L’appel de Jean-Pierre Rosenczveig / Alerte éthique dans l’action sociale / Toulouse : la maraude de l’EMSS en danger

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Bonjour et bienvenue à cette revue de presse, où nous parlons une nouvelle fois de crise au sein de la protection de l’enfance avec une interview qu’a donné Jean-Pierre Rosenczveig au site enfancejeunesseinfos.fr. Il  critique vivement le manque de synergie entre l’État et les Départements dans la protection des enfants en danger. Découvrez également « Alerte éthique dans l’action sociale » d’Anne Salmon, un ouvrage percutant qui dénonce les dérives éthiques dans le travail social. Nous parlons aussi de la lutte pour sauvegarder une équipe historique de maraude à Toulouse, essentielle pour les plus vulnérables. Cette revue de presse vous propose aussi de multiples liens, allant des analyses de Thomas Piketty sur l’idéologie anti-pauvreté à des témoignages sur les conditions de vie des mineurs isolés. Chaque article sélectionné vous permet de vous informer et de réfléchir sur ce qui fait le travail social au quotidien. Bonne lecture !

 


Jean-Pierre Rosenczveig : « L’État et les Départements doivent cesser de se renvoyer la balle »

La journaliste Nadia Graradji interviewe Jean-Pierre Rosenczveig dans un article publié par le site enfancejeunesseinfos.fr. Jean-Pierre Rosenczveig est, rappelons-le, une sommité dans le domaine de la protection de l’enfance. L’ancien président du tribunal pour enfants de Bobigny souligne la nécessité d’une collaboration accrue entre l’État et les Départements pour résoudre la crise en cours. Il critique le manque d’exécution des mesures de protection pour les enfants en danger, qualifiant cette négligence de violence et d’abandon. Il dénonce les défaillances systémiques et appelle à une prise de conscience collective.

« La crise de la protection de l’enfance va revenir aux pouvoirs publics en « effet boomerang ». Quand il y aura deux ou trois drames qui feront la une du journal de 20 heures, ce sera difficile à assumer par la ministre ou par les conseils départementaux concernés ».

Jean Pierre Rosenczveig insiste sur le fait que, malgré la décentralisation, l’État a des responsabilités non négligeables dans ce domaine, notamment en matière d’égalité d’accès aux droits sur tout le territoire. Il déplore l’oubli de ces responsabilités, mais aussi une forme de complaisance des Départements face à cette situation. Il réitère l’appel à des États généraux de la protection de l’enfance, dans le but de développer un plan d’action concret et un « plan Marshall » pour le secteur, en crise notamment en termes de rémunération et de reconnaissance des professionnels.

 

Une série de statistiques appuie son propos. L’une des informations les plus frappantes concerne le délai d’exécution des mesures de protection pour les enfants en danger. À Bobigny, par exemple, il faut actuellement entre un an et un an et demi pour qu’une mesure d’Action Éducative en Milieu Ouvert (AEMO) soit mise en œuvre, un délai qui témoigne d’un système débordé et inefficace. La situation est similaire dans d’autres juridictions.

Le magistrat honoraire aborde aussi dans cet interview la question du soutien financier nécessaire pour améliorer la situation. Il critique le montant insuffisant alloué par le gouvernement, estimant que 500 millions d’euros, et non les 32 millions proposés, seraient nécessaires pour répondre de façon adéquate aux besoins du secteur. Cette somme qui peut sembler considérable reflète l’ampleur des moyens nécessaires à engager pour remédier aux problèmes systémiques actuels.

Un autre aspect soulevé par Jean-Pierre Rosenczveig est celui des Mineurs Non Accompagnés (MNA). En 2018, environ 48.000 personnes se présentaient comme mineurs étrangers isolés, mais seulement 17.000 ont été reconnues comme telles. À la fin de l’année 2021, le nombre de MNA était d’environ 14.000, un chiffre qui, bien que légèrement inférieur, reste significatif. Le coût annuel de la prise en charge de ces jeunes par l’Aide Sociale à l’Enfance est estimé à 1,5 milliard d’euros, ce qui représente une part du budget global de l’ASE. Au total, fin 2021. Au final l’ASE accueillait 204.000 mineurs et jeunes majeurs, dont environ 15% étaient des mineurs et jeunes majeurs étrangers. Il faut donc accepter de ne pas parler que des MNA alors qu’ils sont sources de toutes les inquiétudes médiatiques. Ils ne sont pas à l’origine de toutes les difficultés.

