Le monde du travail social et de la recherche en sciences sociales vient de perdre l’une de ses figures actuelles les plus importantes. Michel Chauvière, directeur de recherche émérite au CNRS, membre du Centre d’études et de recherches de sciences administratives et politiques de l’université Paris 2, s’est éteint à l’âge de 79 ans. Né le 29 octobre 1946 dans le bocage mayennais près de Laval, le sociologue que de nombreux travailleurs sociaux ont pu lire, a consacré sa vie à comprendre, analyser et défendre le travail social professionnel contre les logiques gestionnaires et néolibérales qui n’ont cessé de le fragiliser depuis les années 1980.
Jusqu’à ses derniers instants, Michel Chauvière est resté un intellectuel engagé. En mai dernier encore, il intervenait lors d‘une conférence à l’AFERTES Mandela sur le thème « Où va le travail social ? Origines, paradoxes, hypothèses ». En juillet 2024, il publiait son dernier ouvrage, « Sols et sous-sols d’un boomer », une autobiographie dans laquelle il écrivait avec lucidité et autodérision : « Mon corps de boomer fout le camp par tous les bouts, sans que j’y puisse grand-chose. Cependant, ma tête reste en état de fonctionner ». Pessimiste sur les résultats maigres de décennies de mobilisations militantes, il demeurait néanmoins « toujours prêt à se mobiliser pour la justice sociale, la démocratie et les services publics ».
La cérémonie d’hommage à Michel Chauvière se tiendra le mercredi 7 janvier prochain à 10h30 au cimetière du Père Lachaise à Paris.
Un parcours marqué par l’engagement et la rupture
Le parcours de Michel Chauvière est indissociable de son ancrage dans une culture catholique progressiste. Formé à la Jeunesse étudiante chrétienne, passé par les études de psychologie puis de sociologie, il a vécu de l’intérieur l’effervescence de mai-juin 1968 à l’université de Vincennes. C’est en tant que formateur en école d’éducateurs spécialisés qu’il débute sa carrière de sociologue au début des années 1970. Cette expérience se solde toutefois par son licenciement au milieu de la décennie, au terme d’une crise dont il relate la chronique, avec deux collègues également remerciées, Anne-Marie Beyssaguet et Annick Ohayon dans un ouvrage collectif au titre révélateur : « Les Socio-Clercs : bienfaisance ou travail social« , publié chez François Maspero en 1976.
Cette rupture professionnelle marque un tournant. Michel Chauvière devient chercheur indépendant à partir de 1975, puis chargé de recherche au CNRS en 1980. Cette position lui permettra de développer une réflexion scientifique en cohérence avec ses propos. Il a toujours eu la volonté de croiser rigueur académique et proximité avec les acteurs de terrain. Entre 1982 et 1986, il est chargé de mission à la MIRE, la Mission interministérielle recherche-expérimentation du ministère des Affaires sociales, puis directeur du Centre de recherche interdisciplinaire de Vaucresson en 1989. C’est au CERSA qu’il poursuivra l’essentiel de sa carrière.
Parallèlement à son activité de chercheur, Michel Chauvière n’a jamais cessé de s’engager dans des organisations militantes. Cofondateur en 1982 du Groupement pour la recherche sur les mouvements familiaux, il a développé une méthodologie originale de « recherche interactive et contractuelle », associant chercheurs et anciens militants pour produire une connaissance partagée de l’histoire des mouvements sociaux. Président de l’association « 7,8,9 vers les États généraux du social » dans les années 2000, il participe activement aux mobilisations des travailleurs sociaux. Il a aussi fondé CQFD en 1998. Puis il a lancé avec d’autre l’appel pour des États généraux du travail social entre 2002 et 2004, puis l’Appel des appels à partir de 2008. Bref il était un chercheur engagé.
L’héritage de Vichy : une thèse qui fait date
Il faut signaler un ouvrage qui symbolise l’engagement intellectuel de Michel Chauvière. Il s’intitule « Enfance inadaptée : l’héritage de Vichy », publié en 1980 aux Éditions ouvrières et réédité en 2009 chez L’Harmattan. Dans cette recherche pionnière, le sociologue met à jour les continuités entre la période du régime de Vichy et l’après-guerre en matière de politique de l’enfance inadaptée. Loin de se contenter d’une analyse historique factuelle, il démontre comment « le paternalisme nauséeux » de Vichy, le corporatisme remis à l’honneur et la technicisation des problèmes sociaux ont profondément marqué la création des institutions spécialisées. Il faut dire qu’à l’époque ce qu’il écrivait était assez « dérangeant ». Sa thèse heurtera sur ce qui se disait sur Vichy et sur la Libération.
