Pour Gérald Darmanin, il y a « trop » d’aides sociales en France : Cela s’appelle « enfoncer un clou ». Après Bruno Le Maire, c’est au tour du ministre de l’Action et des Comptes Publics de s’en prendre aux aides sociales et, par là même, s’en prendre aussi à ceux qui les perçoivent. «Il faut faire une aide sociale unique et il faut, une fois qu’on a cette aide sociale unique, avoir cette différence avec le salaire» afin d’éviter les «trappes à inactivité» et la multiplication d’allocations « parfois contradictoires dans leurs objectifs », a déclaré Gérald Darmanin sur RTL. Nous avons là un exemple de communication à double sens. Au nom de la simplification que tous réclament, nous avons en creux l’idée que ces aides (l’ASS, le RSA, l’AAH ?) sont parfois égales ou supérieures à un salaire ce qu’elles ne sont absolument pas sauf à travailler à temps partiel. Le ministre des comptes publics laisse accréditer l’idée qu’en réformant le système, il y a des économies à faire et que finalement ces aides empêchent le retour à l’emploi alors que toutes les études sur ce sujet ont démontré le contraire…
Mais précise Gérald Darmanin «On a un système social qui malheureusement n’a pas réglé le problème de la grande pauvreté en France et qui n’a pas réglé non plus le problème de l’activation vers le travail ».
Il a souligné également que de nombreux bénéficiaires ne réclamaient pas les aides auxquelles ils pouvaient prétendre du fait d’un système trop complexe. Sur ce sujet il a raison.
Faut-il rappeler au ministre que les aides sociales (très faibles) n’ont jamais réglé le problème de la pauvreté ni ici et ni ailleurs. Celles-ci permettent aux personnes et aux familles de vivre ou plutôt de survivre avec des privations et de réelles contraintes. Il y a toujours un avantage à travailler à temps plein, (voire à mi-temps dans certaines situations).
Le double message du ministre met en application une rhétorique du « en même temps » : Il faut simplifier et en même temps il faut inciter.
Sur la simplification
Les aides sociales individualisées sont multiples car le législateur a tenu compte compte de situations spécifiques en fonction des groupes sociaux en situation de fragilité (retraités avec le minimum vieillesse, personnes handicapées avec l’AAH, demandeurs d’emplois avec l’ASS ou le RSA…) Pour les demandeurs d’emploi, certains montants sont différentiels pour ne pas dépasser certains seuils qui pourraient décourager la reprise d’emploi. C’est justement ce qui fait leur complexité au point que les travailleurs sociaux ne sont plus en capacité d’évaluer le montant notamment pour le RSA. Simplifier ces prestations en créant une aide sociale unique peut être tout autant risqué. En tout cas cela peut être plus compliqué qu’il n’y parait avec des effets inattendus. Mais au final pourquoi pas ? Il y aura inévitablement de rares gagnants et beaucoup de perdants si c’est le ministère de l’action et des comptes publics qui calcule les nouveaux montants.
Sur l’incitation
Le gouvernement souhaite mettre en place cette « aide sociale unique » pour « mieux inciter » à la recherche d’emplois a précisé le ministre de l’action et des comptes publics : de quels emplois s’agit-t-il ?
Un petit rappel s’impose :
Les statistiques de pôle emploi font apparaître que 203.000 postes n’ont pas été pourvus en 2017, faute de candidats. La moitié de ces postes étaient des CDD de moins de six mois. Il faut comptabiliser entre 110 000 à 181 000 offres non pourvues faute de candidats pour des emplois durables de plus de 6 mois. Pôle Emploi ne gère que 40% des offres environ. Cela permet de considérer que la fourchette la plus honnête à retenir, est dans le meilleur des cas de 400.000 offres d’emplois non pourvues chaque année en France, faute de candidats. La moitié concerne des CDI. C’est beaucoup certes mais c’est à comparer avec le nombre de demandeurs d’emplois.
Nous avons donc d’un coté 400.000 offres d’emploi non pourvues en France contre 5.621.000 personnes qui sont en recherche d’emploi et sont pour cela inscrites à Pôle Emploi. Faites la différence. Comment expliquer à M. Darmanin qui sait faire une soustraction que des mesures d’incitation (c’est à dire la baisse des indemnisations du chômage) ne vont pas permettre de créer les emplois qui manquent pour réduire dans l’absolu le chômage à zéro. C’est à dire permettre à chaque demandeur d’emploi « incité » à trouver du travail. La trappe à inactivité est un argument fallacieux. C’est l’activité qui manque et non ceux qui ne souhaitent pas en avoir.
Mais à quoi bon rappeler cette évidence ?