La ministre des solidarités et de la santé Agnès Buzyn a ouvert hier la journée nationale de présentation du plan de formation des travailleurs sociaux dans le cadre de la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté. Ce plan est ambitieux puisque qu’il propose que 50.000 travailleurs sociaux en activité bénéficient d’une formation continue chaque année, dès 2020 (sans retirer les formations continues déjà existantes). Problème, comme l’ont expliqué les représentants des OPCO et du CNFPT et de l’UNAFORIS, les projets de formation pour l’année 2020 sont « bouclés ». Nous sommes en janvier et il apparait difficile de les modifier « au pied levé ».
Engager une formation est un processus long et complexe. Même si les financements sont là, il faut disposer de suffisamment de formateurs compétents sur les sujets traités. Or il ne s’agit pas de renouveler les pratiques du passé mais bien de les revisiter en tenant compte des enjeux actuels. Il faut aussi convaincre les employeurs afin qu’ils acceptent de libérer leurs salariés ou du moins qu’ils valident les projets pour qu’ils puissent se former sur les priorités qui ont été retenues nationalement. Et là aussi c’est un travail de longue haleine qui ne se règle pas en une semaine ou deux.
Revenons d’abord sur 2 points. Le discours de la ministre Agnès Buzyn et les raisons de l’absence des syndicats CGT, FO, SNUASFP et SUD qui ont publié hier une lettre ouverte expliquant leurs désaccords.
Ce que nous dit la ministre des solidarités et de la santé
Dans son discours en ouverture de journée, Agnès Buzyn a estimé que, sans l’apport des travailleurs sociaux, le plan de lutte contre la pauvreté est voué à l’échec. La ministre a indiqué à cette occasion qu’il « n’existe pas de solution simples quand on est face à des problèmes complexes ».
Elle a rappelé que les travailleurs sociaux ont besoin d’être soutenus et reconnus. Elle s’inquiète à ce sujet d’un déficit des vocations et de la perte d’attractivité des métiers qui ont besoin d’être revalorisés.
Elle considère que ce processus de revalorisation passe aussi par une formation continue adaptée permettant aux travailleurs sociaux de mieux répondre aux évolutions de la société et de la demande sociale. Bref elle considère que la pratique du travail social est un élément majeur de la politique de lutte contre la pauvreté
Ce que nous disent les syndicats qui ont boycotté la journée d’hier
Nous ne sommes pas du tout sur le même registre d’analyse quand on prend connaissance des points qui mécontentent les syndicats (doit-on les appeler « non-réformistes » puisqu’il n’y a ni l’UNSA ni la CFDT ?). Ils expliquent que, tout au contraire, ce plan est une attaque à l’exercice de leurs métiers. « Le problème ne relève pas de la formation des travailleurs sociaux mais vient des pouvoirs publics quant à la stigmatisation des exclus et des plus précaires » est-il écrit.
Les termes employés sont sévères et montrent un fossé profond avec des accusations et une colère difficilement contenue : « Le gouvernement auquel vous appartenez réfléchit ses politiques sociales dans une logique purement comptable et technocratique »
« Vous venez de réformer nos diplômes alors que pendant plus de 5 ans, l’ensemble du travail social a manifesté, demandé audience pour expliquer que l’urgence et le problème n’étaient pas dans nos formations mais dans la perte de sens de notre travail, les dégradations des conditions d’exercice, l’absence de solutions réellement bien-traitantes ». Il est aussi question du conflit actuel sur la réforme du financement des retraites
Retrouver le sens du travail social
Tous font appel à la question du sens à retrouver dans l’exercice du travail social. De la ministre aux syndicats en passant par les participants à la journée d’hier, tous ou presque en ont assez de ces politiques « en silo », de ces dispositifs administratifs qui « embolisent » les professionnels. Les travailleurs sociaux, il faut bien le rappeler font face à une bureaucratie sans cesse croissante. Le manque de réponses adaptées aux besoins est tout autant dénoncé à de multiples occasions.
Bien sûr il faut aussi des moyens pour les travailleurs sociaux tout comme pour les hôpitaux, l’éducation et plus largement les services publics qui sont en contact direct avec la population la plus fragile. Mais pour ma part, je reste toujours désolé quand aucun dialogue ne peut s’engager. Bien sûr il existe des visions différentes d’une même situation, mais l’exercice du travail social qu’il soit individuel ou collectif nous a appris que tout n’est pas blanc ou noir.
Il peut y avoir des avancées dans un domaine, des reculs dans un autre, on piétine parfois. Le fait de présenter ce projet de formation continue des travailleurs sociaux ne me semble pas un recul bien au contraire, c’est plutôt une avancée.
J’ai connu par le passé des élus qui avaient une autre approche. Les travailleurs sociaux étaient stigmatisés et accusés de tous les maux. La présidence de Nicolas Sarkozy pour le citer, ne nous avait pas épargné allant même jusqu’à remettre en cause l’essence de notre travail. C’est tout autre chose aujourd’hui que d’entendre que l’on a besoin des travailleurs sociaux pour mener une mission de lutte contre la pauvreté même si l’on sait que ce ne sont pas eux qui ont toutes les solutions.
Tous ou presque le savent, les travailleurs sociaux ne sont pas des zorros. Ils ne disposent pas de logement, de travail, de places pour protéger les mineurs et majeurs fragiles. (certains dépensent une énergie folle pour en trouver). C’est là de la responsabilité du gouvernement de répondre à ces besoins non satisfaits et là, il a vraiment beaucoup à faire.
Note : je reviendrai en détail dans un prochain article sur les contenus des formations tels qu’ils ont été présentés par les 6 groupes de travail en charge de faire des propositions. Mais étant « juge et partie » dans la mesure où j’ai animé l’un des groupes de travail, je me limiterai à vous en présenter les seuls aspects techniques
3 réponses
Je trouve que Madame BUZYN a parfaitement raison. Si les travailleurs sociaux n’arrivent pas à réduire la misère, ce n’est pas parce que le gouvernement a imposé par exemple 4,5 milliards de réduction à l’assurance chômage … c’est parce qu’ils manquent de compétences ! On va leur apporter plus de formation. Si 1 200 médecins hospitaliers sont prêts à démissionner, ce n’est pas parce que l’hôpital est géré comme une entreprise, cherchant la rentabilité sur le dos des patients … c’est parce les soignants veulent gagner plus ! On va leur donner une prime mensuelle de 66 euros. Si des centaines de milliers de personnes défilent contre le projet de réforme de la retraite, ce n’est pas parce qu’elle s’aperçoivent jour après jour combien elles vont perdre … c’est parce qu’elles n’ont pas bien compris ! On va faire preuve de plus de pédagogie.
Heureusement que nos gouvernants sont là pour nous expliquer ce que décidément nous sommes bien trop bêtes pour piger. Donc merci à Madame BUZYN !!!
Bonjour,
A quand la revalorisation des salaires des travailleurs sociaux et des conventions type 66?
Comment s’occuper de la précarité sereinement quand on est précaire soi-même ?
Bonjour Didier Dubasque, je pense qu’on commence TOUS à comprendre que TOUTES les propositions de ce gouvernement cachent systématiquement un piège.