L’idée forte de l’ouvrage consiste à montrer le rôle de l’État en tant qu’organisateur premier du travail social. Sa place se situait dans une logique d’étatisation jamais absolue mais plutôt stratégique. C’est pour lui une forme de « délégation de pouvoir » à des couches moyennes de la société pour la gestion locale des rapports sociaux. Le tout étant organisé par la bourgeoisie elle-même. Cette organisation ayant pour conséquence de réduire la question sociale en la coupant de ses racines économiques et politiques. Le complément publié en 2009, « L’efficace des années quarante », permettra à Michel Chauvière de répondre aux vives controverses suscitées par sa thèse et d’élargir son propos jusqu’à notre période contemporaine.
En effet, cette analyse n’a sans doute pas perdu sa pertinence. Elle nous éclaire sur la manière dont le secteur de l’enfance inadaptée s’est structuré dans une tension permanente entre l’assistance publique et la justice, entre éducation et contrôle, entre approche sanitaire – sociale et approche judiciaire.
Le travail social dans l’action publique : une qualification toujours controversée
En 2004, Michel Chauvière publie chez Dunod « Le travail social dans l’action publique. Sociologie d’une qualification controversée ». Ce livre dense se présente comme le bilan de trente années de recherches, de réflexions et d’interventions sur le travail social. L’auteur y développe une analyse du travail social professionnel, de ses forces et de ses faiblesses.
Pour lui, le travail social salarié moderne est organiquement lié au développement de l’État social. Il se réalise dans un secteur public ou dans des associations mandatées et financées sur fonds publics, légitimé par des diplômes d’État. Les professionnels du travail social s’occupent de jeunes délinquants, de protection de l’enfance, de soutien aux familles, d’accueil des migrants, de personnes handicapées, de personnes âgées dépendantes, de victimes d’addictions, mais aussi de programmes de prévention et de développement collectif. Leur activité constitue un progrès considérable dans la mise en œuvre concrète de la solidarité nationale en direction des plus vulnérables, à côté des grands systèmes institués que sont l’école, la justice, la santé et la sécurité sociale.
L’auteur forge alors un concept qu’il appelle son « carré des intelligences » dédiées au social. Ce modèle permet d’objectiver et d’agencer les quatre piliers constitutifs du travail social professionnel : les droits, les institutions, les savoirs et la clinique. Dans un État de droit, l’existence de droits créances opposables à la société conditionne la possibilité d’un travail social légitime. Mais ces droits n’ont aucune effectivité s’ils ne sont pas relayés par des institutions vivantes, si un important effort de connaissances partagées n’est pas mobilisé, et si la posture clinique – attentive au sujet dans sa singularité, en situation et selon les circonstances – n’est pas préservée.
Pour autant son travail est controversé. François Dubet voit dans le livre de Michel Chauvière une somme savante et indispensable, qui restitue avec finesse l’histoire et les grandes topiques du travail social. Il juge cependant que la thèse d’un tournant néolibéral totalisant est trop englobante, voire un peu réductrice car elle tend à interpréter des évolutions diverses (tiers secteur, management, décentralisation, droits des usagers) comme les manifestations d’un même projet, au risque de lisser l’histoire du travail social. C’est pour lui une faiblesse de cette analyse.
Trop de gestion tue le social : la dénonciation de la chalandisation
En tout cas Michel Chauvière ne lâche pas le morceau. En 2007, il publie aux éditions La Découverte un essai qui fera date : « Trop de gestion tue le social. Essai sur une discrète chalandisation« , réédité et complété en 2010. Le titre, provocateur et précis, résume à lui seul la thèse centrale : le secteur social est progressivement envahi par une rationalité technico-gestionnaire qui le transforme en marchandise sur un marché concurrentiel. Ce processus, que l’auteur nomme « chalandisation » – néologisme forgé à partir du terme « chaland » désignant le client –, marque l’introduction insidieuse mais systématique de logiques marchandes dans un domaine qui devrait relever du service public et de la solidarité nationale.
