Toujours sur le terrain, rarement critiquée, souvent oubliée, la Protection Maternelle Infantile (PMI) cette grande invention fondée à la Libération en 1945 a depuis longtemps prouvé son efficacité nous explique un ouvrage paru aux presses de l’EHESP intitulé « L’institution PMI entre clinique du sujet et politique publique ». Ce titre, un peu rébarbatif, nous raconte pourtant cette belle histoire qui a permis de sauver tant de vies humaines, celles des nourrissons et de leurs mères qui n’avaient, à l’origine pas les moyens de consulter médecins et pédiatres même lorsqu’ils étaient malades. À l’inverse de « surveiller », la PMI se propose de « veiller sur ».
La PMI a été fondée sur une utopie réaliste, nous rappellent les auteurs de ce livre Elian Djaoui et Françoise Corvasier. C’est « une utopie sanitaire et sociale » d’une prise en charge idéale de l’enfant dès les premiers jours de la vie. Depuis son origine la PMI est à l’articulation de deux démarches en tension :
La première touche à la clinique du sujet singulier. Médecins et puéricultrices sont au quotidien en lien avec des familles qui ont besoin de protection mais aussi de conseils et d’une attention soutenue. Ils contribuent à la protection de l’enfance en reconnaissant toujours les besoins de l’enfant comme boussole de l’action tant en direction des parents que des institutions qui l’accueille.
La seconde s’attache à la santé publique, qui organise le système de santé en direction d’une population définie. Et là ce n’est pas aussi simple qu’il n’y parait. Comme pour les services sociaux, la PMI a été mainte fois remise en cause dans son organisation mais aussi dans ses missions. Certains auraient voulu la voir plus intrusive dans les familles, d’autres la trouve trop peu libérale dans ses pratiques et estiment que rien ne vaut la consultation en cabinet privé.
Or la PMI s’est toujours située sur une ligne de crête en se positionnant à la fois de façon professionnelle qu’institutionnelle. Toujours dans l’intérêt de l’enfant.
Mais que fait la PMI ?
Placée sous l’autorité du président du conseil départemental, elle est chargée d’assurer la protection sanitaire de la mère et de l’enfant. Ce service à la population « organise notamment des consultations et des actions médico-sociales de prévention et de suivi en faveur des femmes enceintes, des parents et des enfants de moins de 6 ans, ainsi que des activités de planification familiale et d’éducation familiale.
Il joue également un rôle essentiel en matière d’accueil des jeunes enfants : instruction des demandes d’agrément des assistantes maternelles, réalisation d’actions de formation ; surveillance et contrôle des assistantes maternelles ainsi que des établissements et services d’accueil des enfants de moins de 6 ans. Il participe, enfin, aux actions de prévention et de prise en charge des mineurs en danger ». Elle travaille main dans la main avec les Services Sociaux Départementaux lorsque cela s’avère nécessaire.
Agir au bon moment, faire avec les familles en allant le plus loin possible avec elles mais aussi protéger lorsque cela est nécessaire. L’équation est complexe. La PMI aide à une objectivation des situations, sans jugement, mais avec des compétences d’observation et de diagnostic fort utiles pour rassurer et parfois éviter des mesures inconsidérées. Choisir de travailler en PMI, c’est aussi faire preuve d’un réel engagement.
Pierre Suesser co-président du syndicat national des médecins de PMI explique que ce livre contribue de façon salutaire « à faire perdre leur innocence » aux multiples enjeux auxquels est confrontée la PMI. Pierre Suesser a défendu pendant toute sa vie professionnelle une PMI respectueuse du droit des personne et de l’éthique chère à Paul Ricoeur, celle du «souhait d’une vie accomplie – avec et pour les autres – dans des institutions justes ». L’institution PMI a toujours en tête cette vision.
Pourquoi j’ai apprécié cet ouvrage ? Parce qu’il est complet sur le sujet et qu’il correspond à la PMI telle que je la connais. J’en avais fait lire les premières épreuves de ce livre à ma « collègue » médecin de PMI de Saint Nazaire : Elle avait, comme moi, trouvé ce livre en grande cohérence avec les questions que se posent les professionnels de secteur aujourd’hui. Son regard positif notamment sur l’état des lieux de la première partie m’avait alerté. « Ce qui est écrit est aussi une analyse, un regard sur les questions que nous nous posons » dit-elle. « Notamment sur les nouvelles missions de la PMI et les nouveaux besoins des familles ».
Les auteurs connaissent très bien le secteur et les questions auxquelles médecins et puéricultrices PMI sont confrontés. Le sujet traité spécifiquement sur la protection de l’enfance est nécessaire tant ce service interpellés à ce sujet. Il est aussi rappelé la nécessité de maintenir tout ce qui fait la prévention primaire, secondaire et tertiaire portée par la PMI. La façon dont la question est abordée et la place qu’elle prend dans l’ouvrage permet de bien s’y retrouver.
La 3ème partie est tout autant intéressante : Elle rappelle « les principes fondateurs de la pensée de la PMI ». On y aborde les différents modes de positionnement de la PMI avec les ambiguïtés de l’intervention, au cœur des familles, entre expertises et savoir profanes. Dans cette partie les auteurs ne font pas l’impasse non plus sur les « pressions du politique » (chapitre 9) et l’emprise de la logique néolibérale (chapitre 10).
La PMI peut-elle disparaître demain ?
C’est un service public qui s’adresse à tout public confronté à la réalité de la naissance et de l’éducation du tout petit. Ce service entre aujourd’hui dans la stratégie nationale de la santé 2018-2022 : il s’agit de « Renforcer le réseau de la protection maternelle et infantile » et « Améliorer l’attractivité des statuts et des conditions d’exercice des professionnels de santé de protection maternelle et infantile et de médecine scolaire ».
En effet, comme pour les métiers de l’aide et du soin, nous assistons à une crise de vocations. Les difficultés de recrutement de médecins PMI concernent tout le territoire. Il existe une réelle désaffection pour cette mission des soignants qui préfèrent travailler à l’hôpital (malgré ses difficultés) ou encore en libéral. Cette difficulté de recruter pose de gros problèmes en terme d’organisation de service malgré l’appel à des vacataires. Cette problématique semble récurrente. Et c’est assez inquiétant.
En tout cas n’hésitez pas à lire ce livre « l’institution PMI entre clinique du sujet et politique publique ». Si le sujet vous intéresse vous ne pourrez qu’en être satisfait(e).
Photo créé par javi_indy – fr.freepik.com
Note : j’ai « aménagé » cet article que j’avais initialement publié au moment de la parution de cet ouvrage en avril 2018