Ce n’est pas une surprise. L’Association nationale des travailleurs sociaux (NASW) condamne la décision rendue par la Cour suprême des États-Unis qui vise à permettre à chaque État de supprimer le droit à l’avortement. Dans un communiqué, elle affirme à nouveau que tous les individus ont droit à l’autonomie corporelle, que l’avortement est un soin de santé et que tous les individus ont le droit de choisir librement l’accès aux services de soins de santé essentiels, en particulier leur « santé reproductive ».
« Cette décision de la Cour suprême est un recul inadmissible des droits fondamentaux pour tous les habitants des États-Unis. La grossesse forcée est une grave violation des droits de l’homme et de la dignité », écrit l’association qui rappelle aussi que l‘interdiction de l’avortement affectera de manière disproportionnée les personnes de couleur. « En fait, les interdictions d’avortement comme celle du Mississippi font partie de systèmes d’oppression croisés qui privent de nombreuses personnes vulnérables de l’accès à leurs droits ».
Des travailleurs sociaux ont engagé des recours en justice
« Outre les personnes de couleur, l’impact de cette décision touchera aussi lourdement les Américain(e)s les plus défavorisé(e)s » indique l’association professionnelle des travailleurs sociaux US qui annonce qu’elle va continuer de saisir les tribunaux pour engager des recours judiciaires aussi bien au niveau de l’État fédéral que des différents États qui composent l’Union.
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C’est d’ailleurs ce qu’elle a fait avec d’autres dans l’Ohio où elle a obtenu un arrêt de la cour de cet État. Il permet
ne pas appliquer l’ordonnance contre ceux qui défendent le droit à l’avortement, au motif qu’elle cherche à modifier une loi « vague et potentiellement radicale » qui criminalise ceux qui aident les gens à accéder aux soins pour empêcher les grossesses forcées. L’affaire « Association nationale des travailleurs sociaux et al. c. City of Lebanon, Ohio et al. » a ainsi été la première contestation d’une interdiction d’avortement déposée depuis l’avis de la Cour suprême. C
ette contestation soutient que l’interdiction viole d’autres principes constitutionnels fédéraux et étatiques.
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Pour l’instant, les membres de NASW – et d’autres qui travaillent avec eux – peuvent continuer à faire leur travail de prévention et d’information sans craindre d’être criminalisés par l’interdiction. Cette contestation judiciaire montre comment des interdictions antidémocratiques telles celle de l’avortement s’étendent au-delà des droits prescrits. Dans ce cas présent, l’interdiction viole les droits à une procédure régulière et à la liberté d’expression des habitants, des travailleurs sociaux, des défenseurs des soins d’avortement et de bien d’autres à travers l’État.
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Les associations de santé mentale dénoncent, elles aussi, la décision de la Cour suprême
La décision de la Cour suprême va aussi entraîner des conséquences néfastes sur la santé mentale des personnes cherchant à exercer leur autonomie corporelle, expliquent les associations. Des décennies de recherche scientifique ont montré que les personnes à qui l’avortement est refusé sont plus susceptibles d’éprouver des niveaux d’anxiété plus élevés, une plus faible satisfaction de vivre et une plus faible estime de soi par rapport à celles qui peuvent obtenir des services d’avortement.
La recherche démontre également une forte relation entre les grossesses non désirées et la violence interpersonnelle. Plus précisément, la recherche suggère que l’incapacité d’obtenir un avortement augmente le risque de violence domestique chez ceux qui sont forcés de rester en contact avec des partenaires violents, les mettant ainsi que leurs enfants en danger. « Les impacts de cette décision toucheront plus durement les personnes qui sont déjà confrontées à des obstacles discriminatoires aux soins de santé, en particulier les Noirs, les Autochtones et les autres personnes de couleur, les personnes handicapées, les habitants des zones rurales, les jeunes, les sans-papiers et ceux qui ont des difficultés à joindre les deux bouts.
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«Notre nation connaît déjà une crise de santé mentale importante. Elle sera amplifiée par la décision de la Cour suprême des États-Unis qui permet désormais de criminaliser celles et ceux qui auront recours à l’avortement » écrivent les associations de promotion de la santé mentale.
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Lutter contre les idées reçues : l’avortement ne provoque pas des troubles traumatiques
Mais c’est aussi sur un autre terrain que se mène le combat. Les recherches universitaires viennent ainsi à la rescousse des opposants à l’interdiction. Une analyse historique de l’avortement, réalisée par Advancing New Standards in Reproductive Health (ANSIRH) à l’Université de Californie à San Francisco, a servi à démystifier la croyance selon laquelle les personnes qui se font avorter éprouvent un profond regret, un chagrin ou même un trouble de stress post-traumatique. Au lieu de cela, l’émotion la plus couramment ressentie est le soulagement.
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Les chercheurs ont suivi près de 1 000 femmes dans 21 États pendant cinq ans pour examiner les similitudes et les différences entre celles qui voulaient et se faisaient avorter et celles qui voulaient, mais se sont vu refuser un avortement. Cinq ans après l’intervention, les femmes qui avaient avorté n’étaient pas plus susceptibles de signaler des émotions négatives ou des pensées suicidaires que les femmes qui s’étaient vues refuser un avortement, et plus de 97 % des personnes étudiées ont déclaré que l’avortement était la bonne décision (Rocca, CH, et al., Sciences sociales et médecine, volume 248, 2020).
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Ce mouvement offensif des travailleurs sociaux américains pour la défense des droits des femmes et des minorités devraient peut-être inspirer les travailleurs sociaux qui, en France, s’inscrivent souvent dans une forme d’action technique « non politique ». Or la pauvreté et l’exclusion sont aussi la conséquence de mesures politiques qui ne tiennent pas toujours compte des inégalités dès lors qu’une loi est votée. Cette action des travailleurs sociaux outre atlantique nous montre que si l’on veut lutter efficacement contre la pauvreté et ses conséquences, il nous faut aussi agir en analysant l’impact des lois sur les plus fragiles et les contester démocratiquement, en organisant des recours juridiques et des actions de sensibilisation sur les effets qu’elles produisent.
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Sources
Note : je suis rentré de vacances hier. Les précédentes informations que vous avez pu lire sur ce blog avaient été programmées avant mon départ début juin (j’avais oublié de vous le préciser)
Photos : issue de l’article Reproductive Rights and Voting Rights Take Center Stage Across the Nation By Paul R. Pace | NASW (marche des femmes du 2 octobre 2021)
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