L’ouvrage dénonce plusieurs portes d’entrée de cette nouvelle logique. D’abord, le développement des services aux personnes, notamment âgées ou handicapées, où « des acteurs lucratifs arrivent avec armes et bagages », là où existait une certaine complicité entre l’État et les associations pour se partager les rôles. On a vu qu’il avait raison avant bien d’autres sur ce sujet.
Ensuite, la décentralisation des politiques sociales, telle qu’elle s’est déployée à partir de 1982-1986, puis en 2003 qui a érigé les départements en « chefs de file de l’action sociale. Cette transformation est analysée comme une privatisation gestionnaire de l’État, les départements se transformant en entreprises donneuses d’ordre face à des employeurs devenus des opérateurs soumis aux appels d’offres et à la loi de la concurrence.
Sa critique porte également sur la Loi organique relative aux lois de finances de 2000, qui impose une logique de résultats, de contractualisation et de mise en concurrence systématique. Michel Chauvière montre comment cette machinerie gestionnaire contraint les opérateurs et les directeurs à des budgets prévisionnels et des analyses de résultats excessivement normalisés, détaillés et chronophages. Le tout au détriment de l’action concrète. Parallèlement, l’auteur dénonce l’abus de recommandations de bonnes pratiques produites par l’ANESM, l’Agence nationale pour l’évaluation et la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux. Elles ont des effets dogmatiques sur les savoirs et normatifs sur la vie quotidienne dans les institutions.
Dans un article publié en 2015 dans la Revue Projet, Michel Chauvière dresse un constat sans appel : « Les gestionnaires ont pris le pouvoir sur le secteur social, désormais considéré comme une activité économique ordinaire, nécessairement ouverte au marché ». Cette mutation hyper-gestionnaire, au service de l’économie néolibérale, gagne aussi les fondements anthropologiques du vivre ensemble. On observe une plus grande instrumentalisation des droits sociaux, une moindre attention à leur effectivité. C’est une attaque contre les institutions considérées comme « totalitaires » et contraires aux libertés individuelles, un recul du désir de savoir et de la recherche critique au profit de la consommation de résultats et de la communication.
L’intelligence sociale en danger : chemins de résistance et propositions
En 2011, Michel Chauvière publie « L’intelligence sociale en danger. Chemins de résistance et propositions » aux éditions La Découverte. Cet ouvrage cherche à formaliser ce qu’il appelle son « carré des intelligences » engagées dans le travail du social : l’intelligence du droit, l’intelligence institutionnelle, l’intelligence des savoirs et l’intelligence clinique. Ces quatre dimensions sont indispensables pour tous les professionnels. Leur affaiblissement simultané met en péril la capacité collective de la société à répondre aux défis posés par le système politique et social.
Son analyse porte alors sur la mise en crise du « social réalisé », c’est-à-dire le social en actes, professionnalisé, tel qu’il s’est développé depuis l’après-guerre. Michel Chauvière montre comment, depuis une quarantaine d’années, s’implante lentement mais continûment une nouvelle philosophie de l’État social. Là où il était anciennement vecteur et garant d’un égal accès des citoyens aux droits universels, l’État dit social d’aujourd’hui s’applique de plus en plus à cibler et techniciser les opérations, en économisant les moyens matériels et humains. Il dénonce notamment une « réingénierie » du travail social pensée comme s’il s’agissait d’un investissement et non d’une redistribution solidaire couplée à une exigence morale.
L’auteur dénonce particulièrement la fausse découverte de l’usager au tournant des années 1990-2000. Elle masque selon lui un profond changement de modèle économico-politique. Derrière des discours « pompeux » sur la participation citoyenne, la citoyenneté républicaine recule et avec elle tous ses attributs dit-il : l’intérêt général, l’esprit de service public, l’obligation de solidarité. Le citoyen est désormais vu comme un consommateur de services, idéalement produits et améliorés par la concurrence. Il est traité comme un usager devenu client, auquel des droits subjectifs sont octroyés en contrepartie de son acceptation du tournant commercial de tout le secteur social. Ce qu’introduit le soi-disant droit des usagers, c’est un second grand renversement de légitimité pour les professionnels : l’usager saurait ce qui est bon pour lui, mieux que le professionnel.
