Réforme du RSA : Une « mise au travail » discutable des allocataires sans véritables moyens.

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Mon ami Yves Faucoup, qui fut travailleur social puis directeur d’action sociale d’un Département vient de publier une tribune dans le journal Le Monde le 26 juin dernier. Auteur du blog «Social en question» sur Mediapart, il n’est plus aujourd’hui en activité mais s’inscrit dans une veille sociale quotidienne et contribue ainsi à alimenter la réflexion professionnelle des acteurs du travail social. Que nous dit-il ?

Il critique à juste titre la tentative du gouvernement de mettre en œuvre une « mise au travail » des allocataires du RSA sans fournir les moyens nécessaires pour la réaliser. En effet, le gouvernement envisage de remplacer Pôle emploi par France Travail, dont l’une des missions sera de s’assurer que les allocataires du RSA sont inscrits au chômage et ont signé un contrat d’engagement. À terme, l’objectif serait d’imposer une activité de quinze à vingt heures par semaine à ceux qui perçoivent le RSA. Plusieurs articles de ce blog ont rappelé combien ce type de risque de se traduire par une nouvelle stigmatisation de la population la plus pauvre.

Remettre les pendules à l’heure

Yves Faucoup nous rappelle que le revenu minimum, en place depuis près de trente-cinq ans, vise à garantir une allocation différentielle de faible niveau à une personne sans ressources. Cette allocation est fixée à la moitié du seuil de pauvreté pour une personne seule, soit 534 euros par mois. En échange de cette allocation différentielle qui évolue selon ses ressources, un engagement d’activité est signé par la personne en fonction de sa situation.

Il note au passage que les fonds consacrés à l’accompagnement social et professionnel sont passés de 20% du montant des allocations dans les années 1990 à 7% aujourd’hui.. Cette volonté de réforme du RSA n’est pas la première du genre rappelle-t-il. Elle avait été mise en place par Nicolas Sarkozy et avait finalement été un échec. Le débat public sur le RSA est simpliste et très politisé. Pour être efficace, des moyens doivent être mis en place pour l’accompagnement.  C’est aussi pourquoi il souligne que la règle des quinze à vingt heures d’activité obligatoires est irréalisable, et que le gouvernement le sait très bien.

Quels sont les moyens nécessaires pour un  retour à l’emploi efficace des allocataires du RSA ?

Une insertion professionnelle efficace des personnes au RSA nécessite une approche globale. Elle doit pouvoir tenir compte de la complexité des situations individuelles. Voici rapidement cités quelques moyens nécessaires :

  1. Un accompagnement personnalisé : Chaque allocataire du RSA fait face à une ou plusieurs problématiques spécifiques. Certains peuvent être prêts à travailler, mais ont du mal à trouver un emploi, tandis que d’autres peuvent avoir besoin de soutien pour surmonter des obstacles personnels ou de santé. Un accompagnement personnalisé peut aider à identifier et à surmonter ces obstacles. Cela existe dans de nombreux départements (comme la Loire-Atlantique)
  2. Une formation et une éducation : De nombreux allocataires peuvent ne pas avoir les compétences ni avoir reçu l’éducation nécessaire pour accéder à un emploi. Des actions de formation et de socialisation peuvent les aider à acquérir ces compétences dont ils ont besoin pour entrer sur le marché du travail.
  3. Un soutien à la santé mentale et physique : certains allocataires peuvent avoir des problèmes de santé mentale ou physique qui rendent difficile la recherche ou le maintien d’un emploi. Un soutien dans ces domaines est là aussi nécessaire pour les aider à s’inscrire dans les contraintes liées à un travail.
  4. Une aide à la recherche d’emploi : La recherche d’emploi est souvent un processus difficile et décourageant. Des services d’aide à la recherche d’emploi, tels que l’aide à la rédaction de CV, la préparation aux entretiens et la recherche d’opportunités d’emploi, sont bénéfiques dès lors qu’ils conduisent à l’autonomie.
  5. La flexibilité des exigences de travail : Comme le souligne Yves Faucoup, l’idée d’imposer quinze à vingt heures d’activité hebdomadaire peut être irréalisable pour certains allocataires du RSA. Une approche plus mesurée, qui tient compte des capacités et des contraintes individuelles de chacun, serait plus efficace.
  6. Un soutien financier adapté : Le niveau actuel de l’allocation RSA n’est absolument pas suffisant pour permettre aux allocataires de couvrir leurs besoins de base tout en cherchant un emploi. Un soutien financier adéquat est crucial pour leur permettre de se concentrer sur les démarches à engager.
  7. Une action volontaire des employeurs : le monde du travail est souvent sans concession. De nombreux employeurs n’ont que faire des conditions de vie de leurs salariés. Une attention particulière devrait être portée sur les salariés anciens allocataires qui sont plus fragiles que d’autres. Il existe des groupements d’employeurs sensibilisés à ce problème et signent des conventions avec les Départements, mais ils sont trop peu nombreux.

