L’Association Internationale pour la Formation, la Recherche et l’Intervention Sociale (Aifris) nous rappelle que nous vivons dans un monde de réalités plurielles et que nous fêtons cette année un curieux anniversaire. En 1972 Le document « Les limites à la croissance » connu sous le nom de Rapport du Club de Rome, ou encore Rapport Meadows, indiquait que la croissance démographique et la croissance économique ne pouvaient se poursuivre sur le rythme et les modalités qu’elles avaient atteintes. La population mondiale en ce début des années soixante dix était de 3,6 milliards d’humains.
50 ans plus tard en 2022 nous cheminons vers les 8 milliards. En 1972, il était écrit que le progrès technique ne ferait que différer l’effondrement inéluctable de l’écosystème mondial, incapable de supporter cette croissance exponentielle. Les scénarios présentés par les auteurs ne menaient pas tous à un effondrement. Mais il était constaté que les seuls scénarios sans effondrement étaient ceux qui abandonnaient la recherche d’une croissance exponentielle sans limites de la production.
En 2021, une comparaison des divers scénarios avec les évolutions réelles amène une chercheuse néerlandaise, Gaya Herrington, à estimer que le scénario « Business as usual » (continuer les affaires comme d’habitude), prédisant un effondrement avant 2040 est le plus vraisemblable. Depuis, 2 options s’affrontent : le premier estime que «le monde court à la catastrophe, climatique, sanitaire, économique, politique et sociale. » alors que le second, plus optimiste, estime que «le monde passe un moment difficile, mais s’en tirera principalement grâce aux technologies, existantes ou encore à inventer. »
Qu’en est-il du travail social dans cet environnement inquiétant et face à des repères si contradictoires ?
C’est bien la question que pose François Gillet. Il est président du comité scientifique permanent de l’AIFRIS. Il en est certain : les « crises » de différentes natures se succèdent à un rythme qui va s’accélérer : crises financières, économiques, énergétiques, crises sociales et politiques, crises sanitaires et environnementales, crises et conflits géopolitiques… avec de lourdes conséquences sur l’ampleur et la nature du travail social.
Le travail social est directement impacté par l’accumulation des crises « Il est incontournable de prendre la mesure de son cadre de travail pour donner du poids et du sens à ses interventions. Le caractère local des problèmes rencontrés interagit comme jamais avec la dimension internationale. On en tient pour exemple celui de la crise énergétique actuelle où la hausse folle des tarifs amène les services sociaux à accompagner les populations précaires et une partie des classes moyennes dans le payement de leurs factures de gaz ou d’électricité, écrit François Gillet
Le prochain congrès international de l’AIFRIS se tiendra à Paris en juillet 2023. Son thème est directement en lien avec ce qui se vit dans nos sociétés. Les rencontres s’intitulent « Sociétés en crises et travail social : explorer les dynamiques politiques, de formations, de recherches, d’interventions et d’expériences » . Les centres de formations au travail social des différents pays vont plancher sur ce sujet.
Un appel à contributions pour le 10e Congrès de l’AIFRIS
« Comme l’artisan d’art, le travailleur social invente quotidiennement des outils, élabore des méthodes appropriées pour chaque tâche à accomplir », autrement dit, l’adoption contrainte de savoirs-être et de savoirs-faire nouveaux ou inédits permet la mise en œuvre de « pratiques émergentes ». Mais qu’en est-il de l’inventivité en temps de crise des décideurs, des bénévoles, des personnes accompagnées ? Comme pour les travailleurs sociaux, chacun de ces groupes d’individus se retrouve confronté à assurer une continuité dans un environnement incertain, voire inédit.
Dans cette période de crises durables et multiples que le monde globalisé contemporain expérimente, il reste important d’analyser les aspects dommageables qu’elles produisent. Leurs formes sont diverses et nous sommes face à un déficit de conceptualisation, qu’il s’agisse de crises médiatisées ou de crises silencieuses. Il apparaît cependant incontournable d’étudier en quoi les crises peuvent être fécondes pour la pratique des différents acteurs de l’action sociale.
Le champ du social est un millefeuille traversé de tensions politiques, institutionnelles, juridiques, éthiques et morales qui place les intervenant(e)s sociaux dans des injonctions paradoxales écrit l’AIFRIS dans son appel à contributions. Les périodes de crises exacerbent certaines tensions et en atténuent d’autres, forcent à la reconfiguration des normes professionnelles et des valeurs personnelles et obligent parfois à la transgression. Autant de contextes qui favorisent l’inventivité, voire la créativité et l’apparition de pratiques émergentes. Comment décider, comment accompagner et quelle posture adopter face à l’inconnu et à l’imprévu, tout en restant dans une norme « acceptable »
4 axes de travail pour vos contributions sur les pratiques émergentes en situation de crise.
