Un livre ancien intitulé « la charité en France à travers les siècles » nous en apprend un peu sur l’origine des établissements de protection de l’enfance en France. Il a été édité en 1892 et écrit par Mme De Witt. Alors bien sûr, dans ce livre, il est souvent question de charité chrétienne. On y parle beaucoup de la société Saint-Vincent-de-Paul, de la société des enfants trouvés, et des filles de la charité. Mais nous avons là, dans un style d’écriture un peu précieux, avec les normes et valeurs du 19e siècle, un éclairage intéressant sur ce qu’a pu être la protection en France à ses origines.
Le chapitre 8 de ce livre s’intitule « les institutions enfantines ». On y traite des sociétés de protection de l’enfance. On y apprend que la société d’allaitement maternel, et celle de la protection de l’enfance ont à peu près le même but. « les mères qui nourrissent elles-mêmes leurs enfants sont soutenues, protégées, aidées par le cœur et les ressources de toutes les femmes intéressées à la santé et au bien-être des pauvres petits êtres que menace la misère dès leur entrée de vie. C’est dans le but de faciliter ce devoir au mères indigentes retenues par un travail indispensable qu’ont été fondées les crèches ». Nous percevons ici, au-delà le jugement exprimé, que ce sont les femmes les plus pauvres, celles qui sont obligés de travailler qui sont secourues en priorité. Mais il n’y a pas qu’elles. « l’oeuvre des mères de famille soulage des femmes mariées qui ne se trouve pas dans les conditions exigées par les sociétés maternelles, ou qui ne peuvent pas faire connaître leur misère par les formes un peu administratives en usage dans cette institution ».
Nous sommes en 1836, il déjà il est question de la place que prend l’administration. « l’Etat vient en aide aux mères trop pauvres pour mettre leurs enfants en nourrice et hors d’état d’allaiter elles mêmes ». « les pauvres petits sont placés en province par les soins du bureau de bienfaisance et l’assistance publique et surveillés par des inspections régulières ». » ce système a remplacé avantageusement celui des nourrices municipales, de véritables entreprises d’élevages pour les enfants indigents, emporté dans des boîtes ou des paniers comme de jeunes animaux il est placés à vil prix dans les campagnes ».
Nous voyons ici les prémices d’un système organisé par l’Etat, en vue d’empêcher de nouvelles maltraitances, celle des familles, achetant littéralement des enfants pour plus tard les faire travailler.
Savez-vous ainsi que la première crèche existante en France a été créée en 1844 par Jean-Baptiste-Firmin Marbeau ? « Sans distinction d’origine ou de religion, les crèches reçoivent les enfants pendant toute la journée de travail des mères, qui peuvent venir deux fois allaiter leur nourrisson. Recueillis à l’âge de 15 jours, ils peuvent être confiés à la crèche jusqu’à l’âge de trois ans moyennant une légère rétribution. Les mères doivent également fournir chaque jour le linge nécessaire à leurs enfants ».
Les crèches se sont multipliés dans la France entière avec une rapidité qui indiquait leur sérieux besoin auquel elles répondaient : bien peu de villes en sont maintenant dépourvues ». « Chaque crèche est une institution indépendante …/… Mais aussi elle ne peut être ouverte sans que l’autorité départementale ait jugé que les conditions de salubrité et de propreté ont été assurées aux petits-enfants reçus dans l’établissement. » On peut aussi constater dans cet ouvrage que la prévention qui ne porte pas son nom, est à déjà l’oeuvre. Le service s’adresse à toutes les femmes qui en ont besoin.
Mais vous ne trouverez rien sur les pères et la place des hommes. Ils sont totalement absents sauf pour diriger ou créer ces établissements et encore faut ils qu’ils soient considérés comme philanthropes et issus de la bonne société…
Photo : « Le bonheur des parents » par Jean-Eugène Bulland, 1903, huile sur toile, Neumeister Kunstauktionen, 97,5 x 129 cm. Source Wikimedia Foundation.
2 Responses