« Les enjeux de la protection de l’enfance ne se réduisent pas aux MNA. Ils ne se réduisent pas non plus aux violences sexuelles faites aux mineurs et aux recommandations de la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants »

L’ancien magistrat aborde aussi la question de la recentralisation de l’aide sociale à l’enfance, une solution qu’il considère comme trop simpliste. Il préconise une approche plus nuancée, en prenant en compte les leçons de l’histoire et les modèles internationaux. Il souligne également le rôle crucial des familles dans la protection de l’enfance, appelant à un soutien accru à la parentalité. Il conclut son entretien sur une note d’inquiétude quant à l’apathie des professionnels du secteur social, révélée par le faible taux de signatures de la  pétition en ligne visant à alerter sur la crise actuelle.

 

signez la pétition

(Signer la pétition « Sauver la protection de l’enfance pendant qu’il est encore temps

 


Alerte éthique dans l’action sociale

Il n’est pas banal qu’un président de collectivité territoriale soit un « lanceur d’alerte ». C’est pourtant le cas de Jean Luc Gleize, le Président du Conseil Départemental de Gironde. Il nous invite à découvrir le livre intitulé « Alerte éthique dans l’action sociale » qu’il a préfacé. Cette alerte spécifique a de quoi nous interroger.

Dans son ouvrage, Anne Salmon aborde avec acuité la question de l’éthique dans le domaine du travail social. Elle examine minutieusement la manière dont l’éthique managériale, initialement conçue pour encadrer le travail social, a été progressivement détournée. À travers l’analyse de divers documents, tels que des chartes éthiques et des codes déontologiques, elle dévoile les dérives d’une éthique instrumentalisée, souvent au détriment des valeurs fondamentales du travail social.

L’ouvrage souligne l’importance cruciale de l’éthique pour les professionnels du lien social, qui sont confrontés quotidiennement à des choix difficiles. Anne Salmon nous met en garde contre une dérive dans laquelle l’éthique, sous couvert de répondre aux besoins des travailleurs sociaux, est utilisée pour les aligner sur les impératifs de la concurrence et de la marchandisation de l’action sociale. Elle argumente avec force que les pratiques sociales ne peuvent être considérées comme éthiques si elles vont à l’encontre des droits et de la dignité humaine.

Enfin, l’auteure appelle à une prise de conscience collective. Elle invite les étudiants, les professionnels du lien social et les élus à réfléchir sur l’éthique dans l’action sociale, non seulement comme un sujet de débat, mais aussi comme un levier d’action. Son plaidoyer pour un engagement collectif vise à redéfinir les pratiques et les valeurs qui sous-tendent le « prendre soin », pierre angulaire de notre société. Ce livre, écrit Jean-Luc Gleyze, résonne avec les préoccupations des professionnels de terrain et constitue une matière à penser et à agir pour tous ceux impliqués dans le travail social. La lecture complète de l’ouvrage d’Anne Salmon est vivement recommandée pour celles et ceux qui souhaitent aller plus avant dans cette réflexion

 


Contre le démantèlement d’une équipe historique de maraude professionnelle à Toulouse

L’avenir de l’Equipe Mobile Sociale et de Santé (EMSS) de Toulouse est remis en cause et risque de disparaitre. Cette équipe, composée de travailleurs sociaux du Centre Communal d’Action Sociale (CCAS) et d’infirmiers du CHU de Toulouse, représente pourtant un soutien important pour les personnes vivant dans des conditions de grande vulnérabilité. Depuis plus de 20 ans, cette équipe intervient quotidiennement, de manière inconditionnelle, auprès de femmes, de familles, de mineurs isolés et d’hommes vivant en marge de la société. Elle incarne un lien vital avec le monde extérieur pour ces personnes souvent oubliées.

La décision de dissoudre cette équipe, qui a prouvé son efficacité et dont l’expertise est largement reconnue, est présentée comme une solution managériale. Elle implique la séparation de l’EMSS en deux équipes distinctes. Cette mesure soulève des interrogations profondes : pourquoi démanteler un dispositif qui a fait ses preuves, qui maintient un lien d’humanité et assure l’accès aux droits fondamentaux pour les plus démunis ? Dans une société où les corps et les vies des plus précaires sont trop souvent broyés, la préservation d’une telle équipe dans le contexte actuel  est vraiment nécessaire.

Un appel à la mobilisation est lancé. Un rassemblement est prévu demain mardi 19 à 12h30 devant le SIAO de Toulouse, situé au 66 bis avenue Etienne Billières, 31300 Toulouse. Cette initiative vise à soutenir l’EMSS et à empêcher sa disparition. La pétition disponible sur Change.org est un moyen concret de manifester ce soutien. Il est important de noter que, après avoir signé la pétition, une confirmation via un mail est nécessaire pour valider la signature (on l’oublie souvent) (lire le texte de la pétition)

 


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