Bonjour et bienvenue à cette revue de presse ! Une nouvelle fois, l’Aide Sociale à l’Enfance est au coeur des commentaires sur ses éventuelles défaillances après l’annonce du suicide d’une adolescente. Plusieurs témoignages dénoncent des manques de moyens (rien de nouveau) mais un avis diffère : celui du président du Conseil Départemental du Puy-de-Dôme. Il rappelle aussi la détresse psychique des adolescents. A ce sujet voici aussi un article qui met en avant des formations de « secouristes en santé mentale ». Les travailleurs sociaux et notamment les assistantes sociales ont d’ores et déjà les qualités pour répondre à ce nouveau besoin qui témoigne d’une croissance des détresses psychiques. Nous parlons ensuite du troisème baromètre du CNLE (le Conseil national de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale). Pas très réjouissant ce baromètre ! Il montre une situation qui se dégrade. Enfin comme d’habitude, vous pouvez aussi retrouver une sélection de liens vous permettant de découvrir des articles suceptibles de vous intéresser. Bonne lecture !
L’ASE est-elle à bout souffle ?
Le suicide de Lily, une adolescente de 15 ans suivie par l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE) et retrouvée pendue dans sa chambre d’hôtel près de Clermont-Ferrand, a suscité une vive émotion et une série de critiques à l’égard du système de protection de l’enfance. Ce type de critique n’est pas vraiment nouveau si j’en réfère à ce que je pouvais écrire en mars 2020. Il n’empêche, cet événement dramatique rappelle une nouvelle fois les difficultés rencontrées par les services de protection. Ils restent confrontés à un manque de moyens et à une capacité d’accueil insuffisante. Plusieurs articles reviennent sur ce drame qu’il faudrait aussi pouvoir traiter à l’échelle des difficultés de prise en charge du mal-être psychique et psychologique des adolescents.
« C’est un échec sociétal »
Les professionnels de l’ASE, réunis en hommage à Lily, ont dénoncé la situation révélatrice d’un « système à bout de souffle », incapables de protéger efficacement les jeunes en danger. Ils pointent du doigt les services engorgés, le manque de moyens et les délais d’attente qui s’allongent, rendant la protection des enfants en danger de plus en plus difficile. Cette situation est aggravée par une augmentation des signalements de violences, sans que des solutions adaptées soient proposées en temps utile. (lire l’article de France 3 Auvergne Rhône-Alpes)
C’est « un système qui n’est plus en capacité de protéger les enfants »
Lyes Louffok, militant pour les droits des enfants placés et lui-même ancien enfant de l’aide sociale à l’enfance, a été interrogé par de multiples médias. Il a déroulé des arguments maintes fois répétés. Il a notamment rappelé que cette situation tragique n’est pas isolée, mais récurrente. Malgré les alertes répétées sur les conséquences dramatiques de ces manquements, peu de choses changent. Il a une nouvelle fois interpelé les élus et les responsables politiques, en les invitant à se demander s’ils accepteraient de telles conditions pour leurs propres enfants. Il souligne l’urgence d’une prise de responsabilité et d’une réflexion éthique sur la protection de l’enfance, insistant sur le fait que la situation actuelle est inacceptable et nécessite des actions immédiates et significatives pour éviter la répétition de drames similaires à celui de Lily. (écouter le podcast et lire l’article de France Inter)
Face à cette volée de critiques, Lionel Chauvin, président du Conseil départemental du Puy-de-Dôme a défendu l’action de l’ASE. Il a précisé que l’établissement dans lequel résidait Lily, bien que référencé comme un hôtel, était spécifiquement dédié à l’accueil des enfants de l’ASE. Il a mentionné que la situation était conforme à la loi et adaptée aux besoins de la jeune, soulignant la présence d’un encadrement éducatif et d’installations appropriées dans l’établissement. Il a rejeté les critiques sur la gestion de la protection de l’enfance, attribuant les difficultés rencontrées à des problèmes plus spécifiques, notamment en matière de prise en charge de la santé mentale des jeunes. Il a insisté sur le fait que cet établissement représentait le lieu de vie où Lily avait résidé le plus longtemps. (lire l’article de France Bleu)
Ces témoignages et prises de position révèlent les tensions toujours aussi vives auxquels sont confrontés les acteurs de la protection de l’enfance. Ils soulignent la nécessité de réformes structurelles pour améliorer la prise en charge des enfants en danger et prévenir de futurs drames. La mort de Lily est un rappel douloureux des failles d’un système. Pour autant, les suicides des jeunes qui vivent des difficultés sont actuellement en grande augmentation dans toutes les strates de la société. Les enfants de l’ASE n’y échappent pas. Or ce problème n’est pas vraiment abordé alors que la mort de Lily en est aussi révélatrice de cette réalité.