 

En somme, une « mise au travail » efficace des allocataires du RSA nécessite une approche globale. Celle-ci va bien au-delà de la simple obligation de chercher un emploi. Elle nécessite un investissement significatif dans l’accompagnement social et professionnel, la formation, le soutien à la santé, l’aide à la recherche d’emploi et le soutien financier. Yves Faucoup souligne aussi l’importance de la négociation plutôt que de l’imposition dans le parcours d’insertion des allocataires RSA. Il met en garde contre le risque d’un dispositif autoritaire qui serait voué à l’échec, car les professionnels de l’accompagnement résisteront et les allocataires aussi.

Le gouvernement est-il prêt à mettre les moyens nécessaires pour cet accompagnement qui serait généralisé ?

Faut-il rappeler que 1,8 million de foyers perçoivent le RSA ? Combien de professionnels de l’accompagnement faudrait-il pour proposer des actions d’insertion et du travail à chacun d’entre eux ?  Yves Faucoup explique, preuves à l’appui, que cette obligation de quinze à vingt heures d’activité hebdomadaire est irréalisable. Il reproche au gouvernement de connaître cette réalité, mais de l’ignorer dans l’espoir de gagner des points auprès de « ceux qui travaillent » et considèrent que ceux qui touchent le RSA en profitent et ne veulent pas travailler. Il doute que l’exécutif ait l’intention d’inscrire cette règle précisément dans la loi. D’ailleurs, des reculs ont déjà été notés avec un discours d’Elisabeth Borne en retrait de ce qui avait été annoncé initialement.

L’auteur termine son propos en questionnant les promesses du gouvernement sur les moyens d’accompagnement social et professionnel et de formation. Ce sont des conditions indispensables pour aider véritablement les citoyens en difficulté à accéder à une véritable insertion. D’où sa légitime interrogation sur la réalisation de ces promesses dans le contexte actuel. Il serait aussi nécessaire que l’on écoute ce que les allocataires du RSA ont à nous dire. Ils sont une nouvelle fois les grands absents de ce débat alors qu’ils sont les premiers concernés.

 

Photo : Yves Faucoup sur son blog « Social en question »

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4 réponses

  1. Je touche pas le RsA mais je suis très dessus de ce gouvernement qui sans prend toujours aux plus petits dégoûté de ce pays qui va toujours exploiter et précariser les plus pauvres comment voulez-vous mettre des loi comme celle ci alors qui on échoue dans les mandats…

  2. Merci pour cet article on peut ajouter que pour travailler un logement stable reste important.
    Certains allocataires du RSA n’ont pas de logement dorment dans des accueils de nuit via le 115 et faute de place nombreux sont ceux qui passent les nuits à la rue !!!

  3. Excellente analyse d’une mesure contraire au principe de solidarité et qui demanderait des moyens importants.

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