Le fait associatif est une réalité inscrite dans l’histoire des professions et des métiers du travail social. Dès l’origine, des hommes et des femmes se sont regroupés pour permettre la professionnalisation des travailleurs sociaux (1). Les premières écoles de travail social étaient régies par un statut associatif. C’est le cas encore aujourd’hui pour un certain nombre de centres de formations. Pour autant les associations un peu trop « indépendantes » ne sont pas toujours bien vues des pouvoirs publics. A leurs yeux le mode de gestion associatif n’est pas toujours considérée comme adapté aux enjeux managériaux actuels. Voyons ici les forces et les faiblesses des associations et ce que les distinguent de « l’entrepreneuriat social » ce nouveau concept qui tend à se développer.
Le monde associatif connaît aujourd’hui de sérieuses difficultés qui peuvent toutefois être surmontées :
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Des difficultés d’ordre économique : une commission d’enquête de l’Assemblée Nationale chargée d’étudier les difficultés du monde associatif dans la période actuelle, présidée par le député Alain Bocquet, a rendu un rapport en novembre 2014. Il rappelait que la réforme territoriale porte des menaces sur le secteur associatif notamment lorsque celui ci est subventionné par les collectivités territoriales. La crise économique et les contraintes budgétaires liées à un désengagement de l’Etat (2) pèse sur les budgets des associations qui assurent une mission de service public. Il est fréquemment demandé aux associations de « faire mieux » avec moins.
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Une crise de l’engagement bénévole : Cette crise n’est pas spécifique au secteur de la formation. Alors que l’engagement associatif reste majeur en France, trop peu de personnes acceptent de s’engager dans les instances dirigeantes des associations. Les contraintes liées à la responsabilité que représente la gestion financière et les responsabilités liées à la prise de risque peuvent faire reculer les meilleures volontés. Lorsque le risque est limité et la forme d’engagement clairement identifiée et limité, les difficultés peuvent être surmontées.
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Des difficultés d’ordre idéologiques : le « faire ensemble » est régulièrement remis en cause par la montée des individualismes et de « l’entre soi ». Or aujourd’hui ce qui fait lien n’est pas la somme des volontés individuelles mais bien notre capacité à construire et à mener collectivement un projet commun. Les questions traitant de l’évolution de la formation des travailleurs sociaux, la façon de décliner ou d’articuler des projets pédagogiques ne peuvent ni ne doivent être portés par des personnes seules quelles que soient leurs compétences. Ces questions entrent dans le champs de compétence des pouvoirs publics mais aussi des associations qui portent le débat sur la question du sens et des finalités.
Toutefois le modèle associatif garde malgré tout de multiples avantages avec
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L’assurance d’une gestion « désintéressée » grâce au bénévolat de ses membres.
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Une logique démocratique dans les prises de décision avec des possibilités de recours identifiées.
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Un contrôle possible par ses adhérents et les pouvoirs publics.
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Des temps de restitution et de débats démocratiques institués et réglementaires.
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Une forte capacité d’adaptation face à des opportunités ou des contraintes nouvelles.
Quels sont donc les éléments qui expliquent que le travail social s’accommode bien de la logique associative ?
– le travail social défend l’idée que le lien social est constitutif du « bien vivre » ensemble. Le lien est essentiel. Or les associations sont particulièrement génératrices de lien social à travers les activités qu’elles mènent
– la dimension collective est une des caractéristiques de prise en compte par les travailleurs sociaux qui visent par leurs actions à améliorer les conditions de vie des personnes. Or le fait collectif est avant tout une caractéristique des associations.
– la logique de co-construction des projets s’inscrit particulièrement bien dans les dynamiques de travail social : « Faire avec » et non faire « pour » ou « à la place » de la personne et du groupe est ce qui anime les travailleurs sociaux dans leur manière de faire. Cette co-construction est aussi une pratique très répandue dans le monde associatif notamment dans les processus de prise de décision
Enfin travail social et association sont issus des mêmes valeurs, celles de la solidarité inscrite dans une histoire : la loi de 1901 issue des valeurs républicaines qui défendent et mettent en avant les droits de l’homme. Cette réalité pourrait d’ailleurs être développées par les étudiants en travail social qui dans le cadre de leurs travaux pourraient rechercher ce qui fait sens commun entre travail social et fait associatif quelque que soit les formes d’associations existantes aujourd’hui et par le passé…
Qu’est qui fait que le système associatif et l’entreprenariat social ne font pas toujours bon ménage ?
- « L’entrepreneuriat social est une manière d’entreprendre qui place l’efficacité économique au service de l’intérêt général. Quel que soit le statut le statut juridique des entreprises (association, coopérative, SAS, …), leurs dirigeants font du profit un moyen, non une fin en soi ». L’idée même de « faire du profit » est totalement contraire à la philosophie même du secteur associatif dit « non lucratif » alors que le mouvement entrepreneurial parle d’une « lucrativité encadrée »
- Ces entreprises sociales parlent d’abord de projet économiques « viables ». Des critères doivent pouvoir définir cette viabilité. Ce n’est pas la priorité première des associations qui mettent en avant leur projet social et regardent dans un second temps la dimension économique car elles visent à être viable bien évidemment. Mais elles agissent dans des domaines dits « non rentables » donc non viables selon des critères de marché. Les associations préfèrent mettre en avant leur bonne gestion de fonds publics pour l’accomplissement d’un service délégué.
- « L’entrepreneuriat social assume une forme prise de risque, et d’être en réponse à une demande avec création de richesses et d’emplois. Les associations ne positionnent pas la création de richesse parmi les moteurs de leurs actions : la prise de risque est toujours inscrite dans une logique à finalité sociale. Leur finalité n’est pas la création de richesses même si elles souhaitent bien évidemment se développer et créer des emplois.
Certes, aujourd’hui, des associations ont perdu de vue leurs objectifs premiers. Certains collectifs de travail font appel à cette forme de gouvernance sans mettre en oeuvre les valeurs du monde associatif. Mais ce n’est pas une raison suffisante pour « jeter le bébé avec l’eau du bain ». le secteur associatif a encore de beaux moments à vivre et reste encore une forme d’organisation sociale pertinente et efficace pour de multiples activités. Le travail social en est un particulièrement adapté. On ne peut que soutenir cette forme d’organisation dès lors qu’elle s’inscrit dans une pratique démocratique de la gestion du bien commun.
1Henri Pascal « Histoire du travail social en France » Presses de l’EHESP coll. « politiques et interventions sociales 2014
2 « Confrontées à cette raréfaction des financements publics, les associations rencontrent très régulièrement des difficultés de trésorerie : 66 % des associations employeurs interrogées dans le cadre de l’étude conjointe du Centre d’économie de la Sorbonne et du cabinet Deloitte déclarent devoir faire face à des difficultés de maîtrise de la gestion.
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