Penser l’État social protecteur
Le travail de Michel Chauvière ne peut se comprendre sans évoquer Robert Castel, le grand sociologue des métamorphoses de la question sociale disparu en 2013. Monique Trapon co-auteure avec Michel Chauvière et Dominique Depenne d’un ouvrage intitulé « Dialogue sur le génie du Travail Social » avait rédigé dans le numéro 1251 de Lien Social un article intitulé « La contrepartie, le retour : les mots ont un sens ». Il y a là une filiation intellectuelle qui apparaît clairement. Les deux sociologues partagent une même analyse de l’assistance non pas comme un acte charitable de bienveillance mais comme un principe d’action inscrit dans la responsabilité de l’État social.
Dans l’État social, l’intégration de l’individu au collectif est une préoccupation centrale qui suppose de se demander : quelles sont les responsabilités de l’État comme garant de la cohésion sociale ? Michel Chauvière prolonge cette réflexion en insistant sur la dynamique commune entre État social et travail social. Dans la mise en œuvre de l’assistance, le mandat dévolu au travail social constitue l’exercice d’un devoir au nom du pouvoir d’un État régulateur et protecteur. Ce qu’il est de poins en moins.
Un sociologue au service des professionnels du terrain
Michel Chauvière a constamment cherché à valoriser l’expertise des travailleurs sociaux. Il a défendu leur autonomie professionnelle aussi bien dans ses engagements que dans ses écrits. Dans un texte présenté en octobre 2022 lors de l’assemblée générale du CNAHES, il propose une « esquisse d’une histoire politique d’un demi-siècle de travail social ». Son hypothèse centrale est qu’il faut comprendre le processus engagé très tôt, mais lent à se manifester. Il nous parle de la délégitimation et du désarmement progressifs des professionnels de métier, en même temps que la liquidation de la politique d’action sociale globale des années 1970 qui les légitimait.
Pour Michel Chauvière, les années 1970 constituent le dernier et seul petit âge d’or du travail social en France. Ces années se caractérisent par un alignement favorable des planètes : une doctrine publique de la solidarité en actes avec beaucoup d’engagement social chez les intervenants militants autant que chez les salariés. A l’époque les moyens étaient en progression significative avec des recrutements dans les différents métiers et des formations adaptées. Le point d’orgue est l’apparition en France d’un secrétariat d’État à l’action sociale avec René Lenoir. Nicole Questiaux, ministre d’État de la solidarité nationale en 1981-1982, est peut-être la dernière du genre. Son « adresse aux travailleurs sociaux » de 1982 rappelle la part et la place qui reviennent aux professionnels. Après elle, Michel Chauvière expliquera que l’on ne parlera plus jamais de ce sujet avant 2015, soit trente-trois ans de tunnel.
Le sociologue a analysé avec précision les mécanismes de cette déprofessionnalisation. Sous prétexte de complexité des problèmes sociaux et de tassement des ressources, la segmentation des métiers s’est accrue pendant que les niveaux de qualification exigibles s’effondraient : emplois précaires sous-qualifiés, multiplication de cadres d’emploi moins qualifiés et plus flexibles dans les domaines de l’insertion et de la médiation. Au plan vertical, on observe une plus forte différenciation entre conception et exécution, avec d’un côté la progression des fonctions de management et d’ingénierie, de l’autre la multiplication de bas niveaux de qualification voués à des tâches d’exécution sous contrôle hiérarchique renforcé.
Défendre le génie du travail social
L’héritage intellectuel de Michel Chauvière est sans aucun doute plus important que ne le pensent ses détracteurs. Moi-même à une époque j’estimais qu’il avait un peu trop tendance à « ressasser » les mêmes concepts. J’avais sans doute tort. Ses analyses se sont affinées au fil du temps et on mesure avec ses écrits une constance remarquable. Au-delà de ses nombreux ouvrages, il laisse deviner et comprendre une méthode, une posture et une éthique. Sa capacité à croiser l’analyse historique, sociologique et politique pour penser le travail social dans toutes ses dimensions en a fait un chercheur incontournable.
Jusqu’au bout, Michel Chauvière aura défendu ce qu’il appelait le « génie propre du travail social spécialisé et salarié », cette capacité unique de rencontre de deux subjectivités par la parole, cette intelligence clinique qui oblige à être attentif au sujet dans sa singularité. Face à la perte de sens, face à l’instrumentalisation des métiers, face à la réification des actes et au contrôle du travail, il aura été une voix qui porte, qui analyse, qui met en lumière les processus de domination tout en proposant des chemins de résistance.
