« Je m’appelle Merlida, j’habite dans une tente » : des milliers d’enfants font leur rentrée scolaire tout en dormant à la rue
Plusieurs associations, menées par le collectif lyonnais « Jamais sans toit » lancent un réseau national avec la FCPE, pour repérer et reloger les familles qui vivent dans la rue. Une série de témoignages publié dans cet article de France Info tente de nous faire comprendre cette réalité. Phéline Leloir-Duault et Agathe Mahuet ont rencontré des enseignants qui ont eu connaissance de plusieurs familles sans hébergement qui vivent de façon très précaire. « On a appris que deux familles de l’école maternelle dormaient à la rue », explique Fanny Talbot, une enseignante qui lance la mobilisation avec ses collègues, face à cette situation qu’elle juge « insupportable ».
De fait, 45 autres familles sont encore à la rue dans la métropole lyonnaise, ce qui veut dire qu’une centaine d’enfants à Lyon feront leur rentrée sans un logement pérenne. C’est le cas de cette famille albanaise : « Je m’appelle Merlida, j’habite dans une tente ». À 11 ans, Merlida vit depuis quelques jours dans un campement, juste à côté de la gare Lyon-Part Dieu, avec sa mère et sa petite soeur, Ruensa, 7 ans. Elles dorment « par terre », sous une toile de tente avec juste un tapis. « Il y a des valises, il n’y a pas de jouet ».
Cette réalité n’est pas nouvelle. Déjà en 2020 France 3 Occitanie expliquait quà Toulouse et dans les communes alentours, de nombreux enfants allaient à l’école la journée et rentraient « chez eux » le soir sur un bout de trottoir, dans un squat, dans une chambre d’hôtel « accordée » par le 115. Bien évidemment, cela n’est pas une raison pour ne rien faire. « L’école est encore plus importante pour ces enfants-là, car c’est le seul moyen de s’en sortir. Ce sont des enfants qui sont épuisés, qui s’endorment en classe et qui n’ont donc pas les mêmes chances que les autres » précise Fanny Talbot. (lire l’article sur FranceInfo:)
Nathalie Latour, directrice générale de la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS), indique sur rue89 Lyon que plus de 50 000 enfants dormaient dans la rue avec leurs familles en février dernier, au niveau national. Quant aux appels au 115, qui gère l’hébergement d’urgence, il a doublé en l’espace de six mois, passant de 890 enfants SDF en janvier 2022 à 1658 en juin dernier. À partir du 1er septembre, à l’initiative du collectif lyonnais, de la FCPE et du Collectif des Associations Unies, le tout nouveau réseau national d’aide aux élèves SDF devrait permettre de coordonner les différentes actions et de proposer des formations aux citoyen(ne)s qui souhaitent s’investir. (lire l’article de rue 89 Lyon)
- Lire aussi : Rentrée scolaire : 1600 enfants dormaient à la rue cet été | Le Parisien : En comptant les enfants hébergés en hôtels sociaux ou les familles vivant dans des campements de fortune, plus de 50 000 enfants en âge d’aller à l’école vivraient dans des conditions rendant les apprentissages quasi impossibles.
- Télécharger le TOITORIEL À l’usage des personnes qui souhaitent soutenir les familles sans toit des écoles, collèges et lycées
Éducation : donner la priorité aux perdants
Le sociologue François Dubet, spécialiste entre autres des questions liées à l’enseignement, signe un texte d’actualité publié par l’obervatoire des inégalités. 2 promesses n’ont pas été tenues, écrit-il. La première était une promesse d’égalité grâce à l’élargissement de l’accès aux études. La seconde postulait que l’allongement de la durée des études renforcerait l’adhésion aux valeurs de la démocratie …/… Il n’est pas facile d’effacer l’impact des inégalités sociales et culturelles sur les performances des élèves, pas plus qu’il n’est facile de neutraliser les stratégies des classes favorisées qui se mobilisent pour maintenir les avantages scolaires de leurs enfants.
La méritocratie scolaire, fut-elle juste, repose sur la séparation des vainqueurs et des vaincus au terme d’une compétition supposée équitable. Et plus on pense que le mérite scolaire est juste, plus les avantages qui en découlent apparaissent incontestables. Ainsi, plus les vainqueurs méritent leurs succès, plus les vaincus méritent aussi leurs échecs. Contre la cruauté de ce mécanisme de justification des inégalités, les politiques publiques en matière de justice scolaire devraient d’abord donner la priorité aux perdants de la compétition scolaire, et ceci d’autant plus que les vaincus sont, par définition, plus nombreux que les vainqueurs.
