La pandémie a des effets dévastateur sur l’économie mais aussi sur la vie des personnes les plus fragiles. Nous n’avons jamais autant besoin de mettre autant en œuvre la Solidarité Nationale. En 2020, la crise sanitaire a fait basculer plusieurs centaines de milliers de personnes sous ce que l’on nomme « le seuil de pauvreté ». C’est ce qu’explique l’Observatoire des inégalités dans son Rapport sur la pauvreté en France 2020-2021 sorti en fin d’année dernière.
Le nombre de personnes pauvres augmente de façon conséquente : quelque 8 millions de Français bénéficient désormais de l’aide alimentaire, contre 5,5 millions en temps normal. Paradoxalement la fortune des 43 milliardaires français, elle, a progressé de 2 % en 2020. Une machine inégalitaire dont s’alarme Esther Duflo, la Française prix Nobel d’économie.
Il est grand temps que la solidarité nationale s’adresse non pas uniquement aux entrepreneurs en difficulté mais aussi en direction de la population qui souffre au quotidien. Le gouvernement ne peut faire l’impasse sur cette réalité. Or on ne peut que constater que la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté est à l’arrêt ou du moins particulièrement mal en point comme l’a indiqué récemment Marine Jeantet, la déléguée interministérielle à la prévention et à la lutte contre la pauvreté.
La solidarité nationale est nécessaire encore plus en temps de crise
Cette solidarité est le lien moral qui unit les individus d’un même groupe, et qui forme le ciment de la «cohésion sociale» : pour qu’une société existe, il faut que ses membres éprouvent de la solidarité les uns envers les autres. Sinon une société n’existe pas. Sans liens sociaux de solidarité nous serions face à une somme d’individus qui ne s’intéressent pas aux autres. C’est le « chacun pour soi » et toutes les violences sont alors permises. C’est la loi du plus fort qui, à l’extrême, va jusqu’à l’élimination pure et simple des plus faibles. Aucune société normalement constituée ne veut que ses membres les plus faibles soient éliminés. Vivre en société implique des obligations morales dont celle d’être solidaire, de savoir porter assistance et secours lorsque cela est nécessaire.
Ce lien moral trouve sa traduction juridique dans la Constitution Française (dans l’article 11 du préambule de la Constitution de 1946, repris par celle de 1958). Or tout citoyen doit respecter la Constitution.
Faut-il rappeler que la solidarité nationale est notamment financée par l’impôt sur le revenu, qui repose sur une forme de redistribution des richesses, chaque citoyen y contribuant en fonction de ses moyens. Toutes les diminutions d’impôts impliquent la diminution des possibilités de redistribution, c’est-à-dire des possibilités de développer la solidarité envers les plus faibles. A force de diminuer les impôts des plus riches, c’est la Solidarité Nationale qui s’affaiblit.
Et la Fraternité ? Qui s’en soucie ?
Les Nations Unies ont célébré, jeudi de la semaine dernière la première Journée internationale de la fraternité humaine. C’est quasiment passé inaperçu. L’organisation mondiale appelle ainsi à promouvoir davantage la tolérance. L’intention est de cultiver en tout, en nous et autour de nous, un humanisme universel, dans le respect des droits fondamentaux et des libertés, de la dignité des personnes.
Il s’agit ainsi de faire vivre la Fraternité qui est inscrite sur le fronton des écoles et des édifices publics. Or, la Fraternité est mise à mal. En n’agissant pas rapidement par des mesures fortes en direction des jeunes notamment et des exclus, le gouvernement prend le risque de détricoter encore plus le pacte Républicain et sa devise « Liberté, Égalité, et Fraternité. »
La Fraternité c’est considérer que nous sommes tous frère. Certes, cette Fraternité est absente de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Elle est apparue pour la première fois dans les textes en novembre 1848, puis dans les Constitutions de 1946 et 1958. Ce principe renvoie à la solidarité (aides sociales, par exemple) et au « vivre ensemble » (tolérance, respect de l’autre). Mais la fraternité n’est pas une simple valeur morale : le Conseil constitutionnel a consacré la « valeur constitutionnelle du principe de fraternité » dans une décision sur le délit de solidarité envers les migrants.
Sommes-nous vraiment tous frères et à ce titre ceux qui sont les plus aisés sont-ils prêts à partager et à s’engager ? Contrairement à ce que l’on laisse entendre, les Français soutiennent massivement les plus pauvres. Pour partie aussi, notre système offre des services publics de qualité à tous, riches ou pauvres, par un juste souci d’universalité. Mais l’État, garant de la redistribution, est-il prêt à agir et à prendre en compte ce besoin de solidarité ? Pour l’instant la question ne peut que rester posée