« On n’existe pas, c’est un métier caché » : vers une pénurie de familles d’accueil pour les enfants placés
Les défis auxquels sont confrontées les familles d’accueil pour enfants placés sont mis en lumière dans cet article d’Elsa Gambin publié par le mag social Basta!. La pérennité de cette profession est incertaine, notamment en raison des départs à la retraite et du manque d’attractivité du métier. Les 40.000 assistantes familiales en France sont majoritairement issues de reconversions professionnelles. Elles accueillent des enfants placés par décision de justice, généralement pour les protéger d’un environnement familial dangereux.
Alban Perrichon, assistant familial depuis 11 ans, et Sylvie Dereux, qui a exercé ce métier pendant 10 ans, témoignent de leur expérience. Ils habitent la région nantaise. Pour devenir assistant familial, il faut évidemment obtenir un agrément délivré par les services de la protection maternelle infantile (PMI), puis trouver un employeur, souvent un département ou une association. Les futurs assistants familiaux suivent ensuite une formation de 300 heures pour obtenir le Diplôme d’État d’Assistant Familial (DEAF). Malgré les difficultés, Alban Perrichon souligne l’utilité sociale de cette profession et l’épanouissement personnel qu’elle procure.
Le manque de travailleurs sociaux et le turn-over des référents rendent cependant les conditions de travail plus difficiles pour les assistants familiaux. Moins d’assistants familiaux signifie que les enfants restent plus longtemps dans les foyers et arrivent chez les assistants avec des problèmes plus importants. Malgré ces défis, les assistants familiaux considèrent leur métier comme ayant une véritable utilité sociale, même s’il n’est pas socialement reconnu. (lire l’article de Basta!)
Le journaliste Benoît Roux relate sur France 3 Occitanie les graves incidents qui émaillent cet établissement, qui accueille à Toulouse plus de 200 jeunes en difficulté. La surcharge de travail épuise le personnel du centre. Les incidents violents, tels que les coups de poing, les strangulations et les insultes, sont devenus monnaie courante. Les éducateurs sont régulièrement confrontés à des violences entre les jeunes, qui relèvent souvent de la psychiatrie. Ils n’ont plus les moyens d’éviter ces situations. Le CHSCT confirme que le personnel n’est plus protégé et que leur métier n’a plus de sens.
Les protestations quotidiennes ne suffisent pas. Les manifestations ont débuté le 20 mars et se déroulent chaque jour de 14h à 17h devant le CDEF. Malgré un ratio de 227 places pour 400 agents, la situation demeure insoutenable pour le personnel, qui dénonce le fait que certains enfants restent dans l’établissement pendant trois ans alors qu’ils ne devraient y être que trois mois au maximum. Les employés et les enfants sont épuisés et aucune solution durable n’est proposée.
Le CDEF manque cruellement de places pour accueillir les enfants les plus jeunes, avec seulement 24 places pour 31 bébés, ainsi que pour les cas graves relevant de la psychiatrie ou de l’autisme. Face à l’épuisement et au burn-out, certains employés se retrouvent en arrêt de travail, tandis que la police et le SAMU interviennent plusieurs fois par jour. Les accidents de service sont devenus si banals que certains employés n’osent plus les signaler. Le personnel est démuni malgré les réunions avec les autorités. Selon les syndicats, un autre centre d’accueil d’urgence situé à Saint-Gaudens (Haute-Garonne) serait en proie aux mêmes problèmes. (lire l’article de France 3)
« Dehors, ils sont en danger »… Faut-il s’inquiéter du nombre important de fugues d’enfants ?
En 2022, plus de 40.000 signalements de fugues de mineurs ont été enregistrés en France, mobilisant les forces de police et de gendarmerie pour retrouver les jeunes disparus. En Ille-et-Vilaine, plus de 500 opérations de recherches ont été lancées pour retrouver des mineurs, un chiffre record. Le journaliste de 20 Minutes, Camille Allain a interrogé le colonel Sébastien Jaudon. Celui-ci souligne l’importance de prendre chaque cas au sérieux, car les mineurs en fugue sont en danger.
Il n’y a pas d’augmentation significative, mais le phénomène est persistant. La gendarmerie nationale n’a pas constaté d’augmentation significative du nombre de fugues entre 2021 et 2022, mais le phénomène demeure bien présent, avec 42.500 signalements enregistrés en France l’an dernier. Les associations de protection de l’enfance s’inquiètent du rajeunissement des fugueurs, certains ayant seulement 12 ou 13 ans. La fondation Droit d’enfance souligne les dangers encourus par les mineurs en fugue, tels que les mauvaises rencontres.
