura raison d’elle. Après quelques mois très durs pour elle, je crois que la maladie la grignotait de l’intérieur mais qu’elle ne le savait pas. « Je suis crevée, je n’en peux plus » m’expliquait hier une collègue qui l’avait vue juste avant le début de son arrêt de travail. Elles s’étaient croisées dans l’ascenseur. « Je suis crevée, je n’en peux plus » lui avait-elle dit une nouvelle fois. Tout était dit dans cette phrase.

Puis Béatrice n’est plus venue au travail. Tout le monde savait qu’elle se battait contre cette féroce maladie qui vous tombe dessus on ne sait pas comment ni pourquoi. C’est vrai, Béatrice ne s’écoutait pas suffisamment, et nous n’avons pas su lui dire de prendre soin d’elle tellement elle se donnait.

Elle a tellement donné et nous la laissions faire. Comment vous dire, Nos échanges se sont terminés avec l’envoi de SMS. Celles qui la connaissaient mieux ne parvenaient plus à la joindre par téléphone. Nous savions qu’elle se battait. Nous la savions forte avec une volonté et une capacité de résistance hors du commun. Nous avons tous voulu croire qu’elle allait gagner dans ce combat .

Son cœur a lâché dimanche alors qu’elle était toujours en soin. la nouvelle nous est parvenu en fin de réunion lundi. Nous avons été littéralement assommés. La vie est injuste. L’émotion nous a envahi. Puis les larmes, puis cette tristesse insondable et le besoin de parler d’elle, de tout ce qu’elle nous a apporté.

Béatrice nous a quitté. Une grande dame du service social est partie sur la pointe des pieds. Il lui sera rendu un dernier hommage aujourd’hui à Lorient. Nous pensons fort à sa famille, à son compagnon. Leur peine est la nôtre. Et même si le quotidien reprend le dessus, ce ne sera plus vraiment tout à fait comme avant.

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Une réponse

  1. Bonjour,
    On rencontre tous dans notre vie de belles personnes qui sont modestes,brillantes par leur éthique et leur soif de transmettre et qui sont à la fois visionnaires,lumineuses et dans l’ombre.
    Ces gens droits, énergiques et emprunts d’espérances sont souvent méconnus ,car leur humilité ne les pousse pas à crever l’écran.
    Merci d’avoir rendu ce bel hommage à une des plus dignes représentantes de celles et ceux qui nous rendent fiers de nos métiers et de ceux qui les font.
    Jean luc BOERO

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