Si la réflexion éthique est un axe transversal essentiel à identifier, il reste nécessaire de tenter de capitaliser, de mettre en commun nos connaissances ainsi que celles des personnes accompagnées. L’Aifris vous invite à apporter votre contribution en la positionnant dans l’un de ces 4 domaines. Les questions qui les accompagnent vous précisent le sens des apports attendus
- Axe 1 – Les pratiques émergentes en contexte de crise : les processus à l’œuvre et ses acteurs ?
- Quels sont les processus à l’œuvre dans l’élaboration et la mise en œuvre de pratiques émergentes ? (Gestion de l’urgence, analyses des questions sociales, processus de conceptualisation, partenariats noués, etc.).
- A quoi se reconnait une pratique émergente comme telle ? Qui l’identifie ? Sur quels critères ?
- Quelles sont les marges de manœuvre, la liberté d’action dont se saisissent les acteurs concernés en situation de crise ? (Politiques, territoires, organisations, professionnel.l.e.s, groupes sociaux vulnérables, etc.)
- Comment les acteurs et groupes d’acteurs (territoires, groupes sociaux, politiques, institutions, professionnel–le–s ou personnes accompagnées) contribuent–ils à l’élaboration de pratiques émergentes ?
- Axe 2 – Les pratiques émergentes en situations contraintes : quel dialogue entre l’éthique et la morale ?
- Quels problèmes éthiques se posent dans des situations de « crise » ? Quels modes et modalités de résolution y apporter ?
- Dans un contexte de crise où les dimensions, individuelles, collectives, organisationnelles et politiques se percutent, comment l’éthique et la morale s’articulent–elles ?
- Les pratiques émergentes s’étayent–elles sur des valeurs significatives, des orientations éthiques spécifiques ou un renversement de priorités ?
- Axe 3 – Politique et institutions articulées aux pratiques émergentes : actions d’urgence, processus d’innovation et d’institutionnalisation
- En quoi les actions des différents acteurs, produites en contexte de crise et souvent dans l’urgence, transcendent–elles les frontières organisationnelles et politiques ?
- Qui décide et sur quels critères des pratiques émergentes à pérenniser ou institutionnaliser ? Quel en sont les processus de terrain, institutionnels, scientifiques et politiques ?
- Quels enseignements tirer de pratiques émergentes issues de contextes de crises ? Comment analyser, décrire et formaliser la conceptualisation et la mise en œuvre des pratiques émergentes ? Comment les faire connaître, favoriser leur transférabilité ?
- Quel travail prospectif d’anticipation est–il réalisé dans la perspective de prochaines crises ? Qui en sont les acteurs ?
- Axe 4 – Acteurs de l’action sociale, de la recherche et de la formation autour des pratiques émergentes : expériences et mises en savoirs
- Les pratiques émergentes font–elles apparaître de nouveaux acteurs de l’action sociale ? Entraînent–elles une redéfinition des liens, des rôles, des missions et des zones de pouvoir respectives ?
- Comment intégrer les pratiques émergentes à la recherche et aux formations en travail social ? Comment former aux pratiques émergentes ?
- Quels sont les effets des crises sur les acteurs de l’action sociale : transformation des priorités ? Modification du sens de l’action ? Retour du sens politique ou de l’engagement vocationnel ? Nouvel équilibre personnel et professionnel ?
- Comment l’action des bénévoles se mutualisent–elles à celle des travailleurs sociaux et travailleuses sociales en temps de crise ?
Que vous soyez chercheur, intervenant social, personne accompagnée, formateurs avec une expertise reconnue, n’hésitez pas à adresser votre proposition de contribution avant le 16 janvier 2023 pour permettre une avancée de la réflexion et de la connaissance sur ces sujets. Pour cela, vous pouvez
- Télécharger l’appel à communication…
- Déposer et gérer une proposition de communication en créant votre compte de « communicant »
- Télécharger La lettre de l’AIFRIS N°49 qui traite de ce sujet
Le comité scientifique permanent de l’AIFRIS est disponible pour accompagner les personnes et les équipes qui le souhaitent dans la formalisation de leur communication ou, le cas échéant, dans l’aide à la traduction en langue française (contact : cspaifris@aifris.eu).