Les raisons des fugues sont variées : rébellion, influence néfaste, mal-être, harcèlement, séparation des parents, ou encore climat familial toxique. La fondation Droit d’enfance s’inquiète également des liens entre les fugues et la prostitution chez les jeunes femmes, un phénomène en croissance. Sans argent, elles sont parfois la proie d’hommes mal intentionnés les incitant à monétiser leur corps.
Le rapport sur la prostitution des mineurs préconise un protocole de retour de fugue. Il inclut une évaluation médico-psychologique systématique. Les parents doivent prendre le temps de comprendre et d’écouter, sans culpabiliser ni s’énerver. Les forces de l’ordre et les associations de protection de l’enfance cherchent à recueillir les fugueurs dans un environnement sain et apaisé pour éviter la récidive. (lire l’article de 20 minutes)
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Cette tribune de « Pinki Blenders », assistante sociale, publiée par les ASH relate l’histoire de Paolo, un garçon de 8 ans, et de sa mère, Mme Jeanbaptiste. Cette mère de famille est en prise avec une addiction à l’alcool. On comprend ici le dilemme de la mère face à la nécessité de se faire soigner et la prise en charge de son fils pendant cette période. En dépit de ses craintes et de ses hésitations, Mme Jeanbaptiste finit par accepter l’aide proposée pour elle-même et Paolo, qui est placé temporairement dans une famille d’accueil.
La tribune nous rappelle le rôle de l’assistante sociale, qui soutient et accompagne la mère dans ce processus difficile. Grâce à cet accompagnement et à la pugnacité de Mme Jeanbaptiste, Paolo et sa mère parviennent à surmonter cette épreuve. Toutefois, l’intervenant s’inquiète de la dégradation des conditions de travail dans le secteur social et se demande si une telle issue serait encore possible aujourd’hui. (lire l’article des ASH)
Bonus :
Dans les eaux glacées du calcul égoïste
Dans une tribune publiée en février par « LePasDeCôté » le philosophe et sociologue Saül Karsz revient sur le néolibéralisme et ses effets délétères. Il dénonce dans cet article la réforme du régime de retraites qui fait face à une opposition déterminée d’une grande partie de la population. Il souligne que cette réforme met en évidence des enjeux sociaux tenaces et clairement visibles. L’auteur critique la prolongation de la durée légale du travail, qui entrave la capacité des travailleurs à consacrer du temps à des activités choisies et à vivre en bonne santé. « Cette réforme leur rappelle que leur existence ne leur appartient vraiment pas. La vie et la mort de chacun ne sont pas des affaires exclusivement personnelles ». Il évoque également l’accroissement de la pénibilité du travail qui engendre la fatigue physique et mentale et qui n’assure pas le bonheur de ceux qui travaillent.
Saül Karsz analyse le paradoxe du néolibéralisme, qui, bien qu’augmentant la productivité et créant des richesses, dégrade l’environnement et compromet l’avenir des générations futures sans pour autant améliorer le bien-être des générations actuelles. Il critique le manque de souci pour la distribution et le partage des richesses, à l’exception des actionnaires. L’auteur évoque par ailleurs le deuil jamais totalement élaboré entre le sort des salariés et celui des esclaves. « On ne se résigne guère, en effet, à ce que le sort des salariés diffère de celui des esclaves, même si parfois les différences en termes de conditions de travail et de rétribution s’avèrent plutôt subtiles » écrit-il. Il souligne l’indignation de nos dirigeants face à la volonté des travailleurs d’améliorer leur situation.
Il nous rappelle aussi que, si pour certains le temps est de l’argent, pour d’autres il représente la vie. Il soutient que la réforme des retraites ne se réduit pas à des enjeux économiques et que l’entêtement à ignorer cette réalité fait partie de la gouvernance néolibérale. À l’inverse, il appelle à la reconnaissance de ces enjeux et à l’union de ceux qui souhaitent contribuer à la création d’une autre société, d’une autre vie possible. (lire la Tribune de Saül Karsz)
- Vous retrouverez prochainement Saül Karsz sur ce blog car je l’ai récemment interviewé. Il aura l’occasion de vous apporter son point de vue et analyse de la crise qui traverse les métiers de l’aide et du soin..
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Vous êtes allé(e) au bout de cette revue de presse ? Bravo et merci ! Merci aussi à Michelle Flandre qui m’a aidé à la réaliser