La cruauté de la compétition méritocratique, qui n’est que la caricature du libéralisme si souvent dénoncé ailleurs qu’à l’école. Or, l’école devrait refonder sa capacité à former des sujets autonomes et solidaires. Quand les leçons ne suffisent plus, l’école devrait être conçue comme l’expérience d’une vie commune dans une communauté éducative où les élèves apprendraient à travailler ensemble, à exercer des responsabilités, à « faire » quelque chose ensemble : construire des objets, faire des fablabs, monter des projets, écrire des scénarios, faire du sport et pas seulement de l’éducation physique…
Pour cela, la redéfinition et la réaffirmation du rôle éducatif de l’école exigent que la vocation enseignante ne soit plus réduite à la seule transmission du programme. On ne peut déléguer l’engagement dans la vie collective de l’école aux seuls « dispositifs » et au seul dévouement des enseignants. Depuis quelques décennies déjà, le recrutement et la formation des maîtres ne sont pas à la hauteur des enjeux. …/… Au bout du compte, la formation des adultes et des citoyens exige une profonde transformation de la vie scolaire et des formes d’apprentissage, conclut le sociologue. Un texte limpide que je vous invite à découvrir si ce n’est déjà fait. (lire l’article publié par l’observatoire des inégalités)
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- Rentrée scolaire 2022 : Pap Ndiaye veut faire de la mixité scolaire une priorité | 20 Minutes (« On peut dire un peu brutalement que l’école se débrouille mal avec les pauvres et qu’elle est injuste avec les pauvres », a-t-il dit dans un interview donné au média en ligne Brut
- Rurutu : l’accompagnement à la scolarité renouvelé | Polynésie la 1ère. (à Rurutu, c’est le service social qui vient en aide aux enfants en difficultés scolaires. Un dispositif a été spécialement mis en place il y a deux ans et semble être un réel soutien pour les familles).
Elle adore l’école et on le lui interdit »: Panthéa, jeune francilienne handicapée, privée de rentrée scolaire
Je ne suis pas un fan de BFMTV mais ce reportage mérite que l’on s’y arrête. Plusieurs journalistes (Chloé Berthod, Valentin Carpentier, Nicolas Chamontin et Shéhérazade Ben Essaid) ont filmé un témoignage assez éclairant. Il nous raconte l’histoire de Panthéa, 7 ans, qui est atteinte d’une grave maladie génétique l’empêchant de s’exprimer. Cette petite fille des Yvelines, dépendante dans les gestes du quotidien, doit donc intégrer une classe adaptée pour pouvoir suivre son cursus scolaire.
Les journalistes ne cherchent pas à apitoyer les téléspectateurs. Ils précisent que le cas de Panthéa est loin d’être isolé. D’après le collectif d’aide aux enfants handicapés, entre 800 et 1000 élèves ne sont pas scolarisés en Île-de-France. « Aujourd’hui, les familles, ce qu’elles veulent, c’est que leurs enfants soient scolarisés dans l’école du quartier. Pour des enseignants de classe ordinaire, il faut apprendre à accueillir des enfants en situation de handicap », indique le président de la Fédération Nationale des Associations au Service des Élèves Présentant une situation de Handicap Nicolas Eglin. » (regarder le reportage de BFMTV)
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- « Stardust », dernier roman très personnel de Léonora Miano sur ses premières années à Paris dans un centre d’hébergement d’urgence | FranceTV
- « Ceux qui partent à la retraite ne sont pas remplacés » : le manque de psychiatres en France affecte soignants et patients | l’Obs. En juin dernier, plusieurs syndicats alertaient dans un communiqué : « Jamais dans son histoire, depuis la Libération, la psychiatrie n’a connu un tel danger : l’effondrement est proche. »
- Plus de 900 disparitions inquiétantes de mineurs en 2021 en France | Le Progrès. En 2021, 43 870 de ces disparitions inquiétantes concernaient des mineurs, et parmi elles, 42 151 jeunes déclarés « en fugue », 545 signalés « enlevés (avec violence) ou « détournés » (sans violence) (le plus souvent par un parent lors d’un conflit familial), et pour 922 mineurs, la disparition a été jugée particulièrement préoccupante.
- «Que va-t-il devenir quand je ne serai plus là»?: l’angoisse de parents âgés qui s’occupent depuis toujours de leur enfant handicapé | La Charente Libre
Vous êtes allé(e) au bout de cette revue de presse ? Bravo et merci ! Merci aussi à Michelle Flandre qui m’a aidé à la réaliser.