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- Placement des mineurs en hôtel : pour Lyes Louffok, « on ne se donne pas les moyens de protéger les enfants » | Le Huffington Post : Lyes Louffok qui a récemment multiplié ses interventions dans de multiples médias dénonce cette fois-ci l’absence de mise en œuvre du décret d’application de la loi Taquet de février 2022. Celui-ci interdit théoriquement le placement des mineurs dans des hôtels. Bien que le décret confirme cette interdiction pour les moins de 16 ans, il introduit des exceptions et des dérogations qui suscitent l’inquiétude.
- Protection de l’enfance : L’accueil d’urgence interdit en hôtel mais autorisé en structure « jeunesse » | 20 Minutes : Cet article présente le nouveau décret pris en réponse à l’interdiction d’hébergement en hôtel. Il permet l’hébergement d’urgence des mineurs de plus de 16 ans et des jeunes majeurs de moins de 21 ans dans des structures « jeunesse » pour une durée limitée. Ce décret fait suite à la polémique engagée suite au suicide de Lily adolescente. Malgré l’objectif d’améliorer la prise en charge, ce décret soulève encore des questions sur sa capacité à répondre efficacement aux besoins des jeunes en situation d’urgence.
- Protection de l’enfance : le « placement à domicile » à considérer comme une AEMO | Le Média Social. Voilà un arrêt intéressant de la Cour de cassation souligné par le Média Social La cour a récemment clarifié la nature juridique du « placement éducatif à domicile » (PEAD) dans le cadre de l’assistance éducative, suite à une demande d’avis par un juge des enfants. Cette mesure, introduite par la loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants, a suscité des interrogations quant à sa classification : s’agit-il d’un placement sous l’égide de l’aide sociale à l’enfance ou d’une forme d’assistance éducative en milieu ouvert (AEMO) renforcée ? La Cour a tranché en faveur de la seconde option, considérant le PEAD comme une AEMO renforcée plutôt que comme un placement. Cette décision a d’importantes implications, notamment en préservant les droits parentaux, puisque contrairement au placement, l’AEMO renforcée ne transfère pas la responsabilité parentale aux services de l’aide sociale à l’enfance. Cette clarification juridique vise à mieux encadrer la mise en œuvre de ces mesures éducatives, en assurant une protection efficace des enfants tout en respectant les droits des familles.
Cet article de France 3 Occitanie est intéressant à bien des égards. Nous vivons dans une société où le mal-être et les troubles psychiques touchent une part significative de la population. La nécessité de former des secouristes spécialisés en santé mentale est devenue de plus en plus évidente. Inspirée d’une initiative australienne des années 2000, la France a commencé à développer ces formations depuis 2019, visant à outiller les citoyens pour mieux gérer les situations délicates. On apprend qu’à ce jour, plus de 94 000 personnes ont été formées, avec l’ambition d’atteindre les 150 000 formés dans l’année à venir.
Le secourisme en santé mentale se concentre sur des compétences spécifiques telles qu’approcher, écouter, réconforter, et renseigner. C’est une première réponse empathique face à des situations de détresse psychologique qui normalement peut être menée par des travailleurs sociaux spécialisés dans l’écoute et la reformulation. Mais cette formation spécifique est nécessaire comme l’explique Gabriel Maffre, lui-même secouriste formé dans ce domaine. Il en souligne l’importance pour appréhender correctement les différentes manifestations de souffrance psychique, qu’il s’agisse de troubles anxieux, de dépression, ou de pensées suicidaires, notamment exacerbées par les récents défis sociétaux.
