Surprenant et intéressant, les assistantes sociales auraient un rapport boulimique à la culture. C’est l’une des conclusions d’une étude réalisée il y a quelques années par 10 élèves de 2ème année de l’école de service social de Rezé (Loire Atlantique) accompagnés par le sociologue Alain Vilbrod. Ils ont pour cela réalisé une enquête auprès de 200 assistantes sociales en exercice.A l’origine 2 questions avaient été retenues dans le cadre de cette étude. Les pratiques culturelles des assistantes sociales jouent-elles un rôle ou non dans la constitution de leur identité professionnelle ? Les assistantes sociales sont-elles un groupe à part, au sein de la classe moyenne, grâce à des pratiques culturelles propres ? Alors avant les analyses, observons quelques résultats d’un questionnaire ne manqueront pas de nous interroger.
Quand on parle de pratiques culturelles, les assistantes sociales préfèrent à quasi-égalité les activités dites divertissantes. (39%) de celles décrites comme intellectuelles (37%). Pour 73,5% des personnes interrogées cette activité est un moyen d’enrichissement et de connaissance. Mais ne nous y trompons pas, les « fantassins du social » restent attachés aux activités domestiques de loisir telles le bricolage, le jardinage (50%) que l’on pratique chez soi. Viennent ensuite les activités manuelles ( peinture, sculpture, couture…). Par contre, (est-ce surprenant ?), les pratiques extérieures de sociabilité intéressent beaucoup moins les professionnel(le)s qui apparemment ont leur dose de rencontres sociales dans le travail. Ainsi sachez que vous aurez peu chance de rencontrer une assistante sociale en discothèque , 69% d’entre elles n’y vont jamais. Les participations aux fêtes populaires ne sont pas vraiment leurs priorités tout comme la participations aux rencontres sportives en tant que spectateurs. Mais les assistantes sociales aiment toutefois les sorties. Le cinéma, le théâtre (44%), le restaurant sont des activités assez répandue tout comme la visite de musées (71%) et d’expositions (58%).
Comme d’autres, les assistantes sociales aiment les vacances et la pratique du sport. Dans celle ci on retrouve majoritairement la natation et la randonnée. 10% des personnes interrogées font aussi partie d’une chorale. Enfin 62% des collègues ayant répondu au questionnaire sont membres d’une ou de plusieurs associations. La majorité sont des associations caritatives ou humanitaires…
Quelles analyses en tirer ?
Les étudiants et Alain Vilbrod qui a accompagné ces travaux, ont analysé ces pratiques en regard de 3 axes : le premier est une analyse comparative entre les pratiques culturelles des assistants sociaux et celle des issues des classes moyennes. Le second axe porte sur l’influence des origines sociales des professionnel(le)s sur le choix des pratiques. Le troisième tente d’établir un parallèle entre les perceptions du métier et le choix des pratiques culturelles.
Ainsi il apparaît nettement que les pratiques culturelles des assistants sociaux sont atypiques par rapport à leur classe sociale d’appartenance. Elles seraient même supérieures aux pratiques des cadres et professions intellectuelles. Leur « boulimie » culturelle les classe dans la minorité des français qui cumulent toutes les formes de participation. Il s’agirait là d’un probable soucis de distinction.
L’origine sociale des professionnel(le)s ne semble pas être un facteur déterminant la pratique culturelle. Que l’on soit d’origine modeste ou non, la tendance est d’aller vers un accroissement de son capital culturel. Pour autant les assistants sociaux ne se mettent pas en position de rupture avec leur milieu d’origine.
Ainsi les pratiques culturelles des assistants sociaux concourent à renforcer leur identité professionnelle. Elles consolident ou visent à palier des manques. D’après l’étude engagée, les motivations pour devenir assistant(e) social(e) sont principalement de 3 ordres : la richesse relationnelle (le contact humain), le travail en équipe (le partenariat) et enfin la diversité du travail. Pour autant 3 difficultés principales sont dénoncées dans l’exercice du métier. Il y a les lourdeurs administratives, le manque de reconnaissance face aux élus et partenaires et le manque de moyens pour mener à bien les missions dévolues. Selon les auteurs de l’enquête, il existe une stratégie qui permet aux assistants sociaux de mettre en cohérence leurs situations professionnelles et leurs pratiques culturelles. « Enrichissant, passionnant et intéressant » sont les trois termes positifs qui sont associés aussi bien au métier qu’au choix de la pratique culturelle. Mais comme il y a aussi du stress, une majorité (53%) choisit aussi une activité pour « se défouler »
Ainsi les activités culturelles des assistantes sociales apparaissent aussi comme un facteur de rééquilibrage qui permet la cohérence entre vie personnelle et vie professionnelle. Il reste pour autant à vérifier si cette fonction concerne aussi d’autres professions liées à la relation. Car vraiment, les assistantes sociales sont-elles si différentes des autres ? La question est posée.
Didier Dubasque
Note : j’avais rédigé cet article il y a plus d’une dizaine d’années et il me semble rester d’actualité
Ref. « Les pratiques culturelles des assistants de service social : Toujours plus ! Un rapport boulimique à la culture » TD de Recherches en sciences Sociales et Communication sous la direction d’Alain Vilbrod.
crédit photo : Newfrontiers Culture Balloons / Balloons that spell out the word CULTURE. Certains droits réservés
4 Responses
Merci bien pour ces précisions !
Bonjour,
Je travaille sur les travailleurs sociaux et suis très intéressé par l’enquête que vous citez. Où peut-on la trouver ?
Merci d’avance.
Bonjour,
Cette étude avait été réalisée par des étudiantes assistantes sociales de l’ENSO à Rezé près de Nantes. Le centre de formation est désormais l’ARIFTS qui fait suite à la fusion de plusieurs associations dont l’ENSO. Ces travaux avaient été menés sous la direction d’Alain Vilbrod sociologue (alain.vilbrod@univ-brest.fr) qui travaille actuellement à l’université de Brest. Je n’ai pas retrouvé la source des documents que j’avais eu à ma disposition pour cet article qui datent d’environ une quinzaine d’année. Peut être en interrogeant le service de documentation de l’ARIFTS serait il possible de retrouver les documents originaux. Mais attention, cette étude date un peu. il est possible que les pratiques culturelles des assistantes sociales aient évoluées bien que j’en doute lorsque j’en parle autour de moi, avec mes collègues qui se retrouvent bien dans cet article