À Amiens, un coffre-fort numérique est mis en place pour les justificatifs des plus fragiles. C’est une initiative du CCAS de cette ville qui constate depuis de nombreux mois un afflux d’usagers totalement perdus dès qu’il s’agit de réaliser une formalité sur internet. « Avec l’objectif du gouvernement de dématérialiser 100% des formalités administratives d’ici à 2022, cela va s’accentuer. D’autant plus qu’une part importante du public du CCAS souffre d’illettrisme, auquel vient désormais s’ajouter l’illectronisme » souligne Astrid Ginga, cheffe de service cohésion sociale au CCAS d’Amiens interrogée par Olivier Devillers. La volonté d’aider la personne face aux outils numérique est à saluer, mais est ce la bonne solution ?
Ce coffre-fort n’est pas une nouveauté. En 2016, la Direction générale de la cohésion sociale (DGCS) et l’Union nationale des CCAS avaient lancé une expérimentation dont les résultats avaient été considérés comme encourageants. Pour autant ils posaient question. En effet, ces coffres-forts sont utiles pour disposer facilement des données administratives des personnes en difficulté, mais finalement, ce ne sont pas elles qui les gèrent, mais les travailleurs sociaux qui y ont accès.
Il y a là une délégation donnée par la personne qui ne maitrise pas le numérique. Le bilan de l’expérimentation indiquait que “les usages du coffre-fort numérique demeurent assez restreints parmi les publics des CCAS en ayant ouvert ». Il était aussi précisé que « Les agents, eux, se sont davantage approprié l’outil, mais l’utilisent rarement, leur usage se faisant en parallèle de celui des personnes qu’ils accompagnent”.
Bref tout le monde ou presque plébiscite son utilisation, mais son usage est resté retreint et limité. Il y a lieu de continuer de réfléchir pour que la personne qui confie ses données dans un coffre-fort numérique puisse rester actrice de sa gestion, des accès et ne s’en désintéresse pas rapidement. En effet nombre d’entre elles peuvent être tentées de laisser le travailleur social les utiliser sans finalement se sentir elles-mêmes concernées.
Ce serait alors une plus grande dépendance de leur part vis-à-vis des services susceptibles de les aider. Finalement cela irait à l’encontre même des objectifs vis de toute intervention sociale : la recherche de l’autonomie du sujet en capacité d’agir sans les services sociaux…
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