« Ils sont partout. On ne les voit nulle part » écrivait il y a déjà plus d’un an Manuel Pelissier, membre du HCTS et de la Commission Professionnelle Consultative « Cohésion sociale et santé ». « Un moyen de les voir ? », disait-il, « Lancez devant vous une poudre constituée d’une mesure de respect, de deux mesures de considération, rajoutez-y un zeste d’attention avec quelques gouttes d’empathie et vous verrez apparaître juste devant vous, non pas Harry Potter, mais celui qui s’occupe de vous, souvent au quotidien avec humilité, compétence, utilité et bienveillance ». Au-delà ce trait sympathique et teinté d’humour, force est de constater que le travailleur social est devenu rare. Les recruteurs sont à la peine. La crise sanitaire a révélé un manque de reconnaissance, des pratiques peu visibles et une prise de conscience du manque de considération de métiers pourtant essentiels pour la population.
Mais d’abord, qu’est-ce qu’un travailleur social ?
Rappelons que, curieusement, le dictionnaire critique d’action sociale n’en donne aucune définition. Les différentes professions du travail social ne sont pas définies dans cet ouvrage de référence. Il ne sont pas définis non plus sur les sites officiels qui ne parle que de travail social ou d’intervention sociale. Il est toutefois précisé que les travailleurs sociaux sont des personnes qualifiées : « Le travail social est entendu comme un ensemble d’activités sociales conduites par des personnes qualifiées dans le cadre de missions autorisées …/… ». Les travailleurs sociaux ont donc obtenu des diplômes (ou des certifications) reconnus par l’État et s’investissent dans des missions bien définies. Si nous nous en tenons à cette approche, nous ne prenons pas en compte les bénévoles, les travailleurs pairs qui eux sont pourtant formés, sans oublier ceux que l’on nomme les « faisant fonction » avec des diplômes connexes à ceux des travailleurs sociaux tels les diplômes universitaires.
Une galaxie qu’il convient d’identifier
Nous serions 1.300.000 travailleurs sociaux en France. Ce chiffre est un peu en trompe-l’œil. Il mérite quelques explications. La Direction de la recherche des études de l’évaluation et des statistiques (DREES) a mis à disposition, des données statistiques actualisées sur les effectifs et les caractéristiques socioéconomiques des travailleurs sociaux en 2018. Cette année-là, il était dénombré 520.000 intervenants à domicile, 400.000 assistants maternels, gardes à domicile ou assistants familiaux, 250.000 professionnels socio-éducatifs, 60.000 aides médico-psychologiques ainsi que 90 000 autres professions de l’action sociale. Toutes exerçant en France Métropolitaine. (et les Outre-mer ?)
Cet effectif global a augmenté entre 2004 et 2013 (+28 %), puis est resté globalement stable entre 2013 et 2018. Ces évolutions globales recouvrent toutefois des réalités différentes selon les professions :
- les assistants maternels, gardes à domicile ou assistants familiaux connaissent ainsi une baisse continue de leurs effectifs depuis 2013 (-12% entre 2013 et 2018),
- le nombre de professionnels socio-éducatifs augmente de 18 % au cours de la même période.
Cela donne le tableau suivant réalisé par la DREES
Le tableau de la DRESS pose question : les assistan(e)s de service social et les conseillères ESF sont classé(e)s dans les « autres professions de l’action sociale » alors qu’ils sont centraux et sont des métiers généralistes. Les métiers dits éducatifs sont eux clairement identifiés. Si ce classement interroge, que dire des données qui les accompagnent ? Certaines sont obsolètes, car on parle de professionnels à bac +2 pour ceux qui sont aujourd’hui niveau 6 (bac +3) mais bon, cette étude qui est la plus récente, date quand même de 2018 année de mise en œuvre des réformes des diplômes d’État.
Comment trouver des professionnels mal identifiés ?
Pour faire simple, il y a les professions généralistes, les professions spécialisées, celles centrées sur une méthodologie ou une approche spécifique, celles relevant d’un seul champ ou d’un seul public. Aux employeurs de faire leur marché dans le respect des réglementations en vigueur. Cerise sur le gâteau, dans le dénombrement des travailleurs sociaux la DREES avait retenu dans ses statistiques précédentes 5.500 travailleurs sociaux qui ne pouvaient être classés dans aucunes des catégories définies. (aujourd’hui ils ont disparu).
Les métiers de la politique de la ville ou de l’insertion socio-professionnelle sont peu ou pas abordés. Cette étude ne fait pas état non plus de la situation des animateurs sociaux culturels. Ils ne sont pas considérés comme des travailleurs sociaux, car ils relèvent d’un autre ministère. Diplômés, ils exercent portant des fonctions dans les quartiers qui s’apparentent souvent à de l’aide aux jeunes et aux familles à travers le prisme de l’éducation populaire. Ça aussi, c’est du travail social. Il est utile et important de ne pas les oublier… Nous n’avons pas non plus abordé la situation de tous ces professionnels « faisant fonction » intervenant sans avoir de diplôme d’État.
Les travailleurs sociaux sont « un peu partout » dans tous les domaines de la vie
Ils s’adressent à toute personne qui rencontre une ou plusieurs difficultés particulières à un moment ou à un autre de sa vie. Il ne s’adresse pas qu’aux personnes sans argent, ni sans logement. Les personnes âgées, les enfants justifient attention et protection. Les familles aussi. N’oublions pas non plus les salariés, qu’ils soient précaires ou en CDI. Eux aussi peuvent faire appel à un service social d’entreprise. Bref, le champ de leurs interventions est très diversifié. Ils ne travaillent pas tous et toutes dans l’administration et, si les services privés font aussi appel à eux, c’est qu’ils leur sont utiles, voire souvent indispensables. Les travailleurs sociaux sont donc un peu partout, même si on parle fréquemment que de ceux qui interviennent dans les Départements et les associations exerçant des missions de service public telles la protection de l’enfance ou l’accompagnement des allocataires du RSA.
42 % des travailleurs sociaux âgés de 50 ans ou plus
Les travailleurs sociaux sont plus âgés que les autres salariés. Ils étaient en moyenne âgés de 46 ans en 2018, contre 42 ans pour les autres salariés. Plus précisément, 42 % des travailleurs sociaux sont âgés de 50 ans ou plus, contre 30 % des autres salariés. Chaque année, ils sont nombreux à partir en retraite et les effectifs ne sont pas suffisamment renouvelés. Mais le tableau est contrasté : Les métiers d’assistants maternels, de gardes à domicile, ou d’assistants familiaux et ceux d’intervenants à domicile présentent les plus fortes proportions de salariés âgés de 50 ans ou plus (respectivement 47 % et 49 %). C’est nettement moins fréquemment le cas dans les autres métiers, notamment ceux d’aides médico-psychologiques (31 % de salariés âgés de 50 ans ou plus), des professionnels socio-éducatifs (28 %) et des autres professions de l’action sociale (ASS et CESF : 28 % ont plus de 50 ans).
Enfin, il ne vous aura pas échappé que les travailleurs sociaux sont d’abord des travailleuses sociales. C’est à se demander pourquoi on parle de ces métiers au masculin quand on constate qu’il y a dans nos professions 9 femmes pour 10 professionnels. Les femmes sont en grand nombre dans tous les secteurs. Est-ce pour cela que les « travailleurs sociaux » sont si mal rémunérés ?
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Une réponse
Merci. Une approche chiffrée qui démontre l’importance de ces professions. Une remarque cependant les EJE ne sont pas mentionné(e)s.