La formation des secouristes en santé mentale vise ausi à briser les tabous entourant les troubles psychiques. Elle fournit les outils nécessaires pour une écoute sans jugement et une orientation adéquate vers les soins professionnels. Elle s’adresse à un large public, incluant les ambulanciers, les pompiers et les étudiants.
Cette approche nos renseigne aussi une réalité souvent négligée : si la société sait généralement comment réagir face à des problèmes physiques, elle se trouve souvent démunie face à la souffrance psychique qu’elle a du mal à reconnaitre, voire à accepter. Les secouristes en santé mentale comblent cette lacune. Ils peuvent être des intermédiaires précieux pour un soutien immédiat, mais aussi pour orienter efficacement les personnes en détresse vers les ressources adaptées. (lire l’article de France 3 Occitanie)
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Baromètre du CNLE : les effets cumulatifs de l’inflation détériorent les conditions de vie des ménages et engendrent de fortes inquiétudes pour l’avenir
Le Conseil national de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale (CNLE) publie sa troisième vague du baromètre de suivi qualitatif de la pauvreté et l’exclusion sociale. Désolé de le dire, mais les résultats ne sont pas encourageants. L’une des principales observations de ce rapport concerne les effets de l’inflation, qui touchent désormais une population plus large, tout en rappelant les conditions de vie déjà difficiles des personnes en situation de précarité. Parmi les points de vigilance soulignés, on note la précarisation croissante des personnes âgées, la fragilisation des travailleurs modestes non éligibles aux aides sociales, l’augmentation du nombre de jeunes en situation de déshérence, et les difficultés spécifiques rencontrées par des publics aux besoins particuliers, souvent mal pris en compte par les politiques publiques.
Les conséquences de l’inflation se manifestent par une détérioration du pouvoir d’achat, un sentiment de déclassement et une incapacité à faire face aux imprévus. Cela affect » tant les personnes aux ressources limitées que celles ont un travail précaire. Les difficultés liées au logement et à la santé persistent, tandis que l’accès aux droits et aux services sociaux demeure un problème majeur, exacerbé par les obstacles numériques et administratifs. (Rien de nouveau sous le soleil).
Le rapport met aussi en avant les problèmes de santé, notamment psychologiques, qui s’aggravent en raison d’un manque de prise en charge adaptée. La précarité prend ainsi un caractère multidimensionnel, touchant divers aspects de la vie des individus, de la santé à la mobilité, en passant par les complications familiales et les problèmes de logement.
De leur côté les acteurs de terrain expriment des difficultés croissantes dans l’exercice de leur profession. Ils font face à l’augmentation des demandes d’aide et à la diminution des ressources disponibles. Cette situation alarmante soulève des inquiétudes quant à la capacité des institutions à répondre efficacement aux besoins des populations vulnérables, menaçant la cohésion sociale et la confiance dans les services publics.
Ce baromètre, réalisé par un bureau d’études (VizGet) est un outil utile pour comprendre les dynamiques de la pauvreté et de l’exclusion sociale en France mais il a quelques défauts. Avec seulement 76 répondants au questionnaire, il est nécessaire de s’interroger sur la représentativité des professionnels interrogés. (Lire l’article du CNLE) (Télécharger l’enquête) (Télécharger sa synthèse)
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Une réponse
J’admire le travail des professionnels sérieux, mais il faut aussi parler de ceux qui ont oublié le fond même de leur travail et se servent du principe de précaution pour faire des placement qui facilite les dicimulation de leur manquement ou de leurs préjugés désirent imposé une vision de l’éducation et de la vie de famille qui correspondent à leurs conviction et mode de vie soutenue par des juges qui se contente de leur parole et cela au détriment des enfants et de leurs droits