Comme il l’écrivait dans un article publié en 2015, certains professionnels se sont mobilisés. Ils étaient accusés de corporatisme ou de nostalgie, alors que ces résistants (selon ses mots) soutenaient au contraire la nécessité de l’innovation, de la créativité, le respect du pouvoir d’agir des personnes accompagnées. Ils exigeaient la reconnaissance pour tous les travailleurs sociaux d’un devoir et d’un droit d’interpellation du politique. Michel Chauvière aura été l’un des leurs, non pas comme professionnel de terrain mais comme intellectuel engagé à leurs côtés. « À mon avis » écrivait-il, « le manque d’attractivité du travail social aujourd’hui n’est qu’un symptôme, voire un syndrome, et c’est là un syndrome inquiétant, je dirais même pathétique. Car c’est toute la situation actuelle, prise dans sa globalité, qui s’est dégradée ». Et dire qu’il écrivait cela en 2015 ! On peut comprendre alors pourquoi aujourd’hui il n’avait pas toujours le sentiment d’avoir été compris.
Sa disparition laisse un vide dans le champ de la recherche en travail social et dans celui de l’action sociale. Mais n’oublions pas que son travail comme celui de Robert Castel ont fait des émules qui travaillent sur des thèmes voisins (marchandisation du social, transformations des métiers du travail social…). Pour autant son œuvre reste inscrite dans une cohérence remarquable. Elle est toujours actuelle et fait partie d’un patrimoine intellectuel indispensable pour quiconque veut comprendre ce qui s’est joué et se joue encore dans les transformations du travail social.
Ses travaux offrent surtout des outils d’analyse et de résistance face à la marchandisation, à la chalandisation et à la déprofessionnalisation. À l’heure où les idéaux de solidarité nationale, d’émancipation et d’éducation sont plus que jamais menacés par l’entrée du social dans le monde des affaires, et du marketing, Michel Chauvière nous rappelle que le travail social constitue l’un des bras séculiers irremplaçables de l’État social protecteur et redistributif, hors lois du marché.
Que ses proches, ses collègues chercheurs, et tous les professionnels du travail social qui ont trouvé dans ses écrits des mots pour penser leur pratique, trouvent dans cet hommage l’expression de notre reconnaissance collective pour une vie consacrée à l’intelligence sociale.
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Voici quelques unes des multiples réactions à sa disparition :
La famille de Michel Chauvière qui a pris connaissance des messages suivants en a été très touchée.



Dominique Depenne « Le travail social est triste ce soir. L’un de ses grands noms, l’une de ses plus importantes figures nous a quittés, Michel Chauviere. Nous projetions ensemble et avec Martine Trapon, l’écriture d’un troisième ouvrage à trois pour les mois à venir. La tristesse est là, sans commune mesure, mais je garde pour moi, en moi, sa voix, et la voie que son œuvre n’a cessé d’ouvrir à tout travailleur social qui se respecte et qui n’a pas sombré dans ce technicisme néolibéral contre lequel nous affutions ensemble nos flèches de pensée et d’action. A Corinne, sa femme, ses enfants et petits enfants, ses soleils, tout mon soutien et ma tendresse. À Michel, ma fidèle et éternelle amitié ».
Patrick Rouyer « Il était secrétaire du Conseil d’Administration de l’école Saint Honoré et participait activement à nos travaux ! Nous perdons un compagnon de route et bien plus un ami ! Son engagement militant, sa perspicacité pour nous alerter sur les dangers de la technostructure et la marchandisation du social et son humanisme doivent, pour nous, faire école ! »
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Patrick Macquaire « Un prof exceptionnel auquel je dois avec quantité d’étudiants, d’avoir découvert Saul Alinsky à Paris VIII, Un formidable passeur. Il faut lire son dernier livre, une biographie urgente et pressée publiée chez l’Harmattan ».
Il n’a pas préfacé mon livre — Que reste-t-il du travail social ? l’a été par Philippe Gaberan — mais il m’a accompagnée en amont et en aval, en lecteur attentif et en penseur engagé. J’ai pu échanger avec lui sur mes analyses, sur mes hypothèses, et sur la suite de mes recherches autour de la marchandisation du travail social, notamment dans le cadre de mon Master PPEPS. Nous avions envisagé, ensuite, de promouvoir le livre par des discussions, des échanges enregistrés, des dialogues publics autour de ces enjeux. Ces projets n’auront pas lieu. Et c’est une perte réelle — humaine et intellectuelle. Reste son œuvre. Reste une pensée exigeante, courageuse, profondément politique, qui a su nommer les glissements à l’œuvre sans jamais renoncer à la complexité. Reste aussi une responsabilité pour celles et ceux qui travaillent, écrivent et forment dans ce secteur : continuer à penser, à interroger, à résister. Avec gratitude. Et avec une profonde tristesse.
Patrick Lapostolle « J’apprends avec tristesse et sidération la mort de Michel avec qui, notre mouvement, le MAIS, a beaucoup travaillé. Il a été un partenaire d’une grande gentillesse ; il savait tellement bien faire cohabiter engagement, pertinence et simplicité ! Je suis triste….et au nom du MAIS, je présente nos plus sincères condoléances à l’ensemble de ses proches.
Noëlle Doublet-Breux.« Grande tristesse pour un grand monsieur du travail social qui met tant de sens dans notre pratique…une lumiére s’est éteinte… »
Yves Matho « Témoin et acteur de toute une génération du travail social, Michel fait partie de notre histoire professionnelle. Les échanges que nous avons pu réaliser ont ponctué et largement influencé la réflexion de tous. Merci Michel de ne pas avoir baissé les bras devant les assauts des nouveaux dictats des savoirs-faire normatifs qui deviennent la règle ».
Philippe Ratinaud« Tristesse à la lecture de cette nouvelle. Maintes rencontres, maints échanges et outre le plaisir de se retrouver l’espoir en ligne de mire que le travail social pouvait être un vecteur puissant de transformation sociale. Il restera pour bon nombre une référence ».
Logan Palmiste « Quelle tristesse. Sa rencontre a été marquante, à travers ses écrits et nos entretiens, il a éclairé ma compréhension des politiques publiques liées à l’attractivité des métiers. Sa vision m’a aidé à trouver un équilibre en tant que gestionnaire d’établissements. Michel laissera une empreinte dans notre secteur. »
Annie Léculée « Quelle tristesse … Michel a été une boussole pour tant de professionnels, de militants syndicaux, toujours disponible et attentif … Il a marqué et marquera encore longtemps la réflexion quant aux dérives du travail social… On en parlera sûrement en janvier lors de la journée consacrée à Michel Autès .. Des grands !!! »
Salem Z. « Je suis affecté par la perte de Michel Chauvière, un intellectuel insatiable et incontournable du domaine du travail social. Ses réflexions sur la commercialisation du secteur et la « chalandisation » des pratiques sociales sont plus pertinentes que jamais. Son héritage nous incite à lutter contre la logique néolibérale qui déshumanise nos politiques sociales. Je soutiens son appel à un réenchantement des pratiques sociales, axées sur l’humain plutôt que sur les procédures. »
Anne-Cecile Jacot « Effectivement triste nouvelle en tant qu ancienne étudiante j ai eu beaucoup de bonheurs à l avoir comme professeur… j aimais ses idées et sa facilité d accès.. sa volonté d’ouverture et de mise en débats … bien souvent j ai pensé à lui et à ses écrits au cours de ma carrière… inspirant en effet et toujours tellement d actualités dans un monde où l humain est loin d avoir toujours la priorité. Toutes mes condoléances à ses proches … »
Brigitte Cheval « Merci Dominique (Depenne). Merci de tes mots pour lui… Michel, je ne peux le mettre à un autre temps que le présent, tant il l’était aux autres. Tant nous avons, en collectif, chercher, co-construit pour les autres. Hebetude de son depart. »
Sandra A. « C’est le travail social tout entier qui est triste aujourd’hui car M. CHAUVIERE a accompagné des générations à penser le travail à le comprendre à nous faire entendre que la dimension humaine n’est pas une marchandise encore merci Monsieur toutes mes pensées à votre famille mais aussi à la grande famille du travail social qui ne cesse de chercher sa boussole »
Jean-Baptiste Henry « Non ! C’est pas possible ! Quel désarroi à la lecture de cette nouvelle. Merci Monsieur Chauviere d’avoir été une boussole pour nombre de travailleurs sociaux, et particulièrement pour moi dans des moments d’égarement ou de perte momentanée de sens. Je me fais un devoir de transmettre vos repères auprès des futures générations de nos métiers. Vos écrits restent, les souvenirs de nos rencontres aussi mais le travail social vous regrette déjà… »
Adam Cano-Quero « Son soutien au Collectif Avenir Educ fût d’un engagement incontestable. Il nous a beaucoup apporté dans nos réflexions et nos luttes. Merci Michel, hasta siempre compañero. »
Monique Mislin « Je me souviens encore de ces moments d’échanges riches avec lui lors des États généraux du social en 2002 et 2005 où nous représentions la Fneje Nationale. Puis le Mouvement MP4 champ social est né, puis l’Appel des appels dans lequel Michel Chauvière était un pilier. Merci à lui pour la parole et les écrits laissés pour défendre haut et fort le travail social humanisé et non marchandisé !
Delphine Charpentier « Michel Chauviere…. Lu et relu au détour de mes différentes formations… Je ne peux que souscrire à ces idées et préceptes… d’autant plus vraies aujourd’hui. Oui nous devons rendre compte de l’utilisation de l’argent public mais la marchandisation à outrance et son corollaire à savoir une bureaucratie décomplexée, rendent les travailleurs sociaux moins bons, moins pertinents car ils ont moins de temps à accorder aux personnes accompagnées et moins de temps pour penser les pratiques, ce qui devient dramatique au quotidien sans aucune exagération…Là où ils y a eu des abus et l’impérieuse nécessité de contrôler et de rendre des comptes , je crois que nous sommes tombés dans l’excès inverse au détriment des plus vulnérables…
Pierre-François Large « Michel je t’ai bien connu et tes livres me paraissaient toujours d’actualité. Nous avions les mêmes références théoriques. Relisons et faisons lire aux travailleurs sociaux : trop de gestion tue le social »
Charly Fremaux « Merci pour ces mots qui accompagnent l’annonce du départ de Michel Chauvière. Foutue finitude ! Le travail social, effectivement, est bien triste. Toutes mes condoléances à sa famille et à ses proches. »
Abir S. « Je n’oublierai jamais nos discussions animées autour de mon mémoire de Master 2 (Concilier le care et le droit social). Merci Michel pour tes conseils, ton soutien et ton œuvre. »
Benoît Omont : « Merci Michel de nous avoir transmis tant de savoirs humblement et toujours en lien avec les plus vulnérables Souvenirs émus de journées du Gerpla et d’articles pour nos revues de L’être des Lieux d’Accueil.
Nous continuons le combat avec vos savoirs… »
Guillaume Ferron « Le découvrir, le lire, le lire tant, le relire…… et puis un jour, l’entendre devant moi et celles et ceux de la promo DEIS qui avaient la chance de passer la journée avec lui… Il nous a parlé de « social réalisé », notamment… C’est ce que j’ai cité de lui en le convoquant récemment lors de la journée d’étude de l’association OSER consacrée aux jeunes en situation complexes, au travail de la relation, aux rencontres plurielles… Ce jour là, certaines et certains qui l’ont bien connus étaient présents, notamment François Chobeaux, Thierry Goguel d’Allondans…. et d’autres qui fondent l’histoire comme la réalité des Lieux de Vie et d’Accueil et des Séjours Éducatifs dits de Rupture…… comme un certain Jacques Ladsous que Michel connaissait bien et qui nous a proposé d’être « domicilié » au CEDIAS… Le travail social, la recherche, le savoir, l’humain et cette fameuse dimension de la relation ont bénéficié de ses travaux, de ses réflexions et nous essaierons comme nous le pourrons de les prolonger en lui rendant hommage. Je m’associe à la peine et la douleur de son absence. Merci Michel Chauviere ! »
Sandra Joly « Michel Chauviere était sociologue, ancien formateur en école du travail social, chercheur et militant il nous a amené, à travers ses ouvrages et ses conférences, à questionner le social et ses artisans. Ses réflexions critiques sur la marchandisation du social nous ont invité à la résistance. et en ces temps obscurs, nous avons le plus grand besoin de ses lumières. Il aura apporté beaucoup, à nous artisans qui sommes dans » l’